La Lune se couche, le soleil lui donnant un coup de pied au cul pour reprendre sa place

C'est avec "Andacht" que LUNAR AURORA tire sa révérence et réussit, juste à temps, à maîtriser les outils de la modernité qu'il s'était procuré quelques albums avant. "Andacht" est son œuvre la plus aboutie, probablement pas la plus « théâtralement démoniaque », mais la plupart des solives sont solidement fixées sur ce huitième opus en une décennie des Blackeux de la Forêt Noire. Donc, vu qu'il s'agit de leur testament, allons voir ce que le notaire aux allures de croque-mort a à nous révéler sur ce legs atmosphérique.

Le vieil homme rabougri s'assoie sur sa chaise aussi moelleuse qu'un boulon et prend sa feuille à deux mains.

«"Glück" fout les jetons en partant avec son rythme foudroyant, sa ligne de clavier inquiétante et ses chants grégoriens. Discernez d'ailleurs tous les détails saupoudrés par LUNAR AURORA sur "Andacht", car ils prendront des formes différentes sur toutes les plages pour causer l'étonnement ; parfois, ce sera un sample (grognement porcin, craquement d'arbre, gargouillis de marais, coque tanguant sur les flots, pluie) ou des effets de synthé multipliant les couches atmosphériques déjà énormes à engloutir et digérer. Les Allemands ont vraiment mis le paquet, comme s'il n'y avait pas de lendemain à cette aventure orgiaque démesurée.

On hurle joyeusement dans sa tête après un morceau introductif de la sorte, mais on se rend alors compte qu'il n'en reste que cinq ! Espérons qu'ils soient tout aussi enthousiasmants et planants que "Glück"… Si c'est le cas, eh bien on pourra dire avec raison que la formation a appris de ses erreurs en 18 mois, sinon, eh bien merde et c'est tout. "Andacht" sera-t-il un "Mond" meilleur ? Et cela même si Whyrhd n'est plus aux commandes de la deuxième guitare, ayant laissé sa place à Skoarth pour s'en tenir à la paperasse et aux voix claires ? Choix intéressant, car elles viennent injecter de la clarté dans ce smog créé notamment par les grincements de sorcier d'Aran.

Après une "Geisterschiff" se baignant dans une mer de bourrasques mélancoliques, LUNAR AURORA enchaîne avec un riff tranchant et des effets surprenants sur "Dunkler Mann", un renversement de vapeur très convaincant. Le tempo de Malphas, nouveau et dernier batteur de l'histoire du groupe, varie toutefois afin d'entourer ce riff principal. Le morceau évolue en montagnes russes et décontenance l'amateur recherchant le Black Speed de "Mond". Les Allemands se sont vraiment regardés dans le miroir afin de mûrir définitivement, laissant même de la place à un « solo » de basse à Sindar, dont le boulot est encore remarquable. Ses enveloppes ambiantes, autant à force de grattes que d'effets synthétiques de tout acabit, sont admirables.»

Le notaire pose sa feuille, enlève ses lunettes, regarde les auditeurs et leur demande s'ils ont des questions avant qu'il puisse continuer. Pas de questions, seulement de l'ébahissement. La face d'enterrement poursuit sa lecture pour la seconde partie du testament.

«"Findling" démarre sur une ambiance de port de mer, ou de marais ? On entend les grillons, les grenouilles, la nuit descendue. La table est mise pour les trois dernières plages de LUNAR AURORA. Le cœur commence à se serrer… Rythme mi-lent, planant, Aran s'égosille, donne tout ce qu'il a, alors que le bateau de tout à l'heure a recommencé à tanguer sous la brise nocturne. Sindar placarde une mélodie sombre alors que les cordes et les fûts s'emballent et entrent dans une danse atmosphérique propre à la réputation des zicos. Petit interlude et "Findling" repart en tornade jusqu'à ce qu'il s'étourdisse et retombe en une mare boueuse, laissant les enceintes à l'avant-dernier titre… "Der Pakt".

Toussotements, ambiance lugubre de cabane froide de tueur en série, LUNAR AURORA entame la piste avec un autre riff lent et des notes à la limite d'être clownesques. Le groupe baisse toutefois le ton et revient temporairement à sa noirceur intrinsèque afin de ralentir la cadence… et puis pan!, c'est reparti de plus belle pour une salve se terminant sur un retour des chants grégoriens de "Glück" ! "Andacht" est définitivement un album anti-cliché « aurorien ». Quelle perte inestimable que cette formule aléatoire utilisée une seule fois en tomber de rideau…»

Le notaire repose encore une fois nonchalamment ses lunettes… mais les remet aussitôt en voyant notre visage enragé le suppliant à grand support de menaces faciales de finir sa damnée lecture. Allez, qu'on fasse notre deuil, que diable !

«"Das Ende", la fin. Cris, musique vitement poignante, Whyrhd et Aran s'échangent le micro dans les deux premières minutes pour secouer le mouchoir blanc à leurs fans entassés sur le quai. Leur vaisseau quittera bientôt sous les étoiles, sous la Luna d'où ils sont issus et où ils repartiront. Ce morceau de la fin bûche pas mal, avec ses hauts et ses bas, réitère l'engagement des Allemands à léguer un disque qui brasse les cages. Aran est possédé, Sindar tente par tous les moyens de se faire remarquer, Malphas et Skoarth, chanceux de participer à cet événement, fauchent le plus de blé qu'ils peuvent…

Jusqu'à la finale… les esprits se calment, Sindar s'empare du devant de la scène et enfonce ses doigts dans son synthé pour faciliter la lecture du notaire immortalisé sur la pochette. LUNAR AURORA se retire dans la classe, la « tempérance » et le sublime. Un groupe qui n'aura peut-être pas écoulé tous ses jours sous les projecteurs, mais qui mérite sa place… au soleil.»

Note finale : 4,5/5

Le notaire pose sa feuille... et s'effondre sur son bureau.

R.I.P
LUNAR AURORA
2007