Un mauvais disque peut-il être sympathique ? Sans doute, puisque c’est le cas de ce troisième et très inepte album de STEPPENWOLF, qui voit le groupe s’enfoncer dans une platitude sonore désespérante sans qu’on parvienne vraiment à le détester. En effet, "At Your Birthday Party" a beau être laborieux et poussif, révélant une inspiration tarie, il n’en est pas moins attachant, souvent défendu par les fans pour son côté honnête et rugueux. Mais toute la bonne volonté du monde ne permet pourtant pas de sauver objectivement cette série de compositions exaspérantes de banalité et indignes de "Born To Be Wild".

Et dire que nous ne sommes alors qu’en 1969… Autrement dit le début des temps bénis pour le Hard Rock. LED ZEPPELIN et GRAND FUNK RAILROAD sortent leur premier album, BLACK SABBATH entre en studio. C’est l’année de "Beck-Ola" ou de "Kick Out The Jams"… Considéré à juste titre comme un précurseur, auteur d’un hymne du genre, STEPPENWOLF apparaît soudain comme un dinosaure d’un autre temps, assoupi sur ses lauriers et complètement dépassé par la fougue et la créativité explosives de jeunes loups plus ambitieux et plus doués. Arrivé trop vite au sommet (un an plus tôt seulement !), le groupe semble cramé.

Il faut dire que John Kay, son principal songwriter, a épuisé ses idées. Forcé par son label à sortir des albums à une cadence infernale, STEPPENWOLF se retrouve à sec. Mars Bonfire (auteur de "Born To Be Wild") n’est plus là et chacun des membres met la main à la pâte pour meubler. Le résultat est très faible. Une bonne moitié du disque est à jeter à la poubelle : on navigue péniblement entre Boogie sans âme ("Don’t Cry") ou englué dans le Psyché ("Round And Round"), ballades laides et mal chantées ("She’ll Be Better") et bouche-trous honteux ("Sleeping Dreaming", "Cat Killer" et "Mango Juice").

Quelques compositions honorables font meilleure figure, comme ce "Chicken Wolf" classique mais rythmé ou "God Fearing Man" (malgré la petite voix ridicule). Deux fois seulement, le groupe tient son rang : "It’s Never Too Late", écrite par le nouveau bassiste Nick St.Nicholas, rappelle le grand STEPPENWOLF tandis que "Rock Me" est un Hard Rock sans originalité mais solide qui sera leur dernier hit. En fait, l’écoute de "Jupiter Child", avec son trop bref passage tripant à l’orgue, prouve à quel point les quelques trouvailles intéressantes sont mal exploitées. On se dit alors qu’un peu plus de temps passé en studio et une ou deux reprises du calibre de "Sookie Sookie" ou "The Pusher" auraient donné un coup de fouet à l’album.

Globalement, "At Your Birthday Party" – dont les ventes sont tout juste honorables à l’époque – donne l’impression que STEPPENWOLF est fini. Entré dans l’histoire avec fracas, il commence déjà à en sortir par la petite porte tandis que d’autres (les coriaces HUMBLE PIE en tête) s’apprêtent à lui ravir sa couronne et à sortir les chefs d’œuvre qu’il n’aura pas su composer. Autrefois précurseur, le groupe se normalise et sa musique perd autant en force qu’en originalité. Avec le recul, il est évident ce disque trop terne – bâclé entre les tournées par des musiciens exténués et pressés comme des citrons – n’aurait jamais dû sortir. Décidemment l’inspiration ne se commande pas.