Ne nous voilons pas la face : le label "Folk Metal" est le plus souvent un cache-misère. Au mieux, il sert à qualifier la musique de groupes audacieux, qui construisent des morceaux dont l'intrinsèque nature est issue du folklore ou inspirée par ce dernier (de quel continent que ce soit), pour lesquels la distorsion et la puissance des instruments jouent avant tout le rôle d'exhausteur de goût, de plus-value. Ces morceaux gardent alors une qualité essentielle indépendante de leurs arrangements. Au pire, il désigne tout cet ensemble de groupes porteurs d'une identité Metal indubitable, qui intègrent dans leurs morceaux quelques pistes d'instruments dits traditionnels pour tenter de se démarquer, faire un pas de côté et s'extraire de la masse. Comme le "growl" ou les harmonies de guitares, le Folk Metal devient ainsi une caractéristique d'interprétation, plus qu'une identité artistique.

La différence n'est pas toujours évidente, et il y a du bon dans les deux cas. Prenez SKILTRON et TRIDDANA par exemple. Ces deux groupes argentins (le second est issu d'une scission entre les membres du premier) sont fondées sur des bases solides, dont les piliers sont à chercher du côté de la NWOBHM, du Power Metal ou, pour certains morceaux, d'un Hard Rock plus mélodique. Sur ces fondations, ces groupes greffent des lignes de flûte et de cornemuse, qui jouent souvent le rôle d'accroche mélodique et d'instrument utilisé pour les solos, remplaçant dans ce contexte la guitare. Chez ces deux groupes, le Folk Metal est un habillage plus que le cœur de leur musique. Ces groupes sont-ils pour autant à conspuer ? Certainement pas, pour la bonne et simple raison qu'ils ont commis quelques albums d'une qualité évidente. Du côté de chez TRIDDANA, qui nous occupe aujourd'hui, notons par exemple le premier album, "Ripe For Rebellion", qui est sans doute le plus proche aperçu de ce qu'aurait donné la voix du regretté DIO sur des compositions puissantes orientées Metal celtique.

Le groupe a connu une belle décennie 2010, accouchant d'une poignée d'albums autant inspirés par le Hard que le Heavy, et proposant une belle relecture acoustique de ses meilleurs titres en 2017. Une épidémie désormais bien connue n'ayant pas aidé, le groupe aura eu au final besoin de cinq longues années pour finalement proposer "Breaking From The Fold", un cinquième album dont les contours semblent, de prime abord, similaires aux réalisations précédentes du groupe. À noter que l'annonce de l'arrivée d'un nouveau batteur, en 2023, n'a pas impacté le son de l'album puisque le cogneur Joaquín Franco s'était chargé de l'enregistrement de ses parties avant son départ. Ce cinquième album mêle ainsi avec une efficacité bluffante deux mondes : il y a d'un côté un Heavy énergique et entreprenant, porté par un souhait d'efficacité, à l'image de "Wasted Paradise", sur lequel officie Ralf Scheepers, dont on apprécie la voix ici "au naturel", non systématiquement doublée comme elle peut l'être sur les albums de son groupe PRIMAL FEAR. Ces morceaux les plus directs bénéficient de l'apport quasi systématique de Pablo Allen (également auteur des paroles), qui fait office de réponse sur les lignes de chant ("The Ground Of The Fallen"), soutenant l'interprétation du chanteur Juan José Fornés, dont les capacités techniques limitées sont un des points faibles de l'album. Notons malgré tout que celui qui s'est retrouvé chanteur "par défaut" après le départ de Diego Valdez s'est considérablement amélioré, proposant des lignes vocales empreintes à la fois de puissance et d'émotion sur la ballade "Rising Sun", qui offre au bonhomme ses galons d'interprète de talent.

Parfois remplacée par une flûte plus aérienne ("Fading Days"), la cornemuse, comme un hameçon, ferre l'auditeur et reste la maîtresse de cet album que l'on apprécie également pour sa beauté mélodique. En effet, les textes se font volontairement évasifs, évoquant à grands renforts de métaphores et de strophes coupées au cordeau la faiblesse d'une nature humaine faillible et aveuglée par ses désirs de pouvoir. Ici et là, quelques samples de claviers apportent une "épaisseur" supplémentaire aux morceaux ("Linger On The Bloodline", "The Kind Of Mud And Straw"), qu'une structure similaire nous empêche par ailleurs de savourer pleinement. La présence, en deuxième moitié d'album, de l'adaptation de titres traditionnels ("Julia Delaney / The Gravel Walk", "The Parting Glass" en titre bonus) donne finalement une saveur intéressante à ce "Breaking From The Fold" qui aurait finalement bénéficié d'une plus forte affirmation de l'empreinte celtique que le groupe souhaite apposer sur sa musique.

Il fait bon auprès de TRIDDANA, dont le cinquième album semble constituer une ouverture intéressante, tant en termes de construction pure des morceaux que d'interprétation, plus variée que sur les précédents albums du groupe. Pour autant, il y a ici un sentiment de redite qui fait ombrage à la qualité intrinsèque des morceaux proposés, et c'est malgré lui que l'auditeur voit un sentiment d'ennui le gagner, couplé à une certaine monotonie à l'écoute de morceaux sans grande envergure ("Champion Of The Fools"). Un album qui constitue un pas dans la bonne direction pour le groupe argentin, qui ose se remettre en question, mais qui manque d'une diversité plus affirmée pour s'inscrire dans la durée.