"Méfiez vous de Cocteau, c’est un tricheur et un caméléon" a dit un jour Apollinaire à propos du plus grand poète du 20ème siècle.

Je n’ai rien d’un Apollinaire et les Suédois de IN SOLITUDE ne sont probablement pas les futurs Enfants Terribles, cela ne m’empêchera pas pourtant d'avoir ressenti aux premier abord un certain doute face aux multiples mutations de ce groupe aujourd'hui fort acclamé.

On avait d’abord fait leur connaissance comme l’étoile montante du label High Roller Records, responsable de maintes résurrections hautement bénéfiques au monde du Heavy Metal (BLACK HOLE, RAZOR, JAG PANZER j’en passe et des plus mieux). IN SOLITUDE s’affirmait musicalement comme un disciple doué mais peu audacieux de MERCYFUL FATE. Le groupe représentait cependant un pan du Heavy Metal qui manquait cruellement à la scène de l’époque, et avait ravi même les fans les plus avertis.

Au cœur de l’engouement général pour les seventies (GHOST, JEX THOTH, UNCLE ACID et d’autres revendiquaient alors une parenté rare à des groupes comme COVEN, ICE CROSS ou BLACK WIDOW…), IN SOLITUDE nous revenait déjà bien transformé en faveur de cette nouvelle tendance, avec l’album "The World. The Flesh. The Devil". L’album était toujours très bon, mais l'évolution en avait dérouté plus d’un.

Voilà donc qu’en 2013, année maudite par bien des chefs d’œuvres, IN SOLITUDE brouille encore les cartes en sortant ce "Sister", rejeton douteux d’un Hard Rock solide et d’une Rock Gothique premier cru.
SISTERS OF MERCY a remplacé MERCYFUL FATE!
On comprend que certains puristes se soient sentis arnaqués, mais avec un minimum d’ouverture d’esprit, on se rendra compte que l’influence d’Andrew Eldritch sur nos Suédois aura été sagement digérée et efficacement employée.

"Sister" est donc l’album le plus sombre de IN SOLITUDE, le plus touchant mais forcément le moins lourd. L’ambiance désolée de cet album est servie par des musiciens merveilleux qui créent des tempi parfaitement efficaces sur lesquelles le chanteur Pelle Åmahn fait des ravages. Sa conviction et sa capacité à exprimer vocalement ses émotions donnent à l’album un caractère authentique, parfois un peu trop solennel, et surtout une identité forte par rapports à ces milliards de concurrents sur la scène Heavy.

Le neuf talent de IN SOLITUDE se définira totalement sur une piste comme "A Buried Sun", le tube de de cet album au charme vénéneux. On s’avouera conquis aussitôt les vocalises tremblotantes du refrain lancées à travers ces lyrics et cette atmosphère de chagrin. Le titre éponyme est une autre démonstration convaincante du savoir-faire du groupe, employant les back vocals à merveille, assurant que IN SOLITUDE est maître de son nouveau domaine et faisant de l’album plus qu’une simple volonté d’exotisme.

Certes, cet ex-groupe de Heavy Classique a laissé tombé sa vigueur d’antan, sa capacité à changer les rythmiques, à placer des soli partout et à faire headbanguer à qui mieux-mieux tout au long de ses albums. Et je vous confirme qu’il faudra faire un vrai effort pour appréhender cet album se basant plus sur des motifs répétés que sur les structures Heavy traditionnelles. Mais faire cet effort sera vite récompensé par la beauté grise de cet album déroutant, qui se laisse apprécié comme aucun de ses contemporains.

On aura dit du nouveau IN SOLITUDE qu’il est révolutionnaire. N’y croyez pas une seconde, il s’agit simplement d’un album de Hard aux allures gothico-mélancoliques. Un terrain déjà défriché depuis longtemps par bien d'autres groupes. Je poserai donc mon doute final sur l’intégrité du groupe, et je me demande bien si il ne s’aligneront pas à la prochaine tendance pour leur quatrième album.
Mais après, si la musique est bonne, qu’est-ce que ça peut faire ?
En effet "Sister" est différent, mais avant tout extrêmement appréciable.