Peut-être connaissez-vous ce groupe, nommé HELLSONGS, qui reprend des standards hard rock et heavy metal à la sauce folk intimiste. Une démarche originale et sympathique, qui assimile parfaitement le principe de la reprise efficace : un classique que l'on s'approprie et que l'on digère, avant d'en proposer sa version personnelle. Mark Fox suit une démarche sensiblement identique : après avoir quitté SHAKRA avec pertes et fracas en 2009 pour des problèmes financiers et d'égo, le voici qui monte son groupe, qu'il baptise de son propre nom. Et sous couvert d'un travail acharné de composition, le voici qui nous propose une douzaine de titres qui auraient été bien plus à leur place sur un album du groupe bernois.

Alors que l'on croyait nos voisins helvétiques placides et dotés d'un sang froid à toute épreuve, voici que la guerre est déclarée chez les hard rockers chevelus. Fort de son nouveau groupe, composé de l'ex-KROKUS Tony Castell, du cogneur de TREEKILLAZ Reto Hirschi ainsi que du guitariste Franky Fersino (membre de KRAK, la première incarnation de GOTTHARD), FOX semble bien décidé faire éclater à la face du monde son hard rock mordant et old school. S'éclater ensemble une dernière fois avant que la prophétie maya se réalise et qu'un cycle s'achève, comme semble l'indiquer la pochette de ce premier album, fort hideuse. L'envie d'encourager ce chanteur talentueux, à la voix rugueuse à souhait, ne fait pas défaut. Chris Von Rohr (bassiste de KROKUS et mentor de la quasi-totalité des groupes suisses apparus depuis 1985) semble ne pas s'y être trompé, puisqu'il se charge de la production de ce "2012" et ne tarit pas d'éloges sur le talent de Mark Fox.

C'est vrai, l'illusion fonctionne le temps d'une petite moitié d'album. Riffs plaqués et grosses guitares, couplés à la voix caractéristique du chanteur, font leur petit effet sur le titre d'ouverture, "Problem Child", énergique et fédérateur à souhait, ainsi que sur la reprise de Midnight Oil "Beds Are Burning", qui se fait de manière surprenante bien plus fluide et tout autant convaincante que la version originale. FOX ne se fait pas avare d'énergie et de bonne volonté, et touche sa cible à plusieurs reprises, notamment grâce aux titres les plus agressifs, sur lesquels la voix de Mark Fox fait des merveilles ("Black Sunday", le titre final "Down Down"). A peine réduit par une production légèrement brouillonne, l'intérêt de l'album décroît néanmoins à l'écoute des morceaux les plus légers, lorgnant ostensiblement vers un hard rock 80's qui n'a pas attendu FOX pour dire ce qu'il avait à dire. Le bluesy "Flashed", le fédérateur "We Are All", sans être réellement des titres de remplissage, s'émoussent au bout de quelques écoutes, et donnent une impression de gâchis, Mark Fox usant son organe vocal sur des titres bien plus inventifs et convaincants lorsqu'il était au sein de SHAKRA. L'ombre de ce groupe plane d'ailleurs constamment sur cet album. Un héritage dont Mark Fox, qui ne participait pourtant pas à l'écriture des morceaux lorsqu'il était chanteur du groupe bernois, semble avoir le plus grand mal à se défaire. Ce constat se vérifie tout particulièrement à l'écoute des deux power-ballades de l'album, "Nothing Without You" et "Home Again", qui semblent tout droit sorties d'un "Rising" ou "Infected".

Si la qualité est là (principalement apportée par la voix de son chanteur), il manque à FOX ce détachement et cette émancipation nécessaires à sa progression et sa survie. Mark Fox semble avoir quitté SHAKRA pour faire du SHAKRA, forcément en moins bien. Un premier album qui offre de quoi grignoter, mais qui n'apaise pas la faim de voir le chanteur user ses cordes vocales sur des morceaux à sa mesure. Un coup dans l'eau.