Le principe des chutes de studio m'est toujours apparu comme une dégueulasserie commerciale qui jette l'opprobre sur les groupes. Difficile à justifier, l'existence d'un EP ou album basé sur les déchets de l'aîné doit s'accompagner d'une explication majeure. Je repense à NEUROSIS et son "Sovereign" sorti après "Times Of Grace" et qui ne venait pas apporter grand chose au géant édifice. Il apparaît clair que CULT OF LUNA est entré dans la sphère sélect' des grands groupes avec "Vertikal", album magnifique, riche et mature. Alors quid d'un "Vertikal II" ? Pour refaire le parallèle avec "Metropolis", il suffit d'imaginer que Fritz Lang, pris d'un accès de démence Jacksonienne (coucou le Hobbit 3) ait décidé de faire un "Metropolis II", ou comment illustrer le mieux une prise de position qui ne relève plus de l'art mais de la moula, du caramel.

Verticalité sociétale, brutalité du pouvoir dystopique, industrialisation extrême d'un pays étrange et fascinant : "Vertikal" c'est tout ça. Une œuvre qui est un tableau impressionniste, avec ses déclinaisons de gris surtout, ses moments de lumière artificielle, de ténèbres préfabriquées et de mécanique généralisée effrayante. Une vraie vision artistique comme peu de groupes sont capables d'en proposer. Mais c'est aussi une vision qui se suffisait à elle-même. Un objet clos sur lui-même. Une histoire singulière. "Vertikal II", dans cette optique, est une aberration. C'est un EP que l'on a déjà envie de condamner.

Pourtant faisons montre d'analyse critique et gageons que cet objet existe. En le prenant comme EP à part, et non comme suite, "Vertikal II" propose un chemin intéressant dans la musique de CULT OF LUNA. Celle-ci y est plus hypnotique, plus minimaliste ("Light Chaser" et son clavier ensorcelant), plus atmosphérique surtout. C'est une version aboutie de l'idée de répétitivité dont parlait le groupe lors de la promotion de "Vertikal". Le monde dystopique décrit n'a jamais paru aussi froid, calculé, monotone ("Shun The Mask", procession funèbre de robots au design typé années 20).

Mais de fait, il est impossible de ne pas le saisir comme une extension de "Vertikal". Une extension de ses parties les plus industrielles, avec le clavier comme instrument majeur, et le chant plat comme une journée à l'usine. L'EP donne parfois l'impression d'écouter de l'Ambiant, notamment dans "ORO", avec ce chant clair entendu et réentendu, mais qui suit à merveille la fin de "Vertikal". Aussi, "Vertikal II" semble être du déjà vu mais expérimenté. Un clone plus froid, avec moins de vie que son original. Moins de passion, plus de vide. C'était certainement le but, créer davantage de vacuité pour ce monde triste à pleurer, mais musicalement il y a trop peu de moments forts, malgré l'audace de certains titres (clairement "Light Chaser"). "Vicarious Redemption", elle, reprise par Justin K. Broadrick est à l'image de l'EP : paresseuse, sans grande âme, doucereuse mais sans le génie de son aînée. A l'instar de cet artwork recyclé, "Vertikal II" a tout du demi-Vertikal, c'est un enfant bâtard, qui aurait dû s'appeler autrement, et vivre par lui-même, avec plus de titres, et plus de jusqu'au-boutisme dans l'audace.