KARELIA est-il un groupe de metal symphonique ? En cette année 2008, nous pouvons répondre avec force par la négative. En tout point. Le groupe français, après trois ans d’absence et un line-up quasi identique (on voit juste l’arrivée d’un second guitariste en la personne de Jack Ruetsch et la disparition du claviériste Bertrand Maillot) nous revient avec un troisième album intitulé « Restless » (sur le label Season of Mist). Un nouvel opus qui n’a sensiblement plus grand-chose à voir avec le très bon « Usual tragedy » sorti en 2004. Et c’est peu de le dire, tant l’évolution musicale entre les deux opus du groupe est impressionnante voire déroutante, je dois dire.
KARELIA a laissé de coté ses débuts « symphoniques », plutôt réussis d’ailleurs, pour s’orienter vers de nouveaux horizons, lesquels ont de quoi décontenancer même s’il faut reconnaître la qualité de la majorité des titres ici proposés par le groupe. Il faut dire que le combo français est quasi méconnaissable avec son metal moderne agrémenté de machines, samples à gogo, sons electro et technoïdes, chant parfois robotisé. Seule la voix de Matt Kleiber (excellente soit dit au passage, Matt alternant pas mal de registres vocaux tout au long de l'album) reste encore identifiable sur de multiples passages mais les restes de « Usual tragedy » ne sont plus que poussières.

« Usual tragedy » / « Restless » : 4 années et un fossé musical énorme. Entre les deux albums ? L’excellent « Raise » qui affichait déjà un groupe qui se voulait aller de l’avant et qui surtout souhaitait s'éloigner des sentiers balisés du metal symphonique. Au menu ? Une musique plus personnelle, plus sombre, plus travaillée voire même plus moderne (déjà!) avec un titre tel que « Raise » par exemple qui se rapprochait quelque peu du groupe allemand RAMMSTEIN. Ce titre n’était-il d'ailleurs pas le signe annonciateur du changement qui allait être opéré pour « Restless » ? Il aurait quand même fallu avoir le nez fin pour pressentir une telle mutation, ce signe paraissant quelque peu infime.

Pourtant, à l’écoute du morceau « Restless » qui ouvre l’album, on perçoit quelque peu le lien. Avec ce gros son, cet aspect martial, ces énormes synthés et ce gros refrain belliqueux, nous restons quasiment dans la même mouvance (en plus poussée quand même !) et nous sommes une nouvelle fois très proches de RAMMSTEIN. Encore plus que sur le titre « Raise ». Seul, le chant très mélodique de Matthieu Kleiber permet de nuancer quelque peu l’ensemble. « Restless » est un très bon morceau, plutôt simple d'aspect mais ô combien efficace et… puissant. Ce dernier nous montre avec force le nouveau visage de KARELIA. Un KARELIA totalement métamorphosé car les Alsaciens ne vont pas s’arrêter en si bon chemin et vont innover jusqu’à pousser le bouchon un peu plus loin encore avec le titre « Trial ». Un morceau très rythmé, énergique et enjoué sur fond de Techno Trance (guitares en retrait) qui forcément risque de vous décontenancer quelque peu. Ce n’est pas désagréable mais bon…
De même que le groupe, fichtrement ambitieux, n’hésite pas non plus à nous proposer 2 covers de qualité: celle de « Lift me up » de MOBY assez fidèle à l’originale, ainsi que celle beaucoup plus surprenante de « Losing my religion » du groupe rock R.E.M. Deux reprises qui s'intègrent à la perfection au contenu et à la tonalité de l'album.


L’ensemble de l’opus se montre particulièrement convaincant (paradoxalement hé oui !), tant KARELIA se montre plutôt à l’aise dans ce nouvel exercice musical (qui a dit expérimental ?). Il y excelle par moments avec le très bon et plutôt calme "Lovin' wife" (Matt Kleiber y est absolument remarquable, l'ambiance y est superbe, le refrain imparable et on a même droit à de succincts phrasés rap), le troublant "Crash" dont les guitares pourront rappeler aussi les quelques expérimentations effectuées par le groupe norvégien CONCEPTION sur leur dernier album "Flow" (titre "Reach out") en 1997, ou encore le très entraînant "Give it away", titre un poil plus classique (morceau qui rappellera même les regrettés allemands de DEPRESSIVE AGE, le chant de Matt Kleiber évoquant étrangement celui de Jan Lubitzki). Seul "From my window" me parait bien en deçà du reste de l'album qualitativement parlant.

KARELIA semble avoir simplifié sa musique au profit des machines. Les compositions paraissent bien plus basiques qu'à l'accoutumée mais le groupe s'en sort finalement plutôt bien. Il allie avec succès Metal, machines/samples et sons electro. Le résultat est complètement concluant surtout que le groupe cherche toujours à diversifier sa musique en alternant les tempos, en ajoutant des sonorités novatrices, ce qui permet à l'album de nous proposer diverses ambiances, tantôt sombres (l’introduction de « Mirror, Mirror » ou encore les quelques intonations féminines sur le tonitruant « Please come on in »), tantôt atmosphériques (sur "Lovin' wife" par exemple).

"Restless" est un album au prime abord complètement déroutant pour celles et ceux qui ont connu les débuts du groupe mais s'avère au final une réussite. KARELIA a changé musicalement mais avec audace, inspiration et finalement avec classe. Le succès sera-t-il néanmoins au rendez-vous avec cette nouvelle orientation ? Pas si sur !
Chapeau bas en tout cas, car un tel résultat musical n'était pas acquis d'avance.


Morceaux préférés : "Restless", "Lovin'wife", "Give it away".


Note réelle : 3.5/5