Il s’en est passé, des choses, depuis la sortie de "Fréquence Violence", il y a trois ans… Les sales gosses de POGO CAR CRASH CONTROL (P3C) ont littéralement explosé sur la scène nationale, multipliant les prestations live fiévreuses aux quatre coins de l’hexagone, dont un Hellfest sur la Warzone qui avait ouvert les yeux du public métallique sur le potentiel "bagarre" de la formation francilienne. Au cours de cette période, j’ai eu la chance de les voir trois fois sur scène, pour autant de mornifles reçues dans la trogne. Que ce soit en festoche ou à la Maroquinerie, P3C ne m’a jamais déçu et fait même partie de mes plus belles expériences en la matière sur cette période. Autant dire que j’attendais de pied ferme un successeur à l’opus précédent, leur plus abouti selon votre humble serviteur, capable de séduire autant que de cogner (fort).

Voici donc venu le temps de la confirmation. Les espoirs sont en effet assez élevés, et ce n’est pas cette jolie pochette assez typique qui viendra tempérer mes ardeurs, avec ce petit avertissement qui s’allume dans un coin de ma tête : plus hautes les attentes, plus dure la chute ?

Les premières écoutes ont été décevantes, je ne vais pas vous le cacher. La première partie de l’album est assez inoffensive, d’un point de vue aggression. Le son des guitares est plutôt falot, comme un tigre à qui l’on aurait limé les griffes. On est plus proche du rock indépendant briton que du Thrash… Quant au chant d’Olivier, celui-ci s’est aseptisé. Autant j’avais initialement éprouvé des difficultés à adhérer à son style déjanté, autant il me semblait faire partie intégrante de leur identité. Là, il rentre majoritairement dans les cases de la bienséance de salon. Cette évolution était de facto tristement prévisible - il suffisait d’écouter "Cristaux Liquides" - et peut-on réellement leur jeter la pierre de vouloir s’adresser à un public plus large ? La fin de la galette est un peu plus énervée, mais sans conviction sincère ni envie réelle d’en découdre. Une déconvenue globale, donc, cependant dénuée de toute amertume, malgré quelques mélodies ici et là plutôt bien senties et aguicheuses.

Et puis j’ai persisté à de nombreuses reprises, aidé en cela par le côté family-friendly du disque. Oui, il est bien plus aisé de coller "Negative Skills" dans la platine que le dernier WHITECHAPEL lorsque vous dînez avec votre femme et vos kids. Et peu à peu, celui-ci s’est ouvert à moi, bravache d’une maturité nouvelle, glanée avec les poils au menton et au travers de nombreuses évolutions sensibles, qu’il s’agisse de l’intervention de Lola au micro, de l’usage de l’Anglais sur une partie des textes, des influences moins extrêmes toujours mieux assumées. Citons parmi elles, pêle-mêle The CURE, The PIXIES, SMASHING PUMPKINS et BLUR pour les artistes internationaux ou NO ONE IS INNOCENT et NOIR DESIR en ce qui concerne nos références nationales. Quant aux pistes les plus vindicatives, elles se sont également ouvertes écoute après écoute, apportant l’équilibre nécessaire à cet album. Car il ne faut pas croire que P3C ait vendu son cul au dieu dollar! Olivier, Lola, et les frères Péchinot savent encore tataner sévèrement, qu’on se le dise, même si la production s’avère clairement moins lourde que par le passé. Si le côté Metal a perdu du terrain, les racines Punk sont belles et bien prégnantes à l’écoute, tout comme les aspects (Post?) Grunge. En cela, le groupe ne se renie pas. Il étire son chant musical de manière plus marquée, mais le fait avec un talent indéniable pour peu que l’on accepte d’en prendre un peu moins dans la tirelire et un peu plus dans le ciboulot.

Talent indéniable, car les zikos sont excellents, et ce n’est pas ce quatrième LP qui viendra freiner leur progression. Outre Lola qui assure donc au chant sur deux morceaux en plus de balancer ses lignes de basse inspirées, bien au delà de la reconnaissance médiatique l’ayant amenée à jouer sur la tournée d’HOSHI et donner de la visibilité à son mouvement "More Women On Stage", les frangins sont loin d’être des manchots, qu’ils caressent ou castagnent. Ça tombe bien, ils savent faire les deux et le démontrent plus encore en 2025. Quant au frontman, l’évolution de son chant apporte plus de variété à un ensemble qui pouvait sembler un brin uni-dimensionnel sur les premiers essais de la formation, bien aidé en cela par un gros boulot sur les chœurs de Simon et Lola. Et comme le garçon sait toujours riffer sévèrement…

Enregistré à New-York, en hommage à leur Punk fétiche, sous la houlette de Jon Markson (DRAIN, DRUG CHURCH et bien d’autres), POGO CAR CRASH CONTROL part à la conquête du monde, fort d’un potentiel mélodique mis au service d’une oeuvre aux textes désabusés et d’une musique plus riche et composite mais conservant ce fond indomptable et cynique qui leur va si bien au teint.

"Negative Skills" ne comblera pas de bonheur ceux qui espéraient un virage plus Heavy, étendue semblant donc pour de bon appartenir au passé du combo. Si la rage n’est pas absente de l’opus, loin de là, l’ambiance est plutôt à l’ouverture, à la versatilité et à la contemplation d’un monde sans cesse plus absurde. En rabotant une partie de ses aspérités, P3C perd un peu de son charme juvénil ce qu’il gagne en précision et en variété. "Negative Skills" est un super album de rock alternatif barjot, dont le potentiel se développe sur la durée. Mais jusqu’où iront-ils ?

Note réelle : 3,5/5.