L’imagerie de GRAVELAND est une des plus fortes qu’il existe en Black Metal. Faisant figure de grand frère pour tous les combos natifs d’Europe Centrale, le groupe a toujours su rester au-dessus de la mêlée. Contrairement à un nombre croissant de formations slaves, le groupe, n’est jamais tombé dans le piège de l’extrémisme absolu. Si les Ukrainiens de NOKTURNAL MORTUM, autre ensemble aux chiffres de vente substantielles, ont franchi la barrière et perdu un peu de leur personnalité en multipliant les franches œillades au néo-nazisme, leur denier avatar en date étant la transformation du logo du groupe, la tête de bouc trônant au milieu du patronyme ayant cédé sa place à un bouclier orné de croix gammées, Rob Darken, s’il ne daigne pas afficher ses convictions lors d’une interview, préfère cultiver au sein de GRAVELAND une image de guerrier médiéval qui, si elle est passablement fantaisiste voir risible, a le mérite de marquer les esprits sans risquer une condamnation morale. Même le split cd avec HONOR, leader musical du mouvement skinhead en Pologne ne comportait pas de textes outranciers. Bref, Rob Darken préserve intelligemment son bébé tout en ne niant pas ses idées politiques d’inspiration clairement nationaliste.

GRAVELAND est donc grand et épique. Adorateurs de BATHORY version Hammerheart, Darken et Capricornus ont voulu recapturer cette atmosphère difficilement qualifiable de viking vu les origines des deux compères, mais guerroyeuse et païenne.

Album concept aux extraits concentrés de Conan, Following The Voice Of Blood narre le destin d’un enfant dont le village natal est détruit par des chrétiens violeurs et ripailleurs. Le gamin est sauvé du carnage par un aigle qui, comme l’ours et le loup, est à la fois un prédateur redouté par le vilain porteur de croix et ses impurs fidèles et un allié fidèle des peuples païens en communion avec la nature sauvage.

Les intentions sont grandes (euh, épiques aussi?), mais qu’en est-il donc du résultat?

Passons outre la critique trop facile d’une production délibérément intolérable, des guitares au micro aigu trop proche des cordes (Rob Darken a également, selon la légende, revendu le micro grave pour s’acheter une épée en plastique) et une batterie épouvantable. Le jeu de Capricornus est d’ailleurs très particulier puisqu’il fait un usage abusif de ses cymbales (à moins que ce ne soit sa crash qui soit placée là où devrait se trouver la caisse claire) et que l'esthétique de ses rythmes ne bénéficie pas d'une approbation unanime.

Contentons-nous donc de juger la valeur des morceaux. Ceux-ci, aussi longs soient-ils, font du sur place et ne procurent pas une extase immédiate. Cette inertie dérange au premier abord et rebutera le plus grand nombre. Heureusement, petit à petit, l’oiseau fait son nid (un vent de poésie enfantine souffle sur la chronique) et cette langueur commence à lanciner, obséder l’auditeur au point qu’il en oubliera peut-être jusqu’à ce son à l’esthétique condamnable. La magie opère et ce que vous trouviez à la fois atroce et ennuyeux devient peu à peu plus qu’appréciable.

Following The Voice Of Blood est considéré par tout l’underground black comme un monument dédié à la haine et à la spiritualité. Je resterai les pieds sur terre pour aviser le lecteur que cet opus n’est pas la plus belle livraison venue de la patrie d’origine de Karol Wojtila et Julien Skrynzki mais possède un charme insidieux qui en fait un disque recommandable.