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CULT OF LUNA - Vertikal (2013)
Par ISAACRUDER le 11 Janvier 2015          Consultée 1427 fois

Le voilà de retour le fils prodigue, le poète, le magicien ! A faire voler en éclats toute perception de la musique à chacune de ses créations, affinées comme le joaillier subtil forme ses œuvres les plus merveilleuses. C’est l’artisan de "Somewhere Along The Highway". Et cette affirmation se suffit à elle-même, certainement. Du haut de son pinacle grandiose, CULT OF LUNA daigne redescendre encore, pour déposer sa dernière œuvre, "Vertikal", nimbée d’une aura immense.

L’attente autour de "Vertikal" s’est accentuée au fil des annonces. Un projet bâti autour de "Metropolis", ou plus précisément autour des univers d’anticipation et des musiques de films de cet expressionnisme allemand immortel ; l’annonce d’un album à part, après un "Eternal Kingdom" mystique et impitoyable, mais surtout moins enchanteur que "Somewhere Along The Highway". Un univers autour de "Vertikal" qui dégage une impression de grandeur, et une pochette une nouvelle fois magistrale, toute en discrétion, évocation d’une ville fuligineuse dont les tours-pieux forment des ombres menaçantes dans la fumée opaque de l’industrie meurtrière. Un noir et blanc subtil, qui renvoie aux films des années 30, mais qui caractérise aussi une musique qui oscille toujours entre la Fleur et le Mal. Et puis le départ de Klas, sans remous, sans aucune communication. CULT OF LUNA se pose en entité, comme HACRIDE. Mais à la différence de ce dernier, le chant est un instrument, il n’est qu’une rage noyée dans le tumulte d’un son unique.

Je vous le dis clairement. Je souffre d’écrire cette critique. Je souffre car en couchant ces mots sur le papier, ce sont des émotions qui partent, et qui ne sont que les émotions de mois passés. "Vertikal" est un album qui se redécouvre, et peut-être cette critique sera-t-elle obsolète dans quelques temps. Je souffre aussi car il est impossible de parler de "Vertikal" en quelques paragraphes. C’est un album digne d’un essai. C’est l’œuvre d’une vie. La légende veut qu’un groupe ait un chef-d’œuvre. Mais cela est faux. Comme NEUROSIS, comme OPETH, comme EMPEROR ou d’autres grands noms de cette scène multiforme, CULT OF LUNA est là pour le prouver. "Vertikal" est son second chef d’œuvre, c’est une pièce de maître, c’est l’œuvre d’un architecte possédé par le génie divin, c’est tout l’objet de l’Art résumé en un album.

Ce que fait CULT OF LUNA avec "Vertikal", c’est dépasser ce qui existe dans la scène actuelle. C’est faire table rase de tout ce qui se joue et amener sa vision des choses. Et c’est surtout se remettre en question et innover.
Exit le Post-Hardcore qui a fait son nom. Le roi est mort, vive le roi ! On parle ici d’un bond de géant entre "Eternal Kingdom" et "Vertikal". Les claviers déjà là sur le premier sont maintenant omniprésents. Il ne s’agit plus d’arrangements, il s’agit d’un instrument à part entière dans la composition. Et quelle composition ! CULT OF LUNA n’a jamais aussi bien construit sa musique que dans "Vertikal", et ce depuis "Somewhere Along The Highway". Les titres sont audacieux, très progressifs, et répondent à une architecture que l’on reconnait mais qui gagne en maturité et en profondeur avec l’ajout de ces claviers impériaux et volontairement rétro. A ce titre, "I, The Weapon" est un parfait exemple de la capacité du groupe à concilier son riffing traditionnel et ses nouveaux éléments psychédéliques. Sa structure est tout à fait connue mais ce sont les éléments qui la composent qui en font du génie. Le riff écrase, le clavier vient ajouter une touche de majesté, et c’est désormais lui qui vient composer le pont poétique central. Le résultat confère aux morceaux de "Vertikal" un caractère onirique et rétro-futuriste incroyable.

Mais à la limite, que CULT OF LUNA vienne apporter sa pierre en osant des sons d’une ampleur nouvelle, soit. Mais il reste aussi ce riffing, démentiel sur l'album et ce jusqu’au-boutisme dans l’ambiance et l’atmosphère qui permet de voir dans cet essai un style désormais figé dans l’or. "Vicarious Redemption" est l’incarnation de cette grandiloquence, du haut de ses dix-huit minutes, avec sa longue introduction toute en finesse, et sa progression impérieuse, magique (ce tapping !) jusqu’à un final renversant de violence martiale. CULT OF LUNA a passé un cap : il sait maintenant conjuguer parfaitement concept et musique, davantage encore que dans "Eternal Kingdom". Il s’agit ici d’un travail d’orfèvre dans le son, à la fois industriel/froid et encore suffisamment tendre et précis pour émerveiller à l’écoute de ces détails stupéfiants qui renouvellent l’écoute à l’infini (la fin de "I, The Weapon", les envolées majestueuses de "In Awe Of"). Le groupe concilie sans mal le fond et la forme, et l’on se représente sans mal l’univers dépeint, d’une tristesse indicible ("Passing Through" est une merveille) et d’une mécanique non humaine malsaine comme l'étrange et Indus "Synchronicity", terrifiante et déroutante, symbole de la logique industrielle et aliénante des univers d’anticipation.

Et dans tout ce génie éclate le talent de Johannes Persson, excellent en chanteur principal, qui déclame plus qu’il ne chante, et fait preuve de davantage de puissance que Klas. Mais le véritable génie c’est surtout Magnus Lindberg, dont le travail rythmique est à couper le souffle. J’ose sans ciller dire qu’il s’agit d’un des meilleurs batteurs que je connaisse. Son travail sur "Vertikal" relève du surhomme. Chaque petit détail n’est pas là en vain, son jeu de cymbales fin et parfaitement réfléchi apporte aux morceaux un je-ne-sais-quoi qui les rend plus cohérents, plus porteurs et plus communicatifs (écoutez le pont central de "I, The Weapon"). Enfin, il faut revenir sur le travail de cohérence de l’album, parfait en tout point. Entre "The One", qui renvoie à l’imagerie d’un "Blade Runner" ou d’un "Deus Ex", dont le thème au clavier est réutilisé dans "Synchronicity" ou les interludes disséminés avec suffisamment de réflexion pour laisser respirer les longs titres ("The Sweep", superbe), on peut une nouvelle fois dire que les Suédois ont atteint une qualité globale hallucinante.

Il n’y a pas de conclusion possible à "Vertikal". Il s’agit ni plus ni moins d’un des chefs-d’œuvre les plus marquants de ce début de XXIème siècle. Si "Disharmonia" vient poser un léger bémol par sa faible portée émotionnelle, l'album est un monument indispensable, l’aboutissement d’une recherche musicale, sonore, thématique et stylistique. Reste à magnifier encore davantage la portée de leur concept et créer un film destiné à illustrer cet édifice inébranlable.

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- Johannes Persson (chant, guitare)
- Fredrik Kihlberg (guitare, chant)
- Anders Teglund (claviers, programmation)
- Thomas Hedlund (batterie)
- Andreas Johansson (basse)
- Erik Olofsson (guitare)
- Magnus Lindberg (percussions)


1. The One
2. I: The Weapon
3. Vicarious Redemption
4. The Sweep
5. Synchronicity
6. Mute Departure
7. Disharmonia
8. In Awe Of
9. Passing Through
10. The Flow Reversed (bonus Track)



             



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