Un apprenti pâtissier a plusieurs manières d’agir lorsqu’il entre dans une profession vieille de plusieurs siècles. Soit il confectionne des gâteaux à partir de recettes maintes fois éprouvées, il se dit qu’il faut bien vivre, que la concurrence fait les mêmes Paris Brest mais qu’il y a certainement de la place pour tout le monde. Soit, conscient de la valeur de son art, il cherche à se montrer à la hauteur de la tâche en faisant preuve d’imagination, en zieutant à droite, à gauche pour piocher des éléments plus ou moins exotiques incorporables dans ses compositions afin de séduire le palais de ses clients et de satisfaire sa soif de création.

DØDHEIMSGARD a entamé sa carrière dans le Black Metal avec pour principal attribut le fait de compter dans ses rangs des membres d’autres formations plus ou moins réputées, DARKTHRONE, OLD MAN’S CHILD et AURA NOIR pour citer les plus connues. Les premiers opus du groupe ne manquaient pas de banalité mais la petite fée inspiration s’est décidée un jour de 1998 (un mardi, vers une heure du matin) a posé sa baguette magique sur les têtes de Bjørn Dencker et Yusuf Parvaz, qui du jour au lendemain (du lundi au mardi donc), ont cessé de bêtement rejoué ce qu’ils avaient déjà entendu chez leurs aînés, pour laisser parler leurs envies.

666 International est donc une gourmandise auditive principalement constituée de deux ingrédients dont le mariage a pour principale motivation de titiller les sens de ceux qui voudront bien goûter cette friandise. Ces ingrédients bien connus sont un fruit black à l’écorce sombre et à la pulpe amère et une fleur indus aux pétales froids et dont le pollen produit un parfum acide embaumant tout l’album.

Les éléments électroniques et industriels inondent cette galette d’une agressivité totale et les nombreuses accélérations soutenues par des guitares black voient leur intensité amplifiée par cette rythmique apocalyptique issue d’un futur proche et dangereux. Apocalyptique mais certainement pas chaotique, 666 International étonne par sa cohérence et impressionne par sa musicalité. Le démon a percé les arcanes de la technologie et manie ce nouveau jouet avec un discernement qui fait frémir. D’autres balbutient encore leur apprentissage difficile de l’utilisation des sons les plus modernes, ces norvégiens sont déjà des maîtres respectables dans l’art du bidouillage malsain qui savent donner vie à leurs idées iconoclastes.

Petite coquetterie moins inutile qu’il n’y paraît au premier abord, les interludes au piano, aussi loin qu’ils se situent de l’univers cybernétique des autres titres, contribuent à l’atmosphère angoissante du disque, révélant un ton grave et inquiétant.

DØDHEIMSGARD a récemment été rebaptisé DHG et le line-up a connu de profonds changements. Difficile donc de savoir dans quelle direction ira le successeur de 666 International. Croisons les doigts pour que la prochaine friandise de ces confiseurs accoutrés de façon étrange possède un caractère aussi fort et aussi savoureux au palais que ce berlingot au piquant irrésistible.