Comment enchaîner après le chef d’œuvre "Angel Dust" ? C’est là tout le challenge, fortement casse-gueule, auquel a été confronté FAITH NO MORE en 1995. C’était mission impossible, tant l’album précédent s’était avéré fou, puissant, cassant tous les codes, forgeant plusieurs rejetons depuis honnis, un album figurant encore aujourd’hui tout en haut de mon panthéon personnel. "King For A Day, Fool For A Lifetime" ne pouvait dès lors que décevoir. Ce qui n’a pas manqué d’arriver, en tout cas en ce qui me concerne.

Pour autant, il reste aujourd’hui l’un des disques les plus respectés de la discographie du combo, constituant une voie somme toute hautement respectable entre la Masterpiece précitée et son successeur, injustement mal-aimé et boudé. Toujours plus sombre, moins exubérant, Mike Patton et sa bande construisent une passerelle de plus en plus fragile vers l’épilogue de leur âge d’or, plombé par les dissensions internes (exit pour Big Jim Martin, remplacé par Trey Spruance, débauché de chez MR BUNGLE, pour mieux être remercié après l’enregistrement).

Et pourtant, dieu sait combien d’étoiles viennent consteller ce cinquième LP, qui poursuit l’entreprise de démolition du gang de San Francisco. Du suave et très Soul "Evidence", au tube "Digging The Grave", en passant par le foutraque "The Gentle Art Of Making Enemies", la galette à la pochette iconique ne manque pas de highlights, puisant aussi bien dans le Thrash que la Bossa Nova dans un équilibre précaire mais assumé. Patton s’en donne à cœur-joie pendant près d’une heure, ayant cette fois eu tout le temps de participer au processus de création. "King For A Day, Fool For A Lifetime", c’est un peu le Patton-show : toute la palette du bonhomme y passe, et ce n’est rien de dire qu’elle est large.

En réécoutant la bête en vue de cette chronique, je me rends compte à quel point j’ai été dur dans mon jugement à l’époque, quand bien même certaines pistes restent dispensables voire anecdotiques. "Shit Lives Forever", à ce qu'il paraît. Si vous souhaitez un aperçu de la triste folie qui règne au sein de la formation, jetez donc une oreille à "Cuckoo For Caca" (non, ce n’est pas du ULTRA VOMIT) où Billy Gould et Cyco Miko se renvoient la balle dans la tronche, dédicaçant la partie finale à Puffy.

La première partie de la galette reprend plus ou moins les choses où FNM les avait laissées. La seconde prépare l’album de l’année 1997, plongeant l’univers musical dans un environnement plus posé. Plus désespéré aussi. Le sublime "King For A Day" n’aurait en effet pas dépareillé auprès des "Helpless" ou autres "Ashes To Ashes". L’ensemble se retrouve un peu le cul entre deux chaises, mais parvient, par un tour de sorcellerie, à constituer un tout hétérogène mais malgré tout complémentaire.

Substance hautement explosive, FAITH NO MORE parvient à nous tenir en haleine, balayant d’une classe folle tout le spectre des émotions de la vie. Ce n’est pas là le plus mince de ses exploits.

Combien peuvent en dire autant ?