«KRALLICE est le dauphin de WITTR».

Voilà comment je terminais ma chro du premier album-éponyme des jeunes Blackeux américains, sorti l'an dernier. Une grave accusation. J'avais donc hâte de vérifier si elle était fondée ou si je m'étais emporté. Eh bien force est de constater, non sans un certain plaisir, que je m'étais trompé sur une partie de la ligne.

Le bloc de départ de KRALLICE m'avait jeté de la poudre aux yeux, car les ambiances ressemblaient fortement à ce que WITTR pond avec son Black naturaliste. Mais s'il est enfoncé dans des souches suintantes, WITTR a au moins le «mérite» de pondre des compos structurées un max, qui, bien que longues, font passer l'auditeur du point A au point B tout en saisissant mille émotions au passage, en changeant de tempos, en accumulant les bridges pour calmer ses décharges. KRALLICE, lui, contemple cette même nature, mais se dit que rien en elle ne nécessite une structure précise ; il préfère donc expérimenter, se la jouer avant-gardiste et déstabiliser complètement l'amateur de Black pur laine avec son Black Prog/Atmo/Extrême aux reflets shoegaze qui part en peur à grande vitesse sans bidouillages.

Le chant est un peu plus mis en avant que sur "Krallice", surtout sur "Autochton", où cette grosse voix Death ressort de la tornade arc-en-ciel en crevant un peu le soleil qui sertit cet autre agencement alambiqué. Mais elle est encore une fois tapie la plupart du temps, hibernant comme un gros ours mal léché préférant demeurer au chaud, car dehors, grosse tempête. Oh oui, ça tombe comme des balles de magnum ces notes glacées, ces guitares planantes, parlantes et étouffées aux atmosphères étranges (voir la pochette, sorte de pantin multicolore à flanc de montagne, un collage de Nick McMaster…).

C'est de l'avant-garde, alors n'allons pas faire une moue de mécontentement en se disant « ah merde, je sais pas comment décrire cette musique », ne faites que l'apprécier pour ce qu'elle est. Dans quelques années, vous ressortirez ce skeud en le comparant à ce qui a été fait depuis et vous pourrez sûrement vous rendre compte que KRALLICE était en avance sur son temps. Et qu'il se foutait des conventions en chiant des morceaux sans titre ou d'interminables successions de riffs psychédéliques à l'agressivité pondérée telles que sur "Monolith Of Possession" et "Aridity".

Les New-Yorkais nous envoient de curieux messages à travers leur musique, hasardeux à décrypter, mais ce n'est qu'à la toute fin qu'on comprend que ce n'était qu'un rêve, une mascarade, que les zicos sacrifient de la clarté pour la cause du Metal moderne, afin de voir évoluer sa morphologie et son essence. "Dimensional Bleedthrough" est un legs de 77 minutes à la confrérie Metal, un sujet d'études qui fascinera longtemps, comme l'album éponyme sorti l'an dernier (on aurait pu prendre un petit break, question de le décanter…) et qui ne plaira certes pas à une majorité. Qui dit expérimentation dit marginalisation, dit provocation, dit insubordination, insoumission.

KRALLICE est cette bête farouche qui ne se laissera pas emprisonner ou foutre en laisse, KRALLICE c'est le présent et l'avenir du Black fusion. Il saura montrer la voie aux plus couillus des prodiges de la scène Metal, ces jeunes pousses qui écouteront "Dimensional Bleedthrough" en se disant « wow, on peut vraiment faire ça sans attraper des tomates dans la tronche ?! »

Une découverte à faire avec l'esprit ouvert comme un écran solaire.