Si on devait s’amuser à faire un Top Ten des meilleurs albums de Techno-Thrash, faudrait absolument faire figurer cet album de WATCHTOWER. Ce qui ne sous-entend pas non plus qu’il s’agit d’une œuvre hautement recommandable, vu qu’il y a 3 groupes majeurs dans le genre qui se battent en duel et tout au plus une douzaine d’albums valables. Tout est donc très relatif comme le disait ce brave Albert.

Posons donc d’emblée la question de fond : le Techno-Thrash est-il réellement un sous-genre ? Prenons un exemple : RAGE et SYMPHONY X sont deux groupes qui pratiquent plus ou moins une sorte de Heavy technique. Parle t’on pour autant de Techno-Heavy ? Bah non ma bonne dame. Donc du Thrash technique, d’accord. Et après ? Y a de quoi en faire un sous-genre à part entière ? J’en doute mon bon monsieur. Mon petit doigt me dit qu’il s’agit en réalité de l’intellectualisation d’un micro mouvement. Conjoncturel et embryonnaire. Ce qui est assez cocasse dans le cas du Techno-Thrash, « microcosme musical » auquel on tente de plaquer une forme d’élitisme exacerbé à un genre de base (le Thrash) plus que bourrin par nature. Mon avis sur la question est que le Techno-Thrash lui-même – comme conscient de son particularisme contre nature et de cette supériorité technique trop lourde à porter – a voulu le plus possible se séparer de la masse des chevelues braillardes et autres hordes de bracelets à clous. Cette scission s’est logiquement faite coûte que coûte, obligeant la plupart des groupes se réclamant de la mouvance à accentuer volontairement cette technicité avancée au détriment des aspects plus classiques et consensuels du Thrash. En mettant en avant une certaine virtuosité et cette maîtrise instrumentale, il ne reste que peu de place au reste. D’autant que pour mélanger tout ce bordel, il faut aller vite. Très vite. Trop vite peut être.

Donc les plans se succèdent à la vitesse de lumière, sans forcément de liens entre eux. Les instruments n’exécutent pas, ils crépitent sur des charbons ardents. Ça bouillonne d’activité. Cette conjugaison des deux facteurs (technicité + vitesse) ne laisse pas le temps physiquement au groupe de soigner des refrains, de poser le riff ou tout simplement de faire du mid tempo implacable à la SLAYER (c’est un exemple). En ce sens, ce « Control and Resistance » est l’incarnation personnifiée du Techno-Thrash tant dans ses excès que son génie résiduel. Certains passages de l’album sont tout bonnement renversants (cf. le riff génial et le solo incroyable sur Eldricht par exemple), mais filent à la vitesse du son tels des comètes furieuses dans un univers chaotique. Pas le temps de s’attarder, de déguster ; WATCHTOWER demande une attention de tous les instants et se montre exigeant envers l’auditeur. Il vous faudra donc du temps, de la patience et quelques joints pour décortiquer toutes les nervures de ce Thrash incroyablement fascinant et déroutant. Aussi atypique que décrocheur.

"Control and Resistance" a l’avantage par rapport à son prédécesseur de garder une trame musicale commune à chaque morceau pour que les repères puissent être pris. Soit un riff qui revient avec insistance, soit un « air » que de multiples cassures et plans intermédiaires viennent chambouler. Cette exigence « structurelle » est assurément la grande force de l’album qui ne laisse plus cette impression d’un groupe perdu dans les méandres les plus abscons. Chaque titre demande sa louche de concentration et ressemble à une de ses toiles infinies qu’on s’amuse à détendre, exercice qui amusera certains, ravira les plus contemplatifs et d’esthètes d’entre nous… mais qui devrait passablement ennuyer les autres.

Malheureusement, WATCHTOWER n’évite pas les écueils « naturels » du Techno-Thrash évoqués entre les lignes : une impression de longueur, un manque de mélodies et de passages forts, une typicité contre-nature et … et…. Toujours ce chanteur incroyablement mauvais même si vous l’avez compris l’intérêt du groupe se situe ailleurs (*). D’ailleurs, WATCHTOWER est ailleurs tout court. Ce groupe exerce dans une autre galaxie à des années lumières du Thrash, dans des confins proches de MALMSTEEN, du Free Jazz et d’un Metal complètement barré.


Tout le paradoxe du Techno-Thrash est ainsi résumé en un album qui n’a de Thrash que le nom et l’étiquette. Plus proche (tant philosophiquement que dans le rendu global) de MEKONG DELTA que de VOIVOD ou CORONER ; WATCHTOWER nous permettrait même de distinguer deux tendances dans le Techno-Thrash (Techno Thrash « ailleurs » et Techno-Thrash Thrash). Deux visions drastiquement différentes. Comme quoi rien n’est simple, surtout quand on s’amuse à étiqueter n’importe quelle musique alambiquée pour progueux en mal d’amour.


Note : 3/5


Morceaux préférés : The Eldricht, The Fall of Reason, Instruments of Random Murder.


(*) : Ca reste à mon sens un putain d’handicap quand même.