Le vent souffle et il se fait tard mon ombre, seras-tu de retour avant la nuit ? Pourquoi ne rentres-tu pas ce soir ? Qu’as-tu donc à vouloir rester aux alentours toutes les nuits sans jamais me retrouver ? Ta témérité te perdra et nous emportera tous deux… M’aurais-tu déjà quitté à jamais ? Te souviens-tu de tout ce que nous avons partagé ? Penses-tu encore à ce que nous sommes devenus ? Fais-moi un signe, appelle-moi ? Je viendrai te retrouver…

Sais-tu que longtemps et fréquemment je me suis souvent amusé à marcher dans tes pas ? Et je t’ai aussi surpris à le faire toi aussi, et cela m’a déboussolé et interrogé. Je t’ai vu verser des larmes de fierté quant à mon tour je grandissais mais je ne savais pas que c’était de la joie. Pourquoi ne rentres-tu pas cette nuit ? Je me sens tout à coup seul et orphelin, et le sol se dérobe sous mes pas, et je vois le vide, un gouffre qui se creuse. Est-ce ta lumière que je ne verrai plus ? Qu’as-tu donc à hanter ces lieux sans jamais y être présent ? Entends-tu tour à tour et toujours nos éclats de voix, nos rires, nos mots qui s’agitent et se sont agités derrière ces murs ? Où sont passés donc ces voyelles, ces consonnes, ces syllabes et le son de ta voix, et l’odeur de ta présence ?

Perçois-tu la chaleur corporelle de nos souvenirs communs en ces lieux ? Dis-moi mon ombre pourquoi ne passes-tu plus cette porte ? Dis-le moi je t’en supplie ! Il ne se passe pas un moment où j’espère te retrouver et te resserrer tout contre moi. De sentir enfin cet apaisement et cette harmonie que nous avions tous deux. Dehors paraît-il le ciel est bleu mais je n’y vois déjà plus rien. Je perds le fil, je perds l'esprit et des nuages noirs trônent dans mon cœur et dans mes pensées. Ton absence m’embarrasse et m’irrite parfois et cela me fait mal d’être ainsi. J’aimerais tant que tu me redonnes ta main, que tu me recueilles dans tes bras et que je perçoive tout le vivant qui nous unit. Tu es mon ombre Papa, je suis de toi, je suis toi Papa, ne me déchire plus je t’en prie !

J’ai écrit pour toi cet album pour dompter mon manque de toi, dissiper ma confusion et sécher ma tristesse qui n’en finissait pas d’être remplie de torrents de larmes. J’y ai mis des orgues, des violons lancinants pour convier la souffrance à se sublimer, à devenir volatile et disparaître. Écoute "I Can See You When I Dream" ou "Every Day, A Funeral", tu percevras toujours le croisement de nos regards, l’humilité de nos yeux, et peut-être sentiras-tu mes cauchemars qui te rejoignent. Aide-moi Papa ! Entends-tu ces notes d’une guitare acoustique et de mon chant clair qui tirent un fil vers toi ("Just Say Goodbye"). Aussi loin que tu habites ce ciel ou peut-être cette étoile, j’hallucine ta présence. Ce fil de notes et d’amour s’accroche à toi, me rapproche de toi et me ramène à toi.

Mais Papa je sais que tu vas revenir à la maison. Oui par le sang et la vie, un bout de toi va emplir l’atmosphère, le rêve, et l’avenir ! J’attends un fils Papa. Tu vas rentrer à la maison, et je lui raconterai à mon tour tes histoires, tes mots et ta vie. Je marcherai à mon tour dans ses pas, et la nuit parfois nous grimperons sur ce fil et irons te retrouver, même après la Mort.

P.S : Sergio González Catalán réussit un album resplendissant d’un Doom teinté de Death Atmosphérique, "Every Day, A Funeral" a été écrit en pleine période de douleur suite au décès brutal de son père. Lumineusement varié notamment au travers de très beaux leads comme sur le superbe titre "It’s The End", ou le concours du piano, du violon et de la guitare acoustique, l’album reste très sombre. Le growl de Sergio est dense et toujours aussi intensément poignant. C’est un album qui « parlera » à tous ceux qui ont été traversés par un deuil difficile. Il n’est pas toujours aisé d’attraper au vol les émotions et de les traduire en musique mais RISE TO THE SKY sait le faire avec beaucoup d’humilité. Dans la discographie féconde de Sergio, cet opus est flamboyant certes de tristesse mais il magnifie ces sentiments difficiles en les amenant à se parer d’une beauté mélodique qui vous suspendra à mi-chemin dans la rêverie et le vertige. Somptueux !