La grande histoire du Metôl est jonchée d’essais acoustiques, hétérogènes au possible. Certains sont entrés à la postérité (NIRVANA, ALICE IN CHAINS), d’autres ont été conspués (KORN), quand certains sont tombés dans les limbes de l’oubli absolu (GODSMACK). Alors quand c’est un groupe français qui se plie à l’exercice, le commun des mortels reste forcément quelque peu sur le qui-vive, suspicieux au moment de glisser la galette sur le mange-disque. Parigot (coco) qui plus est, RED MOURNING revient deux ans après le succulent "Flowers & Feathers" avec cet essai unplugged, qui consiste à revisiter des extraits de leurs quatre premiers albums.

Réinvention complète (certains morceaux ne reprennent que les paroles des pistes originales), les Frenchies se sont creusé les méninges pour transposer leur univers Blues Metal (que j’avais alors qualifié de Southern Metalcore) en mode débranché. Fini les méandres boueuses et noisy, les serpentins de guitares cradingues alliées à l’harmonica faisant part belle aux contrastes du Mississippi et de sa riche histoire, RED MOURNING se présente à nous à poil, la bite à l’air, pour se concentrer sur ses mélodies empruntes d’une sombre mélancolie.

D’emblée, saluons l’effort de ce véritable réarrangement, loin de se limiter à une quelconque redite en manque d’inspiration. L’opus est à considérer comme un effort à part entière. Enregistré en deux temps (cent mouvements) en 2019 puis 2022/2023 - merci l’ami COVID - les premiers essais sont dans un premier temps sorti sous la forme d’un EP, "Unchained" avant de poursuivre l’exercice et de nous concocter ce LP, ma foi assez savoureux.

Les amateurs de chant harmonisé sauront apprécier à sa juste valeur le boulot de JC et de ses acolytes sur "Acoustic". Déjà admirable sur son prédécesseur électrifié, ceux-ci trouvent encore plus de profondeur loin des amplis et autre déflagrations soniques. On perçoit clairement les influences du duo Staley/Cantrell (ALICE IN CHAINS, encore, que ce soit sur "Jar Of Flies" ou sur l’"Unplugged"), et c’est clairement sous ma plume un compliment, et non des moindres. "Splintered Bones" fout clairement la chair de poule (« goosebumps » pour les brits : d’où l’oie remplace-t-elle notre gallinacé fétiche ?). Rien que d’entendre ces doigts glisser le long des cordes ("White Line")… Il n’en faut pas beaucoup plus pour emporter la mise…

RED MOURNING cite aisément le gang de Seattle comme référence vocale, mais va également lorgner du côté de KLONE, Ben HARPER (la reprise de "Make It To The Surface" étant tellement caractéristique de "Welcome To The Cruel World" ou plus encore "Fight For Your Mind", premiers essais du bonhomme), voire OPETH ou même le tant décrié "Unplugged" de KORN (que perso, je le trouve ‘achement bien, mais c’est un autre débat). Peu ou pas de batterie ici, tout est dans les guitares, le chant et la basse. Ou presque…

Aurélien, l’une des forces créatives de la formation francilienne, a bien dû se reconvertir, bon an mal an. Du coup, le gaillard s’est fait plaisir, s’essayant pour le coup à la gratte, au banjo, au cajon, à la clarinette (si, si !) ou au Hang Drum. Multi-instrumentiste, il s’est fait fort de sortir des carcans de l’exercice académique en mode : je-débranche-les-jacks-et-je-vire-le-batteur. Et c’est une franche réussite, avouons-le. Allez tiens, jette donc une oreille à la pépite "One Step Away", cher lecteur, et dis-moi donc ce que tu en penses. Si cette chanson ne te procure aucun sentiment, tu es sans doute fan de I PREVAIL, je ne peux donc plus rien pour toi.

Le combo nous livre ici dix tracks limpides, sincères, nouantes sans se montrer chiantes pour autant. Si certains avaient pu émettre des réserves quant au mix de "Flowers & Feathers", le dénuement dont il est ici fait preuve ne manquera pas de les satisfaire. Pour ceux qui suivent déjà RED MOURNING, ils redécouvriront le groupe sous un nouveau jour, des compositions réinventées avec application et à propos. Pour les autres, il s’agit là d’une porte d’entrée élégante dans l’univers d’un combo tellement sous-coté, pour peu que l’on se donne la peine d’y porter une attention réelle, à l’opposé de la consommation McDo des standards actuels.

Après, à titre personnel, j’avoue toutefois regretter quelque peu l’habituel contraste entre la puissance de feu et la délicatesse, qui fait à mon sens une partie du charme des Parisiens. Ce côté Sludgy et poisseux qui vient heurter la sensibilité des mélodies, l’intégrité en bandoulière. Ce sel me manque quelque peu, je dois le reconnaître, dans un univers unidimensionnel, si précieux soit-il. Après, il convient de reconnaître que l’on ne s’emmerde jamais tout au long de l’écoute d’"Acoustic", RED MOURNING ayant l’élégance de glisser ici et là de petites accélérations, intercalant moultes instruments sur les ponts et « soli » (si j’ose m’exprimer ainsi).

Nous parlons donc au final ici d’une fort belle pièce de musique, qui séduira les amateurs de son qui sent le bayou, le sud des US et tout son attirail, dans son plus simple apparat. On y retrouve par moment l’esprit d’un "Book Of Shadows" de l’ami Zakk WYLDE, ultime berserker au cœur tendre s’il en est. La sensibilité alliée à une sincère profondeur, vecteur d’émotions pour peu que l’on se laisse prendre par la main de JC et ses potes. Bien joué, les mecs !

Note réelle : 3,5/5.