Pour introduire cet album, citons les mots bien sentis du confrère Positron, qui résuma parfaitement la transformation opérée par FALLUJAH après "The Harvest Wombs" :

"Cet album et l'EP "-Nomadic-" sont quand même assez haut dans le top du Tech-Deathcore-ah-non-c'est-plus-du-Deathcore."

Bien vu, l’aveugle.

En effet, les Californiens de FALLUJAH (prononcez FEU-LOUP-DJEU) vont déconcerter les amateurs de leur premier LP résolument Deathcore et de bonne facture, en changeant aussi sec de cap pour muter vers un aspect nettement plus Tech sur le papier, et Prog-Ambiant dans les esgourdes. Avec maintenant dix ans de recul depuis sa sortie, "The Flesh Prevails" est devenu un album polarisant et polarisé, le grand écart entre les Coreux furieux du coup de surin que leur a infligé le combo et entre les curieux réceptifs à ce coup de poker n’aidant pas vraiment à objectiver la qualité de la galette. Alors, réussite ou coup de bluff ?

Alors que les choses soient claires, si vous espériez des relents de Deathcore, petits furieux à la pilosité encore incertaine que vous êtes, il faudra vous contenter du chant d’Alex Hofmann qui a tendance parfois à s'oublier quitte à clairement réprimer quelques "BLEGH", mais rien ne dépasse. Amis de la méga branlette de manche, vous resterez également sur votre faim, l’essentiel du travail étant porté sur la basse, merveilleusement audible, et surtout les fûts, qu'on se le dise. Alors si ce n'est pas Core, pas si technique que cela, et que l'on est soporifiés(*) de chœurs et de claviers, nous sommes tout de même en droit de nous demander si l'on ne se ferait pas un chouïa chier.
En partie. Enfin, disons que vous laissez passer les titres et défiler passivement les minutes, il est certain que vous louperez l'essence subtile de cette galette.

À titre d’illustration, prenez les riffs de "Levitation" ou de "Chemical Cave", totalement géniaux et non sans rappeler le travail postérieur de VIRVUM (le timbre de voix aidant l’immersion), ou encore le final de "Chemical Cave" (qui se fait bien trop attendre), et vous conviendrez que "The Flesh Prevails" est loin de manquer d’idées ou de cohérence interne.

L'ennui, c'est qu'à vouloir trop en faire et à vouloir à tout prix se détacher de son ancienne étiquette, FALLUJAH se perd dans une myriade de détails, d’emberlificotages de styles, du Shoegaze ("Alone With You") au quasi-Djent aux chugs appuyés ("Carvec From Stone"), de YES en passant par ATHEIST, jusqu'à OBSCURA, l’écoute en devient déroutante. Cette diversité peut donner une impression de dispersion stylistique qui perdra en route ceux en quête d’un fil conducteur de bout en bout.
L'expérimental (car il est tout de même question de cela) au service du renouveau évolue ainsi dans un pré carré, limitant les extravagances. Non, vraiment, je vous défie de gagner une partie de blind test entre, au hasard, l'éponyme, "Allure" ou "The Night Reveals".

Difficile de blâmer la démarche, difficile également de blâmer le résultat, loin d'être mauvais ou maladroit malgré ses phases ambiantes soporifiques, le reste étant digne d'une écoute attentive. Pour conclure, saluons leur volonté d’évoluer à contre-courant d’une scène saturée : FALLUJAH n’a pas choisi la facilité et s’en tire avec les honneurs. Avec du recul (et sa meilleure boule de cristal), il apparaît que cette métamorphose est un chemin de longue haleine, ce qui sera confirmé par "Dreamless"… mais ceci est une autre histoire.

Morceaux préférés : "Lévitation", "Chemical Cave", "Sapphire".

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(*) Je me permets ici une petite Remissade, trop belle pour être synonymisée : https://dictionnairedesverbesquimanquent.com/soporifier/