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FUNERAL DOOM  |  STUDIO

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- Style : Evoken, Mournful Congregation, Thergothon
 

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BELL WITCH - Mirror Reaper (2017)
Par WËN le 18 Juin 2018          Consultée 6165 fois

Il est de ces sordides entités qui, réfractaires à la moindre once de lumière, creusant leurs propres et profonds terriers à même cet universel terreau de peine et de souffrance qu'est notre monde déclinant, en arrivent fatidiquement - et souvent sans crier gare - à subitement émerger au plus noir de la nuit et, en déversant toute leur sourde et immuable souffrance à qui saura et voudra bien tendre l'oreille, parviendront incontestablement à marquer leur époque. Si l'on peut décemment avancer que BELL WITCH, via son précédent "Four Phantoms" - longue et impavide œuvre de Funeral Doom aux réminiscences Sludge - laissait déjà présager aux esprits avertis d'un futur des plus arides mais néanmoins rayonnant, avouons toutefois que nous étions loin de l'imaginer accoucher d'un tel mastodonte.

Cet éthéré faucheur, reflet tout en nuances des fatidiques visions de son Dylan Desmond de géniteur (basse, orgue, chant clair), vous l'aurez sans doute déjà entraperçu. Au détour d'un bac, lors d'une fugace apparition dans les noires colonnes d'un quelconque web-collègue, ou encore en tête des nouveautés d'une obscure distro ; ce bigarré spectre attire forcément le regard. Et fin 2017, il fut en effet peu aisé de passer outre son immatérielle mais pourtant bien réelle silhouette. À cela, trois raisons :

- Déjà, son artwork, à compter parmi les plus belles pièces de l'année, nous interpellera, surtout si le monstre se retrouve relégué à barboter entre ses congénères stylistiques aux robes monochromes plus coutumières.

- Ensuite, sa composition. Car taillée à même un unique pavé de 84 minutes, la bête, sous ses prodigieux contours et ses formidables atours a de quoi nous laisser pantois : à quoi nous attaquons-nous là ?

- Enfin, hasard d'un calendrier ou fruit d'un funeste destin autant que d'un inimaginable contexte, le soudain décès d'Adrian Guerra (la seconde tête du duo, en charge de la batterie et du chant extrême) a bien malheureusement participé à baigner cet album d'une aura toute particulière. Même si ne faisant 'techniquement' plus partie de l'entité à cette heure fatidique – préférant plutôt se concentrer sur MOROSE, son molosse Sludge/Doom - laissant au seul Desmond le loisir de la composition, nul doute que l'inattendu évènement en influença le résultat. Et "Mirror Reaper" de prendre d'un coup une toute autre dimension.

Car si le pachydermique opus s'inscrit de prime abord comme une logique évolution à son prédécesseur en déployant ses squelettiques phalanges dans les mêmes désertiques directions, nous allons néanmoins pouvoir rapidement témoigner que ses ineffables prétentions s'avèrent bien plus folles. Ses dimensions également. Déjà, attardons-nous sur sa fameuse durée de quasi 1h30 (**) ! Réussir à maintenir en haleine son auditoire sur une telle longueur relève de la réelle gageure que seuls d'implacables et machiavéliques ressorts permettront de vaincre. En effet, BELL WITCH sait découper son pavé avec suffisamment d'intelligence pour lui insuffler l'énergie nécessaire à nous ébahir. Et en ce sens, ainsi qu'en celui plus littéraire du terme, ce "Mirror Reaper" touche au sublime, solennel qu'il est face à cette fascinante fatalité qui le déchire.

En apesanteur quelque part là-haut où nos faibles et mortels référentiels temporaires n'ont plus prise, BELL WITCH propose, en les alternant, phases contemplatives couronnées d'un chant éthéré à fleur de peau et parties furieusement lourdes, seulement hantées d'un grunt moribond. Une poignée de minutes l'un, puis l'autre et rebelote ; en alternant les thèmes évidemment, 20-25 minutes pouvant s'écouler avant que WELL BITCH ne se décide à nous ramener dans une partie déjà explorée de son antre, permettant de se raccrocher à quelques fugaces repères pour mieux nous perdre à la plâtrée tourbée suivante.

Musicalement, le nouveau duo (dorénavant ponctué par les cymbales de Jesse Shreibman) maîtrise toujours autant son sujet, jouant de divers artifices selon son besoin. La basse déjà, joue le rôle principal ici puisque hormis cette dernière et la batterie, seul un orgue discret viendra accoucher de quelques nappes. Tour à tour saturée, déversant ses leads agonisantes par-dessus des accords denses et percutants, ou au contraire, toute en réverb' et au delay définitivement hypnotique, la basse redouble de prouesses dans ce rôle qui lui est alloué de spectatrice des derniers échos d'un monde mourant. Mélodies fourmillantes de détails, parfois doublées (33"), légers larsens et flangers occasionnels, bourdonnements de l'ampli en fond de cette toile sonore : tous ces usages si particuliers qui en sont faits - voyez un peu quelques vidéos live (***) - fournissent à BELL WITCH et à ce "Mirror Reaper" une couleur propre, tout en nuances et mine de rien assez personnelle par rapport à ce qui se fait actuellement.

Car sous ses allures pachydermiques ce disque se révèle finalement plus fin et complexe qu'il n'y paraît, se plaisant à jouer avec les digressions et les subtilités de ses propres gargantuesques ronronnements. Imposant, mais jamais hors de propos, ce troisième opus, dans son registre et ainsi mis en musique, s'avère être au solennel ce qu'un AHAB est aux grands fonds marins ou un MOURNFUL CONGREGATION aux immensités interstellaires, une parfaite synthèse. Mêlant beaucoup d'influences dans sa partition, parfois évidentes (WORSHIP) ou plus impromptues (ULVER et Hildur GUĐNADÓTTIR dans les influences de Dylan Desmond), le colosse de lin ne manquera pas de nous fasciner aussi rudoyant qu'il est. Véritable miroir vers l'autre côté, le tragique atteindra sans doute son paroxysme sur ces dernières lignes d'Adrian Guerra, dont le spectre reviendra hanter cette phénoménale composition le temps de quelques strophes. Et nous dans tout ça ? On courbe l'échine et on encaisse…

Car si contemplative, la musique de BELL WITCH l'est assurément, comme bon nombre de ses confrères officiant au sein de cette scène Funeral Doom, nous ne pourrons ici nous contenter de seulement y prêter l'oreille, sans la vivre, cette détresse prégnante au combo, cette sourde fatalité résignée face à l'inévitable. En découle des conditions d'écoute forcément particulières pour en apprécier tous les atours, car si nous ne nous y laissons pas plonger pleinement et sans retenue, en lâchant totalement prise, nous ne pourrons alors qu'effleurer le propos du duo. Et c'est peut-être là la principale difficulté d'accroche au bestiau (pour peu que vous ne redoutiez pas le style) : la façon dont il sera abordé. Car il faut le vouloir, de se laisser ainsi happer dans ses déhanchements les plus intimistes, pour être soudainement bousculé et malmené, pendant plus de 80 minutes lourdes de sens… Et à forcément s'enfiler d'une traite (la pause pour le reprendre plus tard n'étant clairement pas envisageable pour ce type de disque). Bon courage...

Une œuvre qui marquera les esprits et la décennie. Indélébilement.

Note finale : Quatre et quelques pelletées de terre, qu'on saura arrondir au supérieur, pour tout ce qui en ressort !

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(*) Artwork : "Essence Of Freedom" de Mariusz Lewandowski

(**) Les 2 CDs (ou 4 faces vinyles), même si peu pratiques, restent intelligemment coupés, profitant de longs fade-out ou d'une alternance clair/disto pour permettre le changement, sans trop couper le trip' (mais un peu quand même).

(***) Bell Witch Plays Doomed & Stoned Fest : https://www.youtube.com/watch?v=XZoME0-On4M

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   WËN

 
   JEFF KANJI
   PERE FRANSOUA

 
   (3 chroniques)



- Dylan Desmond (chant, basse)
- Jesse Shreibman (chant, batterie orgues)
- Adrian Guerra (rip - chant)
- Erik Moggridge (invité - chant)


1. Mirror Reaper



             



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