C'est écrit dessus, les Dirty Rotten Imbeciles jouent du thrash. Et c'est vrai, après un "Crossover" première pierre du grand édifice et un "4 Of A kind" que l'histoire aura bêtement oublié, le quartette texan développe un peu plus l'accent inventé par METALLICA et SLAYER et qui caractérise le combo depuis déjà deux ans. Une bonne idée !

On pourrait longtemps débattre du nouvel équilibre des forces, chacun son avis. Le mien ne changera jamais, en avançant encore de quelques pas dans le monde du metal, D.R.I. a gagné en addictivité. Nouveau bassiste, production plus soignée de quelques chiffons, rythmique tenue, "Thrash Zone" figure dans la main gagnante des albums de crossover à découvrir pour tout metalleux qui se respecte. Aux côtés d"un "Lights Camera Revolution" (SUICIDAL TENDENCIES) qui n'a plus de punk que son passé, d'un "Best Wishes" (CRO-MAGS) sombre et New-yorkais, d'un "Speak English Or Die" (S.O.D.), géniteur avant l'heure de toute une scène, cette galette fait parler la qualité.

Evidemment, la comparaison apparaît obligatoire et douloureuse. Les gars de Venice sont plus efficaces, plus pros et beaucoup plus riches, ils n'ont de toute manière pas longtemps couru dans la même division. Les CRO-MAGS jouent la carte de leur ville et font preuve d'un caractère unique. S.O.D. est imbattable dans son délire, il se prévaut de surcroît d'un line-up dantesque. Et D.R.I. reste un petit artisan probablement moins talentueux que ses pairs, simplement doué d'une énergie qui donne envie. Une carrière toute en régularité sans véritable exploit musical ni hit absolu ("Gun Control" peut-être). L'invention d'une étiquette, un statut bien ancré dans la terre, c'est déjà beaucoup. Et un "Thrash Zone" bien sympathique même s'il résiste difficilement au voisinage de ses collègues.

Petite injustice car les arguments pourtant tellement réels qui consistent à enfermer D.RI. dans une division 1 bis valent surtout pour une raison, cette satanée punkitude dont il est le seul à ne jamais totalement se défaire. Punkitude qui garde encore la tête hors de l'eau malgré le tsunami thrash et martial. Et "Thrash Zone" fait même figure de témoignage ultime quand ses congénères vont aussi voir ailleurs. Rondeur d'une basse plus présente qu'avant, épaisseur du riff, speederies à crête incontrôlées, chant coreux, la définition même du crossover. Nettoyez tout ça avec un bon détergent estampillé années 2000 et vous vous retrouvez devant MUNICIPAL WASTE.

Loin de pouvoir prétendre au titre de perfection des perfections, un peu vieilli et mou du genou, "Thrash Zone" constitue juste une porte d'entrée naturelle vers un univers qui aura accouché de ses plus grands chefs-d'œuvre en bravant les règles qu'il avait lui-même édictées. "Thrash Zone" respecte ces règles à la lettre. En cela, il se restreint et s'interdit de toucher à un génie artistique qui ne collerait guère aux délires short, skate et concours de vomi des habitants de la planète white trash. Et en valorisant intelligemment un goût vestimentaire discutable, des aisselles transpirantes, des dents cariées et un vocabulaire roté, on atteint finalement une certaine forme de perfection.