Allez, pas besoin de tergiverser : "Core" est magistral. Foudroyant. Peut-être même l’un des meilleurs albums de Rock des 90s.

Mais il y a un gros problème. Et pour comprendre ce problème il faut rappeler le contexte. Entre 1991 et 1992, les trois monstres du Grunge que sont NIRVANA, PEARL JAM et ALICE IN CHAINS deviennent les maîtres du monde. Conquis, vaincus, les fans en redemandent. Mais dans les années qui suivent, aucun de ces groupes ne leur donne ce qu’ils réclament : une copie conforme de "Nervermind", "Ten" ou "Dirt". A la place sortent des albums éprouvants et sombres ("In Utero"…) qui marquent le refus de toute facilité commerciale.

Les géants laissèrent donc un vide. Dans ce vide s’engouffrèrent des dizaines d’imitateurs qui offrirent au grand public ce que les fondateurs lui avaient refusé : une musique clonée sur "Smells Like Teen Spirit", "Jeremy" et "Would?"… Ce fut le Post-Grunge. Parfois très bon (CREED), parfois navrant (SEETHER).

STONE TEMPLE PILOTS se situe très exactement à la lisière du Grunge et du Post-Grunge. Le groupe est arrivé trop tard pour être un fondateur, mais suffisamment tôt, suffisamment près du Big Bang initial, pour s’abreuver sans honte de la créativité géniale qui flottait alors dans l’air.

A l’époque, quand "Creep" passait à la radio, tout le monde croyait que c’était une chanson de NIRVANA. Du moins une chanson de NIRVANA dont le refrain aurait été chanté par Eddie Vedder… Et en entendant "Plush", tout le monde pensait découvrir le nouveau single de PEARL JAM… Sans oublier "Sex Type Thing" qui sonne comme un pastiche d’ALICE IN CHAINS sur lequel Kurt Cobain ferait une apparition surprise…

Et ainsi de suite. Chaque chanson de "Core" est un formidable hybride, une sorte de Frankenstein sonore aberrant qui mêle allègrement la musique des trois groupes. On s’y perd, on s’étonne, on reste stupéfait devant l’outrance du mimétisme. Mais surtout on s’émerveille. Car chaque chanson de "Core" est aussi un petit hymne, un formidable hommage tout autant qu’un pastiche. Les riffs font jubiler, la voix de Scott Weiland est diabolique et la production parfaite. Les guitares roulent et claquent et les ambiances sont minutieusement ciselées.

Alors STONE TEMPLE PILOTS, vulgaire plagiaire ? Oui, mais quel talent.

Des faussaires d’exception. Les van Meegeren du Grunge.