En 1996, lorsque sortit le "Aspera Hiems Symfonia" (littéralement la dure symphonie de l’hiver) d’un groupe éminemment prodigieux dont l’aura bruissait ne serait-ce déjà que par son line-up prometteur – citons Garm au chant, membre contemporain de ULVER en préparation du féroce et feu "Nattens Madrigal" (1997), mais aussi Hellhammer qui officiait déjà chez MAYHEM et préparait son arrivée fracassante dans The KOVENANT pour le futur "Nexus Polaris" (1998) auquel Sverd autre membre de ARCTURUS apposera aussi ses claviers inspirés, et puis il y a aussi ce bassiste de session mais non des moindres, un copain de Garm chez ULVER et membre plus qu’actif au sein de VED BUENS ENDE (groupe assez expérimental et unique en son genre dont je vous recommande fortement l’écoute d’au moins le "Written In Waters" sorti en 1995), le bien-nommé Skoll – j’avais les yeux troubles et pas un sou en poche.

Forcément les encarts publicitaires dans le Metallian de l’époque et l’inscription « Black Metal fantastique » dans le catalogue VPC d’Adipocère attenant au magazine, me brouillait encore plus la vue et m’invitait à désirer ardemment cet album. Mais rien ne se passa comme prévu à l’époque, et je commandai d’autres albums et oubliai cet album vénéré sans le perdre de vue totalement. Les années passèrent et cette non-rencontre me remplit de regrets. C’est à la faveur de cette réédition et d'un remaster incroyable de 2002 que mon cœur se réemballa. Et ce n’était plus seulement le "Aspera Hiems Symfonia" qui s’offrit à moi mais bien aussi les deux EP légendaires "Constellation" et "My Angel" agrémenté de deux inédits jamais sortis, "Cosmosjam" et "The Deep Is The Skies".

En découvrant cette œuvre globale tant fantasmée, je me décrochai la mâchoire plus qu’outre-mesure. Et j’appris beaucoup de nouvelles choses qui me permirent de comprendre les pièces d’un puzzle qui me manquaient. D’abord ARCTURUS n’est pas né de l’esprit de Garm mais bien de Sverd. Et ce projet symphonique est né sur les cendres d’une démo unique et fondamentale intitulée "Slow Death" et issue de son premier groupe : MORTEM. Produit sous l’aile bienveillante de Euronymous en 1989 et dont la cover est dessinée par Dead, Hellhammer y participe déjà derrière les fûts en tant que batteur de session. En s’évaporant rapidement par la suite, Sverd et Hellhammer vont construire peu à peu les débuts de ce qui deviendra ARCTURUS. Passionné par la musique Classique (Bach et Beethoven en tête) et passionné par l’orgue dont il apprend le jeu en se confessant à l'église Bakkehaugen à Oslo, ce qui lui permettra d’obtenir un jeu de clés pour y aller s’y entraîner à loisir, Sverd peaufine son amour des sons synthétiques puissants et grandiloquents toujours nimbés d’une forme mystérieuse que la cosmologie et les sublimes paysages nocturnes ou diurnes de la Norvège apportent à la création en servant de puits d’inspiration.

Il en résultera deux premiers EP, "My Angel" sorti en 1991 puis le plus abouti "Constellation" en 1994 dont vous retrouverez évidemment aussi les titres sur cette réédition exceptionnelle. S’il me fallait vous parler d'ARCTURUS, je vous dirai que ce groupe est essentiel et que son album "Aspera Hiems Symfonia" est une pierre angulaire qui a déposé, avec une efficacité redoutable, les bases expérimentales d’un Black Metal promis à toutes les ouvertures possibles de création. Le travail vocal de Garm est fabuleux, son chant clair sublime et ses vociférations mesurées font exploser les digues d’un courant musical que l’on aimerait croire que belliqueux et frustre. Écoutez l’incroyable "Wintry Grey" véritable odyssée symphonique et dont les variations et les motifs mélodiques clouent tous les diables bas du front, mais aussi la lancinante et exceptionnelle pièce sonore "Whence And Whither Goest The Wind"… Faut-il vous décrire les rêveuses "Raudt Og Svart" et "Naar Kulda Tar" – déjà présentes sur l’EP originel "Constellation" ? Faut-il vous laisser dans les bras des superbes "The Bodkin & The Quietus" et "Fall Of Man" … Trois fois oui, bien entendu.

Cette réédition/remaster de 2002 est un cadeau béni tant ses atmosphères, ses ambiances, ses envolées symphoniques, son line-up prodigieux, son contexte de création, son identité marquée, et son champ des possibles forcent le respect. Ces œuvres intemporelles, initiatrices et initiatiques préfigurent aussi du devenir du groupe qui embrassera avec la même force d’autres expérimentations bien plus flanquées d’éléments avant-gardistes et Électro, au travers de l’accouchement de "La Masquerade Infernale" en 1997, à l'instar un an plus tard du plus Indus "Nexus Polaris" de THE KOVENANT (avec un changement de nom en sus). Pour ma part ce virage m’a fracturé quelque peu le cœur et si j’y reviens de temps à autres, je reste fidèle aux premières émulations d'ARCTURUS, préférant aussi d’autres albums de leurs cousins germains notamment le "Min Tid Skal Komme" de FLEURETY ou les tribulations d’un BEYOND DAWN notamment au travers d’un album fétiche : "Pity Love". On ne se refait pas – peut-être – mais je remercie les vents boréaux de m’avoir ramené les senteurs vespérales et les blizzards mélodiques de manière intacte avec quelques années de retard. Notez cependant que cette version copieuse est parfaitement mixée et permet de dévoiler tout le travail et les détails que les mix originaux cachaient avec les moyens de l’époque. Du génie à l’état brut, magistral et génial et à la fois.