Album fourre-tout. Album aux mille visages, aux mille rivages

Fouillons les poches du deuxième méfait de cette véritable sensation norvégienne, je sens qu'il y a de l'or dans les parages et on n'aura pas besoin de tamis pour assécher sa rivière bourgeonnant de richesses. Pas de boue ou de mauvaises herbes, que des pépites.

Guitare sèche, voix de goule, atmosphère planante style Power/Prog', orgue grave, basse qui rebondit, guitare aux riffs fédérateurs, chœurs ensorcelants à la limite du Pagan/Viking, voix claire, de grandes et belles perspectives, de multiples paysages, tout ça et bien plus… sur "Captivating Solitude" seulement ! Wow, pour une « intro » de 7 minutes… et il en reste 7 grosses comme ça, hein ? Ouf, j'ai pas fini… Si elles sont toutes comme ça…

Gros riff Black/Doom à la CELTIC FROST, voire à la SATYRICON des jours récents, IN VAIN délaisse le côté aérien de sa première et excellente pièce pour le Black lent bien gras, cordes vocales comprises. Ah ben pour une coupure radicale ! Et c'est qu'elle est bonne cette tasse de mélasse épaisse ! Oh… attendez… mais qu'est-ce qui revient pointer le bout de son nez à mi-parcours ? Cette guitare et cette voix célestes ! Et que dire de la complainte/conclusion "Mannefall", à l'acoustique, qui fait très Far-West.

Si je récapitule, déjà, je ne sais pas exactement à quoi m'attendre pour la suite, étant donné que ce trio de départ tirait dans tous les sens… Et là j'apprends que des membres d'IN THE WOODS et TRAIL OF TEARS, notamment, sont présents à cette fête de la diversité culturelle. Merde, les mecs, vous abusez !

Du Far-West, on se rend au Mississippi pour la prochaine, où un rythme vaseux et lumineux nous attend. Encore cette aura Doom qui se faufile, dis donc ! Et ces chœurs qui sont plus puissants que jamais… Il n'y a plus à douter, IN VAIN est Prog' derrière son masque de strige, il est d'une beauté sans nom, autant de visage que de talent. Et que dire de son éventail de munitions ? Aussi hétéroclite que notre ami Ihsahn, lui aussi Norvégien, le combo de Kristiansand étourdit avec ces compos où les émotions diverses sont étalées sans ménagement, dans de forts soli ou des envolées sublimes. Voilà aussi pourquoi il est Prog', en plus d'être « un peu » Black. IN VAIN nous redonne foi en la vie sous toutes ses coutures.

Qu'il appuie plus fortement sur ses basses, que la batterie suive bêtement la cadence, que les mesures nous rappellent la mort, la souffrance ou l'énergie Power/Prog' diligente, "In Vain" s'abreuve dans plusieurs auges pour notre plus grand bonheur. Il ose même trahir ses racines Death sur quelques titres, dont "Dark Prophets, Black Hearts", foutrement membrée et mélodique.

Divertissant, universel, partagé entre calme et tumulte, le ciel et la terre ("Wayakin", un vibrant hommage Heavy/Power aux esprits des Premières Nations –chant amérindien compris– thème rarement exploité en Metal alors qu'il y aurait tellement à faire avec leur histoire, leurs rites et leur art !), la balade et le court mais intense Thrash, le fourre-tout est bourré. Plus de place. "Mantra" ne laissera entrer rien ni personne dans son monde captivant, chamboulant.

Donc, si je récapitule une deuxième fois, avant les deux monolithes de la fin : du Black, du Prog' à profusion, du Doom, du Power, du Heavy, un chant polyvalent qui se métamorphose à volonté (merci aux trois vocalistes Andreas Frigstad (growls), Sindre Nedland (clair) et Kristian Wikstøl (hurlé)), des atmosphères intemporelles et saisissantes, que le titre soit assez léger ou lourdingue.

Album aux mille rivages…

"Circle Of Agony" et "Sombre Fall, Burdened Winter" (qui fait Hardcore, jazz, même pop romantique !) auront tôt fait de ficher définitivement la hache dans Yggdrasyl pour les Norvégiens, qui gagnent leur ticket pour l'Asgard avec cet exceptionnel album qu'est "Mantra". Des ambiances de fin du monde si près du cœur, du passé, du présent, de l'avenir, des nuages et des cailloux, de l'air, de l'eau, de la suie, de la haine, de l'amour…

On ne sait plus à force, on est mieux de s'immerger dans cette large baignoire d'influences et de triper comme un gosse découvre pour la première fois les disques de son papa métalleux. Et il sera content le "kid", car IN VAIN a pensé à lui synthétiser bien des trucs, à les fusionner, pour en retirer le suc le plus nourricier. Il aura même droit à des cuivres s'il est attentif !

Dire que cet album est une surprise serait lui manquer de respect. Disons seulement qu'il est « différent » et que l'équipe d'étoiles du premier trimestre de l'année 2010 a trouvé un de ses membres.

*Si vous avez accès à la pièce bonus "Wayphering Stranger", vous reconnaîtrez l'influence de la balade country retrouvée sur "Mannefall". Du bonbon !

4,5/5.