Des quatre coins du monde, le virus du slam se propage inexorablement en passant ainsi par le Chili. C’est en poursuivant mon éternelle quête dans ce monde de vase que j’ai rencontré ESOPHAGUS. Ce combo chilien regroupe en son sein de fiers artisans du groove putride. Hugo Ojeda et André Cisternas (des WOUNDS OF CHRIST) pour les vocaux et la guitare, ainsi que Albert et Gerald (dit Ger) qui se partagent la tâche entre le chant et le tabassage de fûts. Ce fruit pourri est le résultat de cette machine à broyer qui écrase de ses mâchoires puissantes, le monde qui l’entoure, en sécrétant un liquide bileux qui lui donne une couleur étrange.

"Pulverized By Misanthropic Behavior" est une démo qui se compose de trois titres dont la durée globale atteint les huit minutes. D’un Death Brutal organique aux passages Goregrind nécrosés, dès les premières vibrations le parcours est délicat. Blasts et riffs corrosifs sont au programme. L'auto production spectrale traduit une ambiance de mort et de répugnance : Esophagic Replusive Slam… que l’on vous dit.


Depuis 2008, ce quatuor chilien mené par Ger et Hugo assène sa puissance slam à qui veut l’entendre (lors du Brutal Infest II à L.A. notamment). Par la suite, le pape du genre : Mark Rawls (GE / DIP) se joint à la troupe dès 2009 et Hugo prend désormais la basse. Dès lors ESOPHAGUS trouve toute sa sève vénéneuse dans ce duo de vocalises où se livre sauvagement un jam coincé entre le huileux, le granuleux et les porcinades. Tout ce beau monde s'allie et se sépare dans ce vacarme boueux à la prod’ chargée de mercure.

Comme en témoigne "Abnormalities Psychopathologies of Incest" qui amorce le débat par le jeu de l’angoisse et mute vers l’apocalypse. L’humain n'est plus. Il prend les traits d’une créature gargantuesque aux organes hypertrophiés. Les litanies suffocantes et crépitantes donnent la matière nécessaire à ce Death vomi des abysses. Par sa nature putride, le rythme reprend souvent du beau muscle, armé par ce blastage sans tabou avec double caisse à l’appui.
Idem pour les autres titres dont la danse s'organise toujours au gré des envies des Chiliens. Ceux-là caressent par des instants plombés, le goudron d’un Doom mutant. Il y a un engluement assez conséquent des instruments dont les six cordes qui malaxent admirablement (c’est très pesant) et enchaînent leur musculation dans une série de galipettes de gorettes.


Car avec ESOPHAGUS il est bien question de putréfaction et de groove. Cette chorale hypnotique ne manquera pas de vous surprendre. Au delà d'un Death / Grind bas du front, le quintette va bien au delà du réel et fascine un auditoire médusé. Les variations buccales s’accouplent à cette marche au parfum funeste, dressant le tableau de ce monde de couleur vert… Vert comme l’étrange, vert comme l'onctuosité d’un art modeste qui n’a de cesse de nous embourber encore et toujours plus profond dans cet océan vert. Le tout est joué avec le niveau technique requis dans le genre. Le style est donc enlevé mais reste juste bon. Ces bouchers assurent un massacre volontairement disgracieux mais dévoile une audace certaine autant par sa couleur de fond que par sa gesticulation monstrueuse… Je préfère prévenir cependant que ESOPHAGUS en laissera beaucoup sur le tapis : c’est particulièrement extrême. Vous voilà prévenus maintenant.


Sinon je ne m’étendrais pas sur la cover de WTC "Bloodsplattered Satisfaction" (qui n’est pas du slam en ce qui me concerne) où le groupe se fait vraiment plaisir avant tout. Donc voilà.


ESOPHAGUS marque des points par son travail rugueux et charnu dont une excellente ambiance se dégage au fil des écoutes. Ce fumet délicat d’une pourriture rance fait de "Pulverized By Misanthropic Behavior" un disque à la fois étrange et charmant… Pour l'instant il ne sont pas encore signés mais j’attends la suite avec impatience, c’est moi qui vous le dis.