Et pan. Enfin ils explosent au grand public. Enfin non mais ça aurait du. Deux premiers albums fort inégaux laissant transparaître un sacré potentiel qui aura attendu l'an de grâce 1993 pour se révéler aux yeux de tous. Alléluia. On démarre le triptyque gagnant de la formation, celui qui est encore par miracle actuellement ancré dans les mémoires. "The Spectral Sorrows" ou le meilleur album d'EDGE OF SANITY à mes yeux, dépassant d'une courte tête son successeur. Courte mais qui fait toute la différence.

L'album précédent avait "Enigma" pour lui, et le groupe a bien compris que cette alliance de gros Death Swedish Style qui tâche, de mélodies poignantes et d'expérimentations inattendues était le principal filon à exploiter. Jackpot. "The Spectral Sorrows" est une véritable mine d'or en plus d'une usine à tubes, et totalement précurseur sur plus d'un point. On note tout d'abord un artwork bien intriguant du cultissime Dan Seagrave (qui a fait les pochettes pour DISMEMBER, ENTOMBED, MORBID ANGEL, SUFFOCATION... pas une petite bite vous l'accorderez) et on remarque aussi un Dan Swanö prenant largement le devant de la scène. Auparavant hésitante, sa voix est désormais totalement en phase, son growl abyssal et carnassier jouissivement au point et modulant désormais de manière surprenante (on y reviendra). Un atout de taille qui ne fait que transcender le reste.

Et la doublette d'entrée bourre le mou sévère. "Darkday" et son intro indissociable éponyme ne sont pas des indispensables du groupe pour rien, les riffs font partie des meilleurs jamais composés par la formation, tabassant et groovant la mort comme seuls les patrons savent le faire tout en sachant ralentir en mélodies Doomies géniales et bien trouvées. Le titre d'ouverture décoiffe encore plus que dans l'album précédent (et un peu moins que dans le suivant mais à l'époque on le sait pas encore). Parce que bon, même si c'est globalement bien plus mélodique que la grosse moyenne des groupes du genre, de l'époque et de la zone, EDGE OF SANITY reste à la base un groupe de bon gros Death Old School qui fait des tâches, la disto hérite de DISMEMBER et les riffs sentent l'ENTOMBED et le GRAVE à plein nez. Bouffez vous "Livin'Hell" ou "Waiting To Die" dans la gueule pour voir, tout comme "On The Other Side" qui groove sévère, ça ramone quand même bien. Mais c'est à partir de cet album que le combo nous sort le grand jeu. Alors que le Death Old School est globalement un genre figé aux albums linéaires et bovins (mais c'est pas du tout un problème dans le cas des plus grands), Dan et ses sbires choisissent de mixer un peu tout et n'importe quoi. "Lost" fait figure de tube avec son refrain ultra accrocheur, le morceau charnière "The Mask" compile tout ce que la formation peut faire dans le domaine étalé sur plus de 6min30 (avec un chant clair en spoken words marquant au rendez vous) et "Jesus Cries" torture à l’extrême les capacités vocales de Dan qui semble totalement possédé sur fond de riffs plaintifs. Et absolument tous les morceaux sont truffés de leads hypnotiques supplantant presque le travail d'orfèvre qui sera réalisé sur Gothenburg une paire d'années plus tard ("Darkday", "The Mask"... tous les morceaux en fait).

Mais jusque là on reste dans le domaine du Death Metal. Alors que paradoxalement vu de loin, "The Spectral Sorrows" peut passer pour une des pires foires à la saucisse de l'époque. Non je parle pas des riffs Thrash et passages Doom avec clavier qu'on croise partout ("Accross The Fields Of Forever"). Plutôt par exemple de la reprise de MANOWAR en piste 6 qui vient génialement casser tout l'équilibre et la cohérence établie jusque là en posant des riffs guerriers et simplistes avec un Swanö qui prend une voix rocailleuse totalement inédite pour un résultat pas loin du "Hammerheart" de BATHORY avec un vrai chanteur néanmoins ! Et que dire de l'OVNI total "Sacrificed"... Elle peut sembler de mauvais goût et totalement hors sujet pour certains, moi j'adore. On dirait tout simplement une reprise de KILLING JOKE / DEPECHE MODE par SUP... Et ça n'a absolument rien à foutre sur un album de cette trempe. D'où le génie total. En plus c'est un tube radiophonique à fond dont les lignes de chant entièrement claires, graves et solennelles seraient capables de vous hanter une vie durant...

Un peu dommage cependant que la toute fin de l'album verse dans le n'importe quoi à la qualité en baisse. Entre un dernier véritable titre qui tire sur le Hardcore presque Punk sans Dan au chant et une outro totalement oubliable, c'est franchement pas cool que les 5 dernières minutes soient si anecdotiques après avoir tutoyé la perfection d'aussi près pendant tout le reste de la rondelle. Mais on va pas bouder son plaisir, suffit de presser le bouton STOP un peu avant et c'est magique. Que dis-je, REPLAY me semble bien plus approprié. Le culte est amorcé, le sommet est pour moi atteint, Dan Swanö ne dément pas sa réputation de génie qui l'a souvent relié sur le plan du prestige aux illustres Peter Tägtgren et Devin Townsend. Rien que ça. Chaque piste a son petit quelque chose, pratiquement toutes manient le Groove animal, le sens du riff véloce et foudroyant qui arrache et les mélodies à tomber, chacune dans des proportions qui lui sont propres. A vous d'aider cette formation oubliée à refaire surface et permettre quelque chose de plus grand qu'un simple succès d'estime...

Nyan : si c'est le meilleur album d'un des meilleurs groupes de Death Old School/Mélo, vous savez donc quelle importance il peut avoir... Plus qu'un acte de naissance et un prototype de "Purgatory" et "Crimson", on est surtout en présence d'une apogée stylistique unique. Amen.