WINDIR, je l’ai découvert bien avant qu’une chronique ne paraisse sur NIME. C’était par l’intermédiaire de « 1184 », un album dont je me souviens avoir pensé le plus grand bien, sans pour autant le classer dans la catégorie des chefs-d’œuvre. Et puis il y a eu la chronique de Julien et la pelleté de commentaires dithyrambiques, quasi-révérencieux qui a suivi. Etrangement, ces commentaires unanimes et qui voient régulièrement un nouveau compère se joindre à la cause, ont jeté un second vernis sur « 1184 ». Au point qu’il m’arrive à mon tour de l’évoquer comme un incontournable du genre, sans pour autant l’avoir réécouté. Une anecdote saisissante, j’en conviens, qui me permet surtout d’enchainer naturellement sur COR SCORPII. Car cette formation neuve a été fondée par deux anciens membres de WINDIR, Gaute Refsnes et Stian Bakketeig, désireux, après la mort de Valfar, de se lancer dans une seconde conquête black.

Dresser un parallèle entre WINDIR et COR SCORPII doit être évité. Cela ne sert à rien, les deux entités n’évoluent pas dans le même registre. Même si les armes employées sont à peu près les mêmes, la manière de les brandir et les manier ne produit rien moins que de l’incomparable. COR SCORPII, c’est à mon sens une alliance de deux formations que j’affectionne particulièrement. D’un côté, je retrouve une trace des ambiances délétères de DIABOLICAL MASQUERADE. Avec ce soupçon de folie nihiliste, mais sans cette volonté de pousser l’auditeur dans un dédale d’émotions. De l’autre, je reconnais la rythmique de THY SERPENT, froide et accrocheuse à la fois, avec cette production généreuse qui enfante de riffs épais et tranchants. « Monuments » enchaine les riffs, justement. Il n’a aucune raison de s’en priver, il s’agit là de son point fort. Et entre ces crachotements métalliques, il pousse les mélodies dans une belle volubilité, tisse des atmosphères opulentes mais qui savent rester digestes. Le propos majoritairement épique n’en fait pas des tonnes, insiste pour placer de façon très cadencée des points de repères aisés à entrevoir. Le black de COR SCORPII se montre accessible souvent, dérangeant parfois. Et cette volonté de tirailler l’auditeur entre le conçu et l’inconcevable se manifeste dans l’évolution consentie. L’album débute comme une évidence, avec ce black fignolé nourri aux influences les plus sages de Norvège (« Ei Fane Svart », « I, the Damned »). Puis, à mesure que les titres défilent, on s’égare, vers un black moins usuel, davantage tortueux. Si COR SCORPII a choisi de hisser un pavillon ordinaire, c’est à bord du navire que l’on découvrira d’autres intentions (« Oske Og Innsikt », « Kjettar »).

Ce premier essai s’avère concluant, indubitablement. Même s’il me semble déceler une perte de souffle sur la fin, « Monuments » touche au but. A coup de riffs vénéneux et de mélodies séduisantes, COR SCORPII n’éprouve aucune difficulté à trouver un joli compromis entre un black mélodique de facture classique et quelques détours en terre inconnue. L’étoile WINDIR plantée dans un ciel d’encre n’a pas forcément trouvé en COR SCORPII un rejeton du même acabit, il n’empêche que « Monuments » constitue un bon album qui exige une suite très rapidement.

Note : 3,5 / 5