"Carpathian Wolves" est un disque majeur, méconnu mais majeur. Et ceci pour deux raisons également valables, musicale et historique. Historique car les débuts de GRAVELAND, et cet opus constitue, demos exceptées, son premier méfait, représentent le point de départ du black metal polonais qui -vu le lien culturel qui lie les deux pays, a forcément influencé la jeune scène ukrainienne, magistral effet boule de neige- a, de toute façon, permis de décrocher un instant le regard d’une scène norvégienne d’une importance colossale mais en aucun cas unique. Le fait mérite d’autant plus d’attention que l’art sombre créé par Rob Darken possède son propre caractère, ses propres règles, son propre vécu, ses propres raisons d’exister…

Ce qui fait de cette galette un produit tout à fait singulier pour l’époque. Car si la caractéristique principale de bon nombre des formations ayant fourbi leurs premières armes au début des années 90 est une vraie propension à la haine, celle de GRAVELAND ne s’exprime le plus souvent que de manière sous-cutanée. "Carpathian Wolves" transpire pourtant la rage. La rage des débuts mais déjà la rage contenue du guerrier prêt à se fondre dans une troupe à laquelle, comparaison oblige avec la suite de la carrière du groupe, il manque encore l’apparat des plus riches mais à la discipline et à l’efficacité déjà présentes.

Premier-né d’une lignée d’albums dédiés à la guerre et aux conquêtes (et GRAVELAND est dans bien des sens le BOLT-THROWER du black metal), sa dégaine est naturellement plus rugueuse que celle de ses jeunes frères, son allure plus sauvage, son éducation plus primitive. "Carpathian Wolves" ne sera pas une surprise pour celui qui connaît déjà n’importe lequel des disques signés GRAVELAND. Il sera meilleur que la plupart, à peine inférieur au grand "Thousand Swords", différent du controversé "Following The Voice Of Blood", plus rustique et instinctif que tous les autres. Car tous les éléments qui ont fait le nom de cet immense orchestre figurent ici, les guitares lancinantes et douloureuses, les claviers à l’emphase judicieuse, les quelques bruitages cinématographiques qui rappellent le titre du disque comme ils soulignent son caractère primaire, cette batterie sujette à d’innombrables discussions portant sur le talent d’un Capricornus au sens du rythme bancal, à la technique approximative, pourtant totalement à l’aise lorsqu’il s’est agit de démarrer une carrière solo. Complétons le tableau ensemble, la voix possède un grain plus épais, la production est plus grossière. Il est aussi dit que "Carpathian Wolves" fait partie de la première période de GRAVELAND, la deuxième démarre avec "Thousand Swords", la troisième…Pas pleinement d’accord avec cette analyse un peu légère, j’éviterai de la développer.

L’entité magnifique et païenne trouve peu de comparaisons sinon avec elle-même. A des lustres des sons plastiques de tous ces ouvriers du black symphonique, s’étant très vite détourné des excès des incendiaires peinturlurés scandinaves, ne ressemblant nullement à tous les héros de la préhistoire du black…Bien loin de tous les autres, en somme. GRAVELAND déplaît parfois, lent, mou, dormitif et bêtement pompeux. GRAVELAND fascine souvent, envoûtant et grandiose. Il en sera ici de même et ma note montre bien dans quel camp je me situe. Evitons enfin, et cet avertissement servira de conclusion, de confondre tout cela avec du viking metal afin de se garder de surprises désagréables.