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BELL WITCH - Future's Shadow Part 1: The Clandestine Gate (2023)
Par WËN le 14 Février 2024          Consultée 1513 fois

Tout autant ovationné que conspué, il est indéniable que BELL WITCH aura intimement et indélébilement su marquer 2017 de l'incroyable lourdeur de son sceau unique. Quel que soit le sens que vous voudrez bien accorder à "lourd", son "Mirror Reaper" a su défrayer la chronique et du même coup effrayer tous curieux par trop entreprenants, éventuellement peu familiers des codes d'un genre hermétique et par conséquent, forcément décontenancés au moment de faire face à un unique morceau de 83 minutes. S'il n'était sans doute pas parfait et si un juste milieu était peut-être la meilleure position à adopter quant à ce disque (*), force est de constater que le duo a su forcer tellement de frontières qu'on ne pouvait que l'adopter sans réserve ou, au contraire, ne pouvoir y rester qu'insensible et se résoudre à ne devoir comprendre ses adorateurs. Même si, avec le recul, nous en sommes quelque peu revenus, nous fîmes néanmoins partie de cette première catégorie : les pâles astres qui s'épanchèrent sur son caveau au moment de l'en extraire étant si funestement alignés (son jusqu'au-boutisme assumé, le souvenir encore vivace du décès de son batteur Adrian Guerra, sa pochette, etc.) qu'ils surent en relever toute sa viscérale implacabilité.

La parenthèse collaborative STYGIAN BOUGH (**) entérinée par une tournée européenne avec WOLVES IN THE THRONE ROOM et INCANTATION dans les jambes, il était alors justement temps pour Dylan Desmond (chant, basse) et Jesse Shreibman (chant extrême, batterie, orgue) de ramasser leur pelle et leur seau et de partir nous exhumer un nouveau molosse sonore. Et lorsque l'ombre de celui-ci vient enfin hanter les internets par extraits successifs, force est vite d'avouer que nous ne les attendions pas nécessairement là, nos Seattleites. En effet, si l'absolue immuabilité de "Mirror Reaper" fut rapidement considérée comme une référence de lourdeur et de longueur, toujours est-il que ce disque, par son format, demeurait un coup d'essai et nullement représentatif de la courte carrière du duo, habitué qu'il était à nous proposer plusieurs titres sur sa paire d'albums précédents (même si ceux-ci parvenaient régulièrement à atteindre la vingtaine de minutes, cf. le tellurique "Four Phantoms"). Mais non, c'est un BELL WITCH opiniâtre qui se présente à nous en milieu d'année 2023, bien décidé à nous enfoncer le cou, par un unique clou dans le cercueil de toute bienséance musicale, sabordée par une nouvelle pièce à la durée identique d'une heure vingt-trois !

Derrière ce nom à rallonge - qui appelle déjà à deux suites (déjà partiellement composées) du même acabit et qui tendrait à pérenniser l'existence de STYGIAN BOUGH en tant qu'entité propre et en charge de proposer des titres moins longs - pour un pavé qui l'est tout autant et que nous n'étions pas forcément prêts à accueillir ou en tout cas, à y consacrer l'énergie et l'extrême concentration nécessaire à sa juste appréciation, se terre encore une œuvre outrancièrement impavide et propre à l'introspection. Comme nous étions en droit de l'imaginer, le cafardeux duo, du haut de son propre pinacle de tourments, se donne le temps d'agir, égrenant en de vaines et mortifères suppliques son introductif orgue nocturne au gré d'une enveloppante mélodie de près de 4'30. Ce premier mouvement révolu et alors qu'il est maintenant assuré que les plus prosaïques de ses auditeurs ont déjà quitté la place, et qu'il reste ainsi entouré de personnes - sinon de bonne compagnie en tout cas - prêtes à encaisser son écrasant propos, il se laisse alors aller aux plus belles ouitcheries que nous étions évidemment et avidement en droit d'attendre de sa part, à commencer par cette basse tour à tour écrasante et débordante de saturation (dès 8'40… Oui, nous l'avons dit, le groupe se donne le temps… et encore, le chant, lui, n'intervient qu'à 11'20 (!)), ou au contraire caverneuse et crépusculaire à souhait (24', ou lorsqu'elle joint ses forces à l'orgue d'intro) le temps de tempi d'une affolante mais hypnotique lenteur (le pont ambiant aux alentours de 25'-34', ou le final du disque).

Car n'oublions pas que c'est ce credo si cher à BELL WITCH qui fait aussi sa particularité depuis ses débuts (sans doute lors d'une obscure et trop arrosée veille funèbre de 2010) : nulle guitare n'est à contempler sur sa partition. Et pourquoi faire, après tout, tant les basses 6 et 7-cordes de Desmond, savamment jouées (une main à la rythmique en accords plaqués, l'autre aux mélodies) sait se suffire à elle-même ? Car à aucun moment le manque d'une gratte n'est à déplorer ni ne se fait sentir, et c'est bien là un tour de basse-basse majeur tant rien chez ces gars ne paraît forcé. Et en ce point, la paire de musiciens sait respecter ses engagements. Si ce leitmotiv sait lui procurer une lourdeur peu commune et certainement pas avenante, le groupe se doit de savoir assurer avec une réelle force de composition, faisant plus que jamais jouer les structures et les panels d'effets à sa disposition pour tisser d'improbables paysages de désolation sonore (de noirs lacs de réverb souterraine, d'accablés sommets montagneux érodés par une saturation trop abrasive), là en donnant dans une palpable et vrombissante apocalypse sonore riche en infra-basses, ici en désossant nos carcasses effervescentes via de magnifiquement désespérantes et entêtantes mélodies (à 16'20 et durant sept bonnes minutes, et d'autres à 49' pour revenir décupler leur supplice vers 54'-60'), ou encore via la mainmise et l'impassibilité de rigueur de cette basse obsessionnelle (de 35' à 45'). Le temps de s'accorder une relecture de sa propre introduction de disque (l'orgue et les premiers suintements de basse) en la réarrangeant, et voilà la formation qui revient grignoter nos derniers espoirs (65') par des chœurs fantomatiques sur la fin du disque. Aux accents liturgiques, ces derniers sont d'ailleurs souvent utilisés en renfort des atmosphères, leur servant de ligne mélodique et s'alternant habilement à des growls d'outre-tombe ou au contraire complètement éthérés par quelques stratagèmes de mixage. À cette formule, nous ne saurions occulter l'incontestable apport de l'orgue (et de quelques synthés), véritable thaumaturge de l'orchestre qui vient plus d'une fois insuffler une grâce toute moribonde à l'ensemble (23'40 ou lors de la montée de 58'-60') ni, bien sûr, la batterie (voire son absence) de Jesse Shreibman qui, dévorante ou minimaliste, précautionneuse ou garnie d'affabulantes cymbales, parvient à rythmer idéalement cette gargantuesque pièce.

La décence ne nous permettant guère de nous y attarder davantage, l'aperçu abordé ici ne pourra qu'à peine effleurer d'un doigt rachitique les contours monumentaux de la bête, mais cela devrait déjà vous permettre de savoir si ce disque est fait pour vous ou, du moins, si vous êtes prêt pour lui. Certes les réfractaires à "Mirror Reaper" ou aux lourdes pièces élitistes de plus de vingt minutes (mais que faites-vous encore ici, si bas dans ce papier ?) seront une fois de plus largués dans les labyrinthiques émois du combo, mais "The Clandestine Gate" a bien d'autres charmes mortuaires à proposer. Car même si elle n'a pas pour elle cette grâce ni l'avantage de la surprise dont avait bénéficié son assommant aîné, il se pourrait que cette première partie de triptyque en devenir, plus sage, puisse néanmoins jouer à drame égal. En effet, avec le recul, et même si une tendance à lui pardonner quelques menues imperfections pouvait prévaloir face à cet alignement des astres dont il était l'objet, "Mirror Reaper" n'était pas non plus exempt de légers défauts (de fortes redondances dans sa structure déjà, avec une alternance trop systématique des parties acoustique/saturation) dans lesquels ce "Clandestine Gate" parvient justement à ne pas se vautrer.

Ce cru 2023, c'est indéniable, est un disque qui se mérite et il ne sera pas forcément aisé de s'y retrouver avant son lot d'écoutes adéquat (trois-quatre écoutes, soit près de six heures de musique qu'il faudra intelligemment savoir espacer en les laissant un peu décanter). Là alors, sa richesse va naturellement venir s'imposer et toute la finesse de son art nécromantique enfin opérer. Car c'est en fait une véritable aventure que BELL WITCH nous propose ici, n'attendant pour vous cueillir qu'une rythmique un peu plus pachydermique que les autres, une mélodie plus éplorée qu'à l'accoutumée, ou une ultime ligne d'orgue vaporeusement aguicheuse.

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(*) Des notations dithyrambiques, qu'on retrouve en zones Kros-Express et commentaires, qui ne font ni dans l'unanimité ni dans la demi-démesure (globalement, c'est 1/5 ou 5/5), pour une moyenne de 3/5.

(**) Le duo composant BELL WITCH en collaboration avec Erik Moggridge (chant, guitare) du one-man band AERIAL RUIN (qu'on retrouvait déjà en guest au chant sur les trois précédents disques de BW).

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- Dylan Desmond (chant, basse)
- Jesse Shreibman (chant, batterie, orgue)


1. The Clandestine Gate



             



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