Lorsque j'écoutai pour la première fois un album d'AN AUTUMN FOR CRIPPLED CHILDREN, ce fut avant tout parce que leur nom m'intriguait. On se distançait enfin des poncifs du genre comme COLDWORLD, COLD BODY RADIATION, FROSTREICH, HYPOTHERMIA… laissons le thermostat en paix, pour une fois. Franchement, lorsque l'on se voit présenter un groupe de Depressive Black Metal/Shoegaze avec un tel patronyme, l'on se prépare à entrer dans un monde riant et léger, où l'on fait la queue pour aller se jeter du haut de la falaise vu qu'un petit malin s'est enfermé dans la salle de bain avec tous les rasoirs de la maison et reste sourd à toute injonction lui intimant d'ouvrir la porte… Bref, tout un programme. Enfin ça, c'était avant.

Car AN AUTUMN FOR CRIPPLED CHILDREN a eu le temps d'évoluer malgré ses à peine sept ans d'existence à l'heure de la parution de leur déjà cinquième disque, "The Long Goodbye". Du Black Metal dépressif et mélodique de ses débuts prometteurs l'on est passé à un Post-black/Shoegaze trop artificiel pour être véritablement convaincant, trop mielleux pour véhiculer la force du désespoir, trop lumineux pour tirer à lui les voiles d'ombre de la nuit et s'enfoncer dans les ténèbres des tourments de l'âme. Ce n'est pas désagréable, mais un peu limité pour proposer quelque chose d'attrayant au milieu de toutes ces productions si similaires de Black/Shoegaze.

Tout commence plutôt bien pourtant. Le titre éponyme de l'album, sans être une révolution, fonctionne efficacement grâce ses mélodies éthérées et au chant écorché de Mchl. Les claviers, quoiqu’un peu kitsch, soutiennent assez bien l'ensemble. Le véritable problème de l'album se manifeste seulement ensuite, avec le troisième morceau : une désagréable impression de déjà-vu s'immisce dans l'esprit de l'auditeur… serait-ce que cette chanson reprend la même recette que la première ? Que la deuxième ? Que toutes les suivantes ? Que celle des deux albums précédents ?

Le constat est assez clair : AN AUTUMN FOR CRIPPLED CHILDREN tourne en rond. Toujours les mêmes guitares saturées, la même batterie discrète en arrière-plan, les mêmes claviers superficiels… et cette manie qu'on les groupes de Black/Shoegaze de séquestrer leur chanteur dans les sanitaires afin d'obtenir le meilleur effet d'écho à bas coût… tout cela manque cruellement de personnalité, de créativité, de folie. Il y a de bons moments, tout de même : "Only Skin" ou "She's Drawing Mountains" sont accrocheurs, plus tourmentés que les autres titres, surtout ceux particulièrement lassants comme l'interminable "Endless Skies", qui fait montre de tout ce qu'il y a de plus poussif et ennuyeux dans le genre, ou encore "Gleam" et ses claviers au son plastique digne des plus grandes productions d'un BURZUM période carcérale ou des chefs-d'œuvre inégalés, quoique bien trop méconnus, de musique d'aquarium.

En résumé, "The Long Goodbye" s'inscrit dans la suite logique de "Try Not to Destroy Everything You Love", son prédécesseur, mais cela est malheureusement loin d'être une bonne chose, ce dernier ayant causé une significative baisse qualitative de la ligne de production du groupe. Peu innovant, longuet ; on aurait apprécié quelque chose de plus savoureux à se mettre sous la dent. L'album est certes distrayant par moments, mais il s'enlise dans sa propre inconsistance. Je ne puis m'empêcher de citer en conclusion le grand César tel que rapporté par le génial Goscinny (*) : "Bis repetita ne placent pas toujours". Surtout quand ce qui a été répété était déjà bien fade à l'origine.


(*) Goscinny, R. et Uderzo, A. (1968) Le Bouclier arverne, Paris: Dargaud S.A., planche 42B.