Allez, je démarre, une fois n’est pas coutume, par une séquence très maître Capello pour les nostalgiques du genre et des fameux ‘Jeux de 20H’. L’agrypnie est un terme médical pour désigner une insomnie totale liée à l’hyperactivité des systèmes d’éveil dans le cadre d’une maladie neuro-dégénérative de type chorée. Si je côtoie encore certains patients diagnostiqués Huntington, je peux vous dire qu’en plus de m’attrister, ces syndromes transmissibles de génération en génération broient des pans de famille entiers. Et pour finir sachez que F51.4 est un code diagnostic pour coter les terreurs nocturnes. Voilà vous en savez assez ou trop c’est selon.

AGRYPNIE est l’œuvre d’un seul homme, Torsten, ex-chanteur de NOCTE OBDUCTA. Ce dernier se trouvait bien trop à l’étroit dans le seul rôle qui lui était attribué au sein de cette formation. Comme toujours si le lead ne se peut se partager, il vaut mieux aller voler de ses propres ailes et c’est en substance ce que Torsten a fait en créant son projet. Fini les galères des répétitions à naviguer à vue avec les disponibilités de chacun, fini aussi les incompréhensions et les prises de bec gratuites ou inutiles, Torsten en convolant seul saute dans le grand bain et tente de trouver son couloir de nage… ou de métro (la pochette l’évoquant bien plus aisément).

Si la batterie programmée d’emblée paraît agaçante avec ce son artificiel bien caractéristique et sa rythmique prévisible AGRYPNIE déploie dans ce qui est son premier album le terreau fertile d’où naîtra, le très impressionnant "16[485]" dont je partage l’identique point de vue que Mefisto a su édicter. Bien membré pour enténébrer les cœurs, "F51.4" enflamme vivement de son Black ce qui, à la lumière des décennies passant, nous permet dorénavant d’identifier comme des élans de ce que l’on définira comme du Post. NOCTE OBDUCTA avait aussi proposé cette direction que Torsten emprunte et fait progresser davantage. Sombre, parfois planant et mélancolique, Le Black Metal de AGRYPNIE est un Black des villes, des angoisses solitaires et de la grande solitude, du confinement des émotions, de l’isolement et des dérives morales.

En cela, AGRYPNIE fait partie des précurseurs et Torsten un de ces premiers bâtisseurs de ce qu’à l’époque l’on nomme Avant-Garde. Forcément la modernité apporte le changement et le Black Metal de l’époque aimera temporairement se diviser entre ceux d’une part qui frétillent d’avance et les autres bien plus braqués et se-disant True dans l’âme. "F51.4" a déjà des riffs bien racés et des titres qui aiment à déconstruire aussi les codes. J’apprécie notamment "Cogito Ergo Sum" et "Kerkerseelenwanderung" qui sont selon moi exempts de défauts et me paraissent bien inspirés. Je resterai moins dithyrambique sur les autres qui arrivent néanmoins à créer de l’ambiance sans jamais passionner. L’album se veut copieux – un peu trop – et l’on ressent à l’évidence le grand travail de Torsten derrière.

Pour un premier essai ce n’est pas si mal. Dès l’album suivant, "Exit", Torsten embauchera un batteur ce qui résoudra de fait ce problème – un peu trop proéminent à mon goût – de la batterie électronique au son affreux… En remettant "F51.4" dans son contexte d’époque je rehausse un peu ma note car en élargissant un peu plus le corridor moderne dans le Black Metal, AGRYPNIE a su bouger les lignes à sa manière. Premier et unique effort en solo de Torsten avant d’intégrer d’autres larrons, "F51.4" a de beaux arguments à offrir à son écoute et à dispenser. La suite du projet lui donnera raison.

Note réelle : 2,5/5.