Bon je pourrais réellement essayer de vous parler de "Storm Of The Light's Bane" mais en 2020 si vous ne savez pas qu'il s'agit du classique absolu du Meloblack (*), soit vous êtes un grand débutant – rien de mal à cela, profitez du voyage, ce disque est une formidable porte d'entrée vers le Metal Extrême – ou alors vous êtes la personne la plus à la rue que je connaisse. Sauf que je ne vous connais pas mais l'intention y est quand même. Éduquez-vous un peu, c'est embarrassant.

C'est aussi l'occasion de demander aux défenseurs du Dark Metal de bien vouloir laisser tomber cette étiquette qui n'a jamais voulu dire grand chose, n'est plus employée par personne, et désigne sur ce seul site des disques aussi différents que "Monotheist","Night Eternal", "Kata Ton Daimona Eaytoy" et "The Somberlain" . Je respecte votre volonté de souligner tout le Heavy, le Thrash, et le Death qui ont survécu en ce disque depuis l'époque de "Into Infinite Obscurity", SIREN'S YELL ou... heu.... RABBIT'S CARROT (????), mais il faut savoir rendre les armes.

Voilà maintenant que j'ai bien cassé les couilles je voudrais parler de "Night's Blood".

L'envie de parler de "Storm Of The Light's Bane" en général et de "Night's Blood" en particulier m'est revenue après une discussion avec des amis à propos du sujet suivant : "si vous deviez résumer tout le Metal en une chanson, laquelle vous choisirez-vous." Si la question possède une part d'absurdité car peu de gens peuvent se limiter à un unique choix, en discuter promet des débats animés sans réel enjeu et donc sans agressivité – à condition d'avoir de bons amis.(**) Vous aurez compris que "Night's Blood" est un de mes choix et j'entends bien vous expliquer pourquoi au cours des prochains paragraphes dans une débauche obscène de laudatifs.

À l'intersection de quatre des cinq courants majeurs du Metal, l'absolue perfection qui se dégage de cette chanson est un modèle de conception et d'écriture à tel point qu'il devrait être interdit d'écrire du Metal sans l'avoir étudiée de la même façon qu'il paraît invraisemblable de vouloir écrire du contrepoint savant sans avoir étudié BACH ou jouer du saxophone sans avoir étudié PARKER. Lorsqu'on essaye de vous expliquer le concept de cohérence narrative et pourquoi il est si important dans le Metal on devrait directement vous rediriger vers cette chanson qui en est le meilleur exemple.

Ces points intellectuels sont bien sûr d'un ennui mortel comparé à l'écoute de la-dite chanson. Je pourrais alors diverger vers d'ésotériques considérations qualiatiques ou invoquer la fragile pudeur de mes sentiments pour dissimuler mon incapacité à décrire l'Expérience avec un grand E. Un effort qui serait bien futile puisque je parle de mon incompétence dans environ une chronique sur quatre mais bon, vous voilà au moins prévenus de nouveau.

Je trouve dans "Night's Blood" la conjonction de plusieurs formes de plaisirs esthétiques que j'aurais bien du mal à nommer puisque mes recherches à ce sujet se sont toujours révélées insatisfaisantes. Une sorte de superposition de différentes manières d'approcher et d'apprécier la musique, que je n'ai presque jamais retrouvée et souvent dans des courants musicaux très différents (***). J'ai déjà effectué le compte-rendu personnel de mes propres façons d'approcher des formes d’extase musicales et que vous vouliez parler d'expérience du sublime ou d'annihilation du soi, ce n'est pas totalement hors-sujet mais pas non plus cela dont je veux parler.

Il y a dans mon expérience de "Night's Blood" une forme de totalité, de complétude, de transversalité. La conscience simultanée de l’incroyable kitsch de ce verbiage satanique à la grammaire approximative et de l’incroyable beauté de ce romantisme ésotérique. L'omniperception de tous ses éléments musicaux tressés en un tronc, et chaque ligne mélodique comme autant de rameaux sous lesquels je repose.

Il s'agit d'un des morceaux que j'ai le plus écouté dans ma vie et je n'ai aucun mal à l'admettre à tous les panthéons de l'accomplissement humain.

Ah, et sinon le reste de l'album est plutôt pas mal.

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(*) Notez que je ne prétends pas qu'il s'agisse du meilleur album du genre, vaste débat qui ne m'intéresse pas et je n'ai rien contre les fans de "Far Away From The Sun", de "Welcome My Last Chapter" ou de "Slaughtersun" bien au contraire. Ou même "The Somberlain" tiens.
(**) "Hallowed Be Thy Name" étant ce qu'on a eu de plus proche d'un consensus après d'âpres discussions et franchement ça aurait pu être pire.
(***) Je ne pense pas que ça vous aidera beaucoup mais la je pense à des pièces bien spécifiques de BACH, Mike OLDFIELD et CAMERATA MEDIOLANENSE.