Loin de me donner de mauvaises idées avec ce titre dépressif, ce second skeud des Anglais Doomeux de EYE OF SOLITUDE m'enthousiasme à un niveau presque aussi intense que "Canto III", Sélection du site il y a quelques mois.

Apparu en 2012 sur les étagères un an à peine après le premier effort du groupe, "Sui Caedere" est la véritable carte de visite des génies précoces de EYE OF SOLITUDE, une formation dont il est facile de deviner les ambitions : réinventer le Death/Doom en y injectant des mélodies faisant mouche.

On a qu'à écouter le premier titre "Awaken By Crows" pour s'en rendre compte. Ce titre absolument géant comporte la mélodie que tout groupe mélancolique aurait voulu pondre un jour dans sa vie. Les Anglais l'ont trouvée à peine quelques années après leur création. Si ça c'est pas un signe que EYE OF SOLITUDE est d'ores et déjà un groupe à part...

Le problème avec un tel chef d'œuvre de compo est qu'on se demande si le quatuor arrivera à s'en approcher sur les morceaux suivants. C'est le prix à payer pour enfoncer le clou dès le départ ! Eh bien, sans répéter l'exploit, disons que la créativité du combo arrive à nous river sur notre siège à de nombreuses reprises. Idem pour la voix du chanteur, dont la réputation n'est plus à faire.

Gardez en tête que "Awaken By Crows" est une pièce qui bluffera tout fan de Metal, peu importe sa chapelle en feu, donc il faut commencer à analyser "Sui Caedere" comme un album de Death/Doom « normal » à partir de "The Haunting". On se rend vite à l'évidence que ces airs mortuaires, tristes et poignants, nous renvoient aux clichés du genre, sans toutefois tomber dans la redite. Les caractéristiques de ce Metal lent et intense se marient avec les griffes de EYE OF SOLITUDE : une guitare ultra plaintive, un rythme de tortue et des répétitions passionnantes assoyant le climat grave et tendu d'un Doom/Death bien assumé et parfaitement produit.

"Sui Caedere" est conçu pour attirer l'auditeur pendant les quatorze première minutes pour l'enchaîner au style du band, et le libérer ensuite après 38 minutes sur une période plus longue et prégnante que la prémisse. Les trois derniers morceaux de l'album sont en effet d'une grisaille sans fin, qui complète parfaitement les atmosphères disséminées ici et là sur ce second méfait des Anglais.

Entre ces deux blocs, on a droit à cinq pièces correctes qui peinent toutefois à égaliser la qualité des cinq susmentionnées. C'est bien là le danger de tout miser ses jetons au début et à la fin. Mais attention, EYE OF SOLITUDE ne met jamais son argent sur la facilité, car il n'a pas son pareil pour asseoir des ambiances limbiques hors du commun, déstabilisant l'auditeur à chaque tournant, même sur les créations plus courtes. Un des meilleurs exemples est "Performed In Graphic Pain", au bridge rêveur.

Petite note pour ceux qui comme moi ont débuté leur voyage EYE OF SOLITUDien sur "Canto III" : vous remarquerez que "Those Who Don't Return" et ses 13 minutes s'avère le premier essai longuet qui mènera au troisième et impeccable album ! Bien entendu, ce n'est pas parfait, mais ça nous change !

Pour bien comprendre le cheminement logique du groupe, on doit s'attarder sur le trio final, qui confirme que EYE OF SOLITUDE est loin d'être un feu de paille. "Totem Of A Pagan Thought", "Yet I Breathe" et "Departure" sont parcourus de lignes mélodiques inoubliables, qui non seulement labourent les tripes, mais témoignent d'une maturité incroyable de la part des Anglais. Des vétérans peinent encore à écrire de telles notes...

Une rareté parmi les formations modernes qui osent vandaliser les cimetières. Un Death/Doom qui évoluera dès le prochain album et qui n'a pas fini de nous entraîner dans des orages de l'âme pour lesquels de larges parapluies sont nécessaires.

Podium : (or), "Awoken By Crows", (argent) "Totem Of A Pagan Thought", (bronze) "Yet I Breathe".