J’ai découvert les Finlandais de SHADE EMPIRE en 2004 avec leur excellent album "Sinthetic", qui comportait des titres porteurs d’un message clair : le futur sera de la merde parce que nous vivons comme des machines, nous sommes des sculptures humaines, blablabla. Passé ce cap, le piège à ours de la stagnation s’ouvrait grand pour avaler SHADE EMPIRE, qui devait faire preuve d’originalité pour renouveler une identité pleinement assumée sur un disque attachant. J’attendais donc "Zero Nexus" au tournant, le barillet chargé à bloc.

La redondance. Ennemi numéro 1 de l’artiste de tout acabit, peur généralisée. Dieu merci, SHADE EMPIRE évite le cruel mot en surprenant ses fans, gracieuseté d’une musique plus riche que jamais, de la chanteuse Petra Lisitsin, du ténor Jorma Koponen, du saxo Aku Kolari et d’un vrai chœur, pas un "synthétique" comme sur leur dernière offrande. Autre changement, cette fois de moindre importance : Antti Makkonen n’est plus derrière les fûts et est remplacé par la patte versatile de Rasane (HANGING GARDEN).

Ce qu’on remarque de prime abord est tout le mystère qui plane autour du "scénario" de cet album. "Sinthetic" était clair, "Zero Nexus" ne l’est pas du tout. Allons donc lire les paroles que diable… Hum... pas plus avancé. Une chose est sûre, si on n’arrive pas à cerner avec précision leurs intentions, le serpent d’Adam et Ève est abondamment cité. Est-ce le biblique serpent Nahash ? Allez savoir. On peut aussi lire « 9 voix », comme sur le premier titre "9 In 1", que l’on peut inévitablement relier aux 9 représentations sataniques imprimées sur la pochette, si je ne m’abuse… Enfin.

La musique de SHADE EMPIRE est savoureuse, facile d’approche et directe. Le combo joue un Black Sympho d’acier à tout coup, pas besoin d’une encyclopédie pour saisir les subtilités dont ils tapissent leurs créations. "Zero Nexus" respecte la tradition et rue dans les brancards pendant 44 minutes en allongeant les riffs incisifs et les synthés cybernétiques nerveux, les deux cartes de visite principales du groupe.

Or, la mixture a évolué, surtout du côté de la voix : Juha Harju a noirci son gosier et régurgite davantage de cris blackisés, en évitant toutefois de chasser le timbre clair de son répertoire, élément essentiel aujourd’hui pour qu’un Black Sympho nous foute la baffe mélodique qu’on attend de pied ferme ("Flesh Relinquished"). On pousse donc un soupir de soulagement de ce côté : le noir et le blanc se côtoient encore. De plus, la voix féminine est un ajout intéressant et se marie agréablement aux nappes artificielles du combo sur "Adam & Eve". Il est dommage par contre qu’elle ait été sous-alimentée sur le reste de l’opus, car on aurait pris davantage de lumière…

Mais les guitares sont toujours aussi tranchantes, parfois thrashisantes, Death-mélo ("9 In 1", "Serpent-Angel") et le maestro Olli Savolainen assure une ferme consistance aux titres derrière son synthé. L’ahurissante "Harvesters of Death" et l’étrange "Ecstacy Of Black Light» sont là pour en témoigner. Notons aussi la très fournie "Victory", morceau complètement cinglé de plus de 9 minutes qui clôt l’album et sur lequel Aku Kolari vient injecter une courte et curieuse dose de saxo. Ouf, du saxo en Black, et quoi encore ?

Si SHADE EMPIRE a réussi à sauter par-dessus le piège à ours, il n’a pu le refermer pour ainsi en être débarrassé. "Zero Nexus" ne surpasse pas en qualité "Sinthetic" malgré la métamorphose évidente de son approche. Au moins, il s’en éloigne en thèmes et en couleurs. Moins éclairé que son prédécesseur, il montre une obscure facette d’une formation sur qui on pourra compter dans le futur. Après tout, le divertissement qu’elle nous impose est généreusement jouissif.

Note: 3,5/5.