"Toxicity" est arrivé à un moment charnière de ma vie : celui du début de l’adolescence. Un moment où je ne savais pas trop qui j’étais, ce que j’étais, ce que l’humain avec un grand H était. J’avais douze ans, plein de boutons, une pilosité plus ou moins claire, et assez d’hormones pour booster n’importe quel sportif. Le passage vers une vie nouvelle où les filles deviennent du jour au lendemain intéressantes, où on arrête de jouer avec les petits camions et où on s’intéresse soudainement à des loisirs incluant des plantes odorantes et des barils de bière.

Je m’éparpille, revenons au sujet principal.

Toujours est-il qu’à cette époque, l’école était à quelques centaines de mètres de la maison de mon cousin, un an plus âgé que moi. On allait donc dîner là avant de s’installer pour une partie de billard. La "partie" de billard ayant comme concept qu’il me défonçait presque tous les midis. J’ai terminé l’année avec une fiche de 25 victoires et 220 défaites.

Je l’aimais bien mon cousin.

Comme il était plus âgé et qu’on était chez ma tante, c’est également lui qui s’occupait de la musique. Il avait acheté deux disques qui tournaient en boucle pendant l’entièreté du nos joutes de billard. Oui, pendant un an, tel un autiste avec un intérêt surinvesti pour ses nouveaux achats, il mettait sans relâche "Hybrid Theory" de LINKIN PARK et évidemment "Toxicity".

Bizarrement, après un an à entendre sans arrêt "la ville toxique", j’en redemandais, puisque la galette de SYSTEM est excellente. Car oui, ami lecteur, ce disque regroupe tout ce qui fait la beauté du Neo Metal : l’émotion brute (parfaite pour un adolescent qui ne se comprend pas), une technique, une folie maîtrisée (encore une fois essentielle pour moi à l’époque) et des changements de tempo qui interdissent l’ennui.

J’ai gardé, dans ma discographie, les meilleurs morceaux de ce disque. Résultat ? Si pour une bonne galette, je ne retire en moyenne que trois morceaux, je n’ai pas moins de huit titres retenus pour "Toxicity". Comme quoi les classiques sont bien là. Ce qui fait également la particularité du deuxième essai de SYSTEM, c’est aussi (et surtout) le CONTEXTE de sa sortie. Je ne sais pas comment c’était en Europe, mais de ce côté-ci de l’Atlantique, ça a pété solide. Le disque est sorti le 3 septembre 2001. Quelques jours à peine avant le 11 septembre.

Par la suite, plus rien n’a été pareil. À un moment où les États-Unis se remettaient en question dans un état de choc post-traumatique, il y avait un groupe qui critiquait ouvertement l’utilisation des prisons ("Prison"), à quel point les puissants de ce monde utilisent les drogues pour calmer les ardeurs des dissidents ("Needles"), l’utilisation des armes ("Deer Dance") et même la philosophie écologique de Charles Manson ("ATWA"). Mais c’est surtout à travers leur meilleur single que SYSTEM va être censuré. Voulant au départ l’appeler "Self-Righteous Suicide" (suicide auto-infligé), la maison de disque avait refusé, et ce, avant même les attaques. Les gars nomment le titre "Chop Suey!". Pour le groupe, c’est un jeu de mots : « Suey » étant « suicide » coupé ("Chop" en anglais).

Mais les paroles fonctionnent parfaitement bien avec les événements du 11 septembre : le suicide-auto-infligé des kamikazes, les anges qui méritent de mourir (les victimes), ainsi que les lignes finales de chant de Serj qui renvoie à Jésus sur la croix pensant que Dieu l’avait abandonné. L’Amérique puritaine ne s’en remettra pas. Bien sûr, tout ceci avait été écrit avant les attentats et peut référer à bien d’autres situations, mais les radios la censure pendant un moment et la réintègre seulement due à la popularité du morceau.

En outre, et c’est ce qui est génial avec SYSTEM, c’est que les paroles sont très engagées sans être gratuites en sans fondement. Qu’on soit d’accord avec ou pas, les sujets sont fort intéressants et prêtent au débat. La musique n’est jamais endormante et riche en variété. Voici donc un classique des classiques qui montre bien que le Neo Metal a bien sa place parmi les genres de Metal intéressant.

Morceau préféré : la putain d’album.