« Le meilleur moyen de résister à la tentation, c’est d’y céder », disaient Oscar Wilde et TF1 le mardi soir. Dix ans après que l’ami Fenriz ait créé son NEPTUNE TOWERS en pensant à Klaus Schulze, Roman Saenko s’est attaché, de la même façon, à plonger dans l’univers du dark ambient. La comparaison n’est pas totalement valable car les deux esprits se font une idée différente du tout synthétique. Et si Fenriz évoque l’ex-membre de TANGERINE DREAM afin, très certainement, de se couvrir du manteau de l’originalité et de l’expérimentation, le leader de feu HATE FOREST, maître à penser du toujours actuel DRUDKH et chef d’orchestre du très mystérieux BLOOD OF KINGU, préfère laisser voguer son tempérament mystique et son orientation politique. "Twilight Of Europe" sera donc médiéval et très européen. Alors, résonnent au loin les échos des dernières âneries discographico-pénitentiaires de BURZUM. L’intention est similaire.

Si beaucoup sont au courant du ridicule du double épisode plastique de Varg Vikernes, peu savent à quel point l’aventure planétaire de Gylve Nagell fut synonyme de vide stellaire. L’approche que je qualifierais de climatologique du sombre se révèle être, pour l’aventurier mal armé, un cul-de-sac duquel il apparaît plus que difficile de s’extraire. Le chemin semble praticable, on le suit la fleur au fusil, trop heureux de se divertir les oreilles comme les doigts avec des sons aisément qualifiables d’amusants mais manquant trop souvent de sens. Et le risque devient immense du patchwork indigeste. Heureusement, Roman sait se contenter du minimum expérimental, se délecte même à refuser une innovation qui lui fait justement courir le deuxième risque dans lequel il tombe à pieds joints. Ce risque est une maladie connue, la soporificodéprime. Car en voulant tracer les contours d’un monde obscur et décourageant, tantôt religieux, tantôt nimbé d’un improbable mystère, tantôt parfaitement angoissant, Roman a accouché d’une œuvre léthargique, inodore, sans guère plus de saveur qu’un chou-fleur mort sans sa fleur. Rien ne se passe, jamais. Eternelle jachère rythmique et mélodique.

Les deux derniers albums de BURZUM étaient risibles car ils étaient autant la preuve du manque de moyens que de l’ambition surdimensionnée du triste comte. NEPTUNE TOWERS était un projet foireux et foiré dans toute sa longueur, assumé comme tel car oublié par son créateur. DARK AGES n’existe déjà plus car Roman Saenko aurait, selon les rares informations filtrant à son sujet, décidé de faire muter son idée première et de s’essayer au funeral doom sous le même patronyme. La transformation sera-t-elle suffisante pour rendre le projet viable ? Encore faudrait-il qu’il ne s’agisse pas d’une simple greffe de guitares lénifiantes et, à l’écoute de "Twilight Of Europe", l’opération serait aussi facile que vaine. Tout est à revoir, la charpente est à reconstruire, les plans doivent être redessinés, même les outils ne conviennent pas. HATE FOREST est colossal, DRUDKH est beau, BLOOD OF KINGU est…personne ne sait, DARK AGES doit repasser par la case départ pour espérer pouvoir se mesurer à ces fantastiques aînés et ne surtout pas espérer sauver quelque élément que ce soit de ce ratage complet. Nouvelle preuve de la faillibilité magnifique de l’artiste, ce disque ne vaut que pour cela. C’est intéressant mais, somme toute, infiniment peu.