En 1996, Peter Tägtgren est un homme qui souffre : au milieu d’un divorce douloureux, il voit également naître des tensions au sein d’HYPOCRISY, qui le poussent à annoncer que "The Final Chapter" clôturera l’histoire du groupe. Voulant exprimer des choses qu’il ne pouvait pas forcément se permettre au sein de sa formation Death, ce multi-instrumentiste, producteur et stakhanoviste du Metal va commencer à se lancer dans un projet solo où il va pouvoir laisser libre court à ses envies et celles-ci lorgnent vers de l’Indus aux relents très Electro.

N’étant pas d’une humeur très jouasse, le père Tägtgren va écrire des paroles sombres, parfois suicidaires, transpirant le désespoir et la colère et la musique va être à l’avenant. Ce disque éponyme est aride, sec et très virulent. Il n’y a rien pour enjoliver l’ensemble, chaque mélodie, quand il y en a des prononcées, n’est là que pour intensifier le malaise. Il en résulte un album fort et souvent incompris car sa diffusion en France fut très anecdotique à l’époque et beaucoup ne le découvrirent qu’après le très policé "Nothing Remains The Same".

Et entre les deux, il y a un véritable fossé. Ce premier effort donne aussi bien la patate qu’il met mal à l’aise. Absolument pas catchy avec ses refrains souvent austères, il développe une ambiance oppressante dès le premier morceau, l’excellent "On Your Knees Again". D’ailleurs, les quatre premiers morceaux vont clairement définir le style de ce disque, chacun d’une manière différente. "Rope Around My Neck" possède une montée en puissance monstrueuse, "Don’t Let Me Down" surprend avec son solo de guitare mélodique, qui ne fait rien pour percer son linceul de noirceur tandis que "Learn How To Die" est la tuerie absolue de cet album, un mélange décapant entre des riffs assassins et une Techno vicelarde au possible.

La seconde partie va reprendre plus ou moins ces ingrédients, lorgnant parfois de façon étrange vers du riffing proche d’HYPOCRISY ("Choke On Your Lies", qui préfigure quelque peu l’éponyme du combo Death quand on enlève les effets Indus) et se permettant un final écrasant avec le pourtant planant "The Last Drops Of My Life". Mais il dégage un tel mal-être qu’il n’a absolument rien de reposant et ne fait que mettre en relief la violence à laquelle Tägtgren nous a confrontés sur les morceaux précédents.

Cet éponyme de PAIN est l’album de la souffrance d’un homme qui l’a traduite en une colère sourde, virulente, parfois un brin excessive. Et de fait, il est le disque de ce projet solo dans lequel il est le plus difficile de rentrer, avec lequel s’épanouir ou passer un bon moment entre potes. Ce PAIN est un plaisir solitaire, si vous me passez l’expression. Il ne tourne pas simplement pour qu’on ait une musique de fond. Quand on le pose sur la platine, c’est pour se plonger dedans et en ressortir l’âme un peu rongée. Si Tägtgren améliorera la formule sur le prochain, en rendant sa musique plus tubesque (et quelle réussite dans le domaine !), celui-ci possède une saveur particulière, que ses petits frères n’ont pas, ce goût de fiel persistant et cette personnalité forte, qui le rendent indispensable.