Le premier album de G.I.S.M. (God In Schizoid Mind) arriva au Japon en 83 comme la nouvelle catastrophe nucléaire : le bien nommé "Detestation" est aujourd'hui encore un sommet de la musique burnée jamais égalé sur bien des aspects, probablement un des albums les plus rageurs et les plus intenses du Metal et du Hardcore à la fois. La rencontre du guitariste de génie Randy Uchida, figure impériale des gratteux Heavy Metal nippons, avec la machine de guerre anarcho-punk Sakevi Yokoyama, dont les vocales incendiaires nous feraient douter de la date et du lieu de naissance du Black Metal, avait eu pour résultat un premier album culte, un mutant magnifique, dans lequel les deux artistes lâchèrent, en plus de leur génie, toute la haine, la colère, la fièvre et la fierté de la jeunesse rebelle japonaise. Cent fois imité, jamais égalé, "Detestation" regorge de titres aussi impensables les uns que les autres, dont l'intensité n'a rien a envié à Hiroshima, Fukushima et autres rejetons de Godzilla.

Une fois "Detestation" lancé en orbite, arriva la fameuse question de "l'après chef d’œuvre", question difficile et pas vraiment claire qui en perdra plus d'un. Heureusement, à l'inverse de nombreux groupes qui épuisèrent trop vite leur potentiel dans un deuxième album d'une mièvre qualité (on pense à PESTE NOIRE notamment, mais ce ne sont pas les exemples qui manquent), G.I.S.M. (Guerrilla Incendiary Sabotage Mutineer) attendra plus de 3 ans pour revenir sur les lieux de son précédent et magnifique crime. Mais 3 ans, pour des gars qui vivent à du 300 à l'heure, c'est beaucoup, et on ne vous cachera pas que G.I.S.M. (Genocide Infanticide Suicide Menticide) sur ce deuxième album, n'est plus vraiment lui-même. Cela ne veux pas dire qu'il est devenu mauvais, au contraire, c'est une véritable mue qu'a opéré le groupe, lui qu'on avait cru si radical et immuable. Ainsi du groupe de Metal Punk survolté, il ne reste rien si ce n'est l'originalité caractéristique du groupe, car avec "M.A.N." (Military Affair Neurotic), nos yakuzas d'amour accouchent du premier album de Black/Heavy metal.

"Good As It Is" en étonnera plus d'un et établit d'emblée la recette du nouveau bouillon du groupe. Des morceaux de Heavy Metal posés et ultra maitrisés (ici Randy Uchida est le nouveau maître des compositions) agrémentés du chant enflammé et destructeur de Sakevi. Les deux hommes s'étaient mis d'accord sur le précédent album pour chacun développer leurs talents respectifs sur le terrain du Hardcore, ici Uchida semble avoir pris le contrôle des opérations, tout en laissant le soldat fou Sakevi opérer seul au devant du front comme bon lui semble. Sur des superbes compositions comme "Frozen Dirt" à la rythmique si inimitable, Sakevi est comme un loup dans la bergerie, une bête sauvage dans un champ de fleur, une femme au volant, créant un décalage musique/chant unique et délicieux. "M.A.N.", même si il est dans la forme complètement différent de "Detestation", reste l'album enfanté par la rencontre de deux esprits géniaux. Car si on jouira sans relâche à entendre la rage progressive des incantations de Sakevi (furieux et instopable), rien n'égale dans le Metal les solos de guitares de Randy Uchida (sur "Fatigue" ou "Destruction", mais chaque morceau a son ou ses solos de la mort).

Cependant, si cet album pouvait sembler être une consécration, il s'agit également d'un étrange terrain d'expérimentations sonores, au dépit de la qualité de l'ensemble. Ainsi la montée en puissance de l'album est coupée à deux reprises par des morceaux de Noise/Indus, assemblage de bruit indescriptible et à la limite de l'insupportable/chiant. On sait que Sakevi finira par s’intéresser de plus en plus à ce genre de chierie sonore, mais elles n'ont définitivement pas leur place sur l'album. Sur "M.A.N." les quatre musiciens prennent tour à tour la casquette de mixeur, privant l’œuvre d'une véritable uniformité au niveau de la production. Drôle de choix, intéressant peut-être, mais on aurait préféré que nos petits virtuoses aillent faire leurs expériences sonores sur un autre album (le troisième album du groupe, véritable foutoir, en déborde).

Un 4 sur 5 aurait été de mise pour un album si créatif (G.I.S.M. semble évoluer comme si le Metal n'avait pas changé depuis 82), malheureusement les touches d'expérimentations font trop tâches et pour un groupe au tel potentiel se révèlent inexcusables. 3.5 donc, mais que cette note n'atténue pas le message principal : Ruez-vous sur G.I.S.M.(Grubby Incest Stripper Mastitis) dont les deux premiers albums constituent un des eldorados du Metal les moins exploré. Faites un tour dans le délirant manège de G.I.S.M. et vous en ressortirez grandi, exalté ou complètement malade.