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2013 Phoebus
 

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CORTEZ - Phoebus (2013)
Par ISAACRUDER le 15 Novembre 2015          Consultée 1628 fois

Quoi de plus simple et épuré comme nom d’album que "Phoebus" ? Quoi de plus poétique et doux que ce qu’il représente, lumière parmi les lumières, beauté des beautés, symbole de la pureté et de la perfection inattaquable ? CORTEZ ne choisit pas ses mots au hasard, il connaît leur portée, il sait manier leur chant singulier. Aussi a-t-il peut-être aussi songé au fait que Phoebus, outre la figure narcissique qu’il représente, est aussi l’un des plus grands enculés que la littérature française ait porté ?

Alors quoi, adieu la belle prose, adieu les tournures alambiquées et métaphoriques, on joue à Polnareff maintenant ? On montre son fessier ? Provocation gratuite, bannissement immédiat, c’est ce que tu cherches ? Non vraiment, reconnaissez que la double interprétation du titre est intéressante. Beau et pur, mais aussi enculé n°1, quel résumé merveilleux, quelle audace ! Non vraiment j’applaudis, regardez ! *clap clap*. CORTEZ est le Grand, le Purificateur, le Conquérant, qui arrive là, dans la mêlée, avec son épée sertie de rubis, pour calmer le jeu de tous ces faux excités. Mange un peu d’acier, tu en ressortiras calmé te dis-je. "Phoebus" est un Eldorado véritable, dans lequel chaque pas amène à un émerveillement insoupçonné.

Émerveillement oui car tout de même, "Phoebus" est l’image de la beauté, de la perfection, on le sait. Écoutez "Un Lendemain Sans Chaîne" et sa précipitation, sa fuite devant l’inévitable prison moderne, sa fin salvatrice, la quiétude qui ressort de cette simplicité mélodique, de cette atmosphère de sagesse enfin trouvée. CORTEZ est limpide, clair, précis, il a du style. Il l’a toujours eu. Cette sensation d’écouter ENVY dans ce qu’il a de meilleur, l’émotion et la lumière surgissant de la course infernale cet acharnement à l’épuisement caractérisant certains morceaux ("Idylle", rédemptrice) et qui se retrouve dans le placement du chant, scandé, puissant et vécu. Le son participe de ce majestueux engagement pour la précision. Loin de celui d’"Initial", qui était plus sombre, plus sale, celui de "Phoebus" est si clair qu’il donne les clefs de l’interprétation – faussement comme nous allons le voir – et présente un CORTEZ nouveau, changé après tout ce temps passé dans le calme. De fait, tout s’entend, tout se laisse approcher dans "Phoebus" et le travail du son rend la brume la plus évocatrice étrangement merveilleuse ("Temps-Mort" et sa magnifique entrée).

Alors que vient faire le mauvais, le traître, le monstre "Phoebus" de Notre-Dame de Paris dans tout cela ? Je vous réponds que c’est là tout l’enjeu de l'album. CORTEZ est un des groupes les plus intelligents qui soit, je l’affirme sans problème. Il a l’intelligence de ce personnage assassin, il cache son jeu, il manipule ; c’est un artiste véritable, avec de l’idée et du talent. Plus habile qu’ "Initial", qui était expressif dans ses accès de noirceur, "Phoebus" suggère la beauté et la lumière par sa production, qui enveloppe de mysticisme tout l’album, et se révèle tellement à l’opposé de ce qui se fait aujourd’hui qu’elle prend de court l’auditeur lorsque CORTEZ en vient aux mains, plutôt qu’à la manifestation pacifique. Une première constatation avec l’innocent "Transhumance", morceau malheureusement le moins fort de l’album, mais qui a le mérite d’annoncer la dualité de CORTEZ, qui oscille comme le Christ entre le doute final et l'assurance de chanter la Parole Véritable. Un partage des ambiances que certains critiques ont habillé facilement de la robe classique qu’est "la lumière contre les ténèbres", expression tellement naïve et réductrice qu’elle en devient risible. Car si CORTEZ peut exprimer dans un seul morceau un propos intégralement noir, comme dans l’excellent "L’Autre Estime", il est surtout maître de la subtilité, et manie l’art d’imbriquer la douceur dans la violence et vice-versa, en témoignent deux des meilleurs titres de l’album, "Arrogants Que Nous Sommes" ou "Un Lendemain Sans Chaîne". Un album messianique, qui aurait pu s’intituler "A La Vie", tant il contient de fantastiques monceaux de pureté même dans ses accès de désespoir les plus fulgurants ("Nos Souvenirs Errants").

Mais "Phoebus" est davantage que ça encore. Plus que l’intelligence du mélange, de la production, de l’effet, il est subtil, à contre-courant et très réfléchi. De facto, l’album est un contre-cliché vivant, qui ruisselle de moments géniaux, et pensés pour contrer l’horizon d’attente de l’auditeur. On revient à "Temps-Mort" une nouvelle fois, qui pourrait se résumer par son entrée, qui crée une situation d’attente maîtrisée et symboliquement forte. Je mène la danse l’ami, et je te mène sur mon chemin. Des passages hypnotiques, à la rythmique faussement simple, comme sur l’excellent "Au-delà Des Flots" et sa fin dantesque, ou encore "Sulfure" et la superbe "Borrelia" qui rappelle YEAR OF NO LIGHT dans sa première partie. Ou encore de fausses introductions, qui sont là pour créer un climat d’attente, mais sont surtout détachées du reste du morceau pour leurrer la première impression de lecture (exemple le plus frappant avec "Arrogants Que Nous Sommes"). Autant d’éléments qui dévoilent un CORTEZ malin et qui pense sa musique.

Pour une évolution, c’en est une. CORTEZ a gardé sa puissance enchanteresse et exutoire, qui était déjà présente dans le terrible "Initial". Le jusqu’au-boutisme de la violence est moindre, CORTEZ s’est assagi, il transpire la sagesse et manie l’art de l’atmosphère avec brio, grâce à des arrangements subtils et précieux. "Phoebus" est un album génial, au sens premier du terme. Génial parce qu’il appelle plusieurs niveaux de lecture. Génial parce qu’il fait dans l’impression pour mieux confondre son auditoire. Génial parce qu’il est à l’image de son superbe artwork : la lumière malgré tout, dans la brume fuligineuse. Enfin, génial parce qu’il est la représentation d’un groupe unique et majeur, avec sa vision propre de la musique, son intelligence de l’Art et son amour évident de la Poésie.

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   ISAACRUDER

 
  N/A



- Jr (chant)
- Sam (guitare)
- Greg (batterie)


1. Temps-mort
2. Transhumance
3. Au Delà Des Flots
4. Arrogants Que Nous Sommes
5. Un Lendemain Sans Chaine...
6. L'autre Estime
7. Sulfure
8. Nos Souvenirs Errants
9. Idylle
10. Borrelia



             



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