Le rétro c'est l'avenir! Jamais le passé n'a cessé d'être à la mode, et encore longtemps on vous baratinera à coups de "c'était mieux avant", "Old-School" ou "grand retour aux sources"... Je revois encore la promo d'un jeune groupe suédois dont l'accroche disait : "New Old Death Metal", parce que maintenant, même les nouveaux groupes peuvent faire du vieux.
Dans le Heavy Metal, la tendance fut cyclique et depuis quelques années revient sous sa forme la plus religieuse. Mouvance à la base lancée par les collectionneurs et encyclopédistes, curieux de retrouver les plus obscurs 45 tours de leur musique favorite, le vieux Heavy Metal est redevenu un culte que les nouveaux fidèles tentent d'imiter dans ses moindres grimaces. Ainsi en quelques années d'Internet les spandex, les moustaches et les t-shirt blancs sont revenus à la mode, BROCAS HELM et HEAVY LOAD sont enfin devenus des dieux et un groupe obscur comme WITCH CROSS voit sa discographie rééditée sous la forme d'un luxueux triple vinyle collector (ça ne s'invente pas).
C'est dans ce contexte de nostalgie nécessaire mais parfois fumeuse qu'apparaît CHRISTIAN MISTRESS, digne descendant des groupes de Heavy Metal à chanteuse qui eurent plus ou moins de succès au début des 80ies, emmenés par la sempiternelle Doro (fantasme incarnée du metalleux) ou encore ACID (avec Kate, patronne belge du Heavy Metal).

"Possession", enregistré en 2012, a donc sa place en 1983, quelque part entre "Melissa" et "Maniac". Est-ce un problème? Certainement pas, et avec pour seul mission de nous laisser torse nu, le poing levé les mains en corne, de la sueur plein les yeux et de la bière plein la chemise, CHRISTIAN MISTRESS rempli parfaitement sa tâche en réalisant ce deuxième album formellement parfait. Tout fraîchement signé sur le label hollandais Relapse records (chasseurs de talents ayant signé des groupes comme SPAWN OF POSSESSION ou WEAPON), ce quintet de l'ancien temps fait preuve d'une maturité tout bonnement incroyable, se manifestant en premier par l'étonnante symbiose entre ses musiciens. On peut se rappeler de RAINBOW et de son fabuleux "Rising", ou cette situation si rare où chaque instrument semble au plus haut de sa maîtrise tout en mettant en valeur les autres composants de l'orchestre. "Haunted Hunted", plage sept, est un excellent exemple de cette cohérence où chacun a sa place, un pour tous et tous pour un. Cela ne signifie pas qu'il n'y a jamais de prouesse individuelle, au contraire, mais le dosage est tel que chaque envolée technique profite au final à l'album et non pas au musicien.

Sur "Possession", chaque morceau est un tube potentiel, un 45 tours de compétition. Pour la composition des titres, on pourrait croire que CHRISTIAN MISTRESS a étalé tous les éléments essentiels du bon Heavy pour les rassembler dans l'ordre qui leur semblait le plus parfait. La ballade fait place aux riffs rageurs, le chant accompagne les soli de guitare, la batterie impose et anticipe les tempi, toujours avec une précision sans faille. La synthèse que nous propose le groupe est presque cartésienne, rien ne manque. Riffs catchy au possible ("Pentagram And Crucifix"), soli mathématiques et jouissifs, un chant qui transforme la moindre parole en une hymne envoutante. Sur ce point, chapeau bas pour Christine Davis qui, ne tentant d'être personne d'autre qu'elle même, prend son rôle de front-woman avec un sérieux effrayant. Son chant lui appartient et jamais elle ne se trahit en tombant dans la mauvaise imitation.


Mais qu'est-ce qui cloche donc chez CHRISTIAN MISTRESS dans ce cas? Simplement que sa personnalité ne lui appartient pas, et que le groupe, encore très calculateur, ne réserve aucune surprise à l'auditeur.
Parlons enfin du morceau titre, drôle d'ombre sur le tableau : reprise d'un groupe oublié de Heavy suédois (stigmate du genre revival, voire paragraphe 1 pour ceux qui ne suivent pas), le morceau, une fois entre les mains de groupe, est fantastique, mais coincé entre le respect des codes et l'énergie créatrice du groupe, "Possession" semble constamment au bord d'une mutation nouvelle qui n'arrive cependant jamais.
Cela ne prouve qu'une chose : CHRISTIAN MISTRESS est trop doué pour rester le clone nostalgique d'un temps passé (on laissera ça aux maniaques de METALUCIFER). A eux maintenant de se décider à faire ou non ce pas vers l'originalité. Nous savons qu'ils en sont capables et en attendant, "Possession" est une jolie déclaration d'amour au Metal qui réjouira tous les amateurs de bons flash-back musicaux.