2009, tout nouveau canevas tout blanc pour Chris Black, logo fraktur de rigueur et noir et blanc ou blanc et noir, et une tenue de scène pareil, avant que les albums n’introduisent un pendant visuel plus développé y avait déjà une allure d’achèvement à ce petit projet, probablement issu d’un rab de la flopée de chansons composée avant le petit-déjeuner ce jour-là par le seul musicien de Chicago. Pour le coup c’est une décharge de ses trucs plus noirs et ambitieux, un heavy dépouillé less is more, soit un exercice plus délicat qui vomit les tubes néons et chie les coupes afro comme s’il avait une intraveineuse d’essence de 1981 distillée droit dans son hémisphère métallique. Chris a trouvé un truc parfaitement, totalement cool et atteint la vitesse de libération, ébauche les chansons à une telle vitesse que c’est physiquement impossible de leur accorder à toutes une version finie et ces démos gouttent sur moult singles et EPs qui forment une petite galaxie de chansonnettes à collectionner pour le bonheur des grands et des petits.

Ces morceaux ont le charme inhérent aux productions de Heavy Metal très raw (je dis pas mal produites dans le sens plastique et sans vie, je dis juste suffisamment fuzzé pour faire craché droit de la salle de répète), on dirait que le gars est tombé d’un seul coup sur sa voix à proprement parler, et cette compilation de deux démos primordiales débroussaille le concept en rouvrant les portes du Heavy metal au passage. Forcément moins flashy que "Another Night", beaucoup de chansons semblent lorgner du côté du mélancolique de "You Are Here" surtout à cause d’une production fuzzée et émoussée, même si des titres plus speed écrits avec œillères rappellent les moments énergisants du premier, "Wanted Dead" en tête. Un Metal lounge et charcuté par une boite à rythmes avanti très cru et qui arrache en comparaison de ce que le groupe pratique sur son dernier album en date, un son très particulier qui appelle des termes un peu provocants, on pourrait retenir Shoegaze Heavy Metal (ou White Metal) pour ce nouvel exercice en matière de kitsch, dont Chris ouvrira les vannes par la suite pour nous noyer dans les tunes encore plus sucrées. "Midnight Lady" représente un équilibre improbable de heavy agressivo-sirupeux assez incroyable, et on parle d’un album qui balance le premier "Ouh yeah" après moins de 3 secondes (et qui finit sur hey hey hey (hey !) tonight toniiiight).

"Torture", la compo initiale de ce concept qui démarre l’aventure en trombe incarne tous les travers de cette musique directe et qui fait bouffée d’air avec une voix naïve et un peu mal posée tandis qu’on a du mal à croire que "Night After Night" soit pas écrit par quelqu’un qui a un poster de chanteuses pour ado au-dessus du lit. Quand on arrive aux morceaux lancinants et volontairement poussifs on a une sorte de synthèse bizarre entre rock inoffensif en super énergétique.
Pourtant voix qui appelle à travers un voile de saleté fait un effet, même si en général les chansons sont rapides et se contorsionnent pour caser parfois deux titres en un ("On Wings Of Fire-Don’t Look Down"), tandis que sur "Wanted Dead", le premier gros hit on imagine Chris un flingue sur la tempe forcé de composé à flux tendu, avec des crachats embrouillés doublés de visite amicales de leads presque "flottant" par-dessus le mix d’où des accroches insolemment, euh, accrocheuses, qui préparent le futur hit "Full Power". "Calling Out To You" est le genre de chanson qui semble vous prendre personnellement à partie et fait passer son message clairement, vite et fort à travers la nuit en atteignant son refrain après un laps de temps absurdement court, comprendre qui vous fait passer des low aux high spirits en un instant. On a même "Set Me Free", une chanson qui sera retravaillée par PHARAOH avec toute la puissance qu’une production élaborée devait donner à un morceau si bien trouvé. Et enfin, il y a "High Spirits" le morceau-titre très fort qui est surtout un manifeste avoué (bientôt Chris fera une chanson dont les paroles sont seulement une litanie de TONIGHT TONIGHT j’en suis convaincu, même que ce sera la meilleure tune de happy metal depuis "Feeling Free Again"), de quoi faire headbanger un sénateur.

Aboutissement précoce et sans effort, phares multicolores, brume matinale et tout ça, cette flopée de chansons est une merveille déjà capable de dissiper les mauvais songes l’espace d’un album.