En frottant mes prunelles, qu’avais-je donc aperçu en cette fin de novembre ? Et bien un nouvel PANOPTICON pardi ! Friand de ce one-man band grandement prolifique, voilà que je me mis à construire un affût dans une de ces forêts imaginaires et perdues des hommes pour ressentir pleinement le travail d’Austin Lunn. Originaire du Tennessee, PANOPTICON s’est toujours entiché à conter les légendes de ces lieux, en y joignant des éléments folkloriques notamment au travers de l’héritage musical de ces contrées et de la musique dite "Old Time des Appalaches". Ainsi Austin agrémente parfois ces compositions d’instruments que l’on pourrait qualifier de traditionnels, tels que le dulcimer, le violon Hardanger ou plus communément le banjo.

Mû de considération fortement imprégnée d’écologie, PANOPTICON développe un Black Metal qui se veut aussi être un plaidoyer pour la destruction du monde existant afin qu’un autre, plus équitable, plus enclin à composer et à se soumettre à la Nature, puisse prendre place et exister. PANOPTICON a toujours répondu présent, à l’instar d’un AGALLOCH ou d’un WOLVES IN THE THRONE ROOM pour distiller dans son Black Metal une dimension politique à son message. La particularité d’Austin Lunn se revêt aussi dans sa propension à écrire des paroles très poétiques qui donnent de l’esprit aux composantes de la Nature qui l’inspirent. Son écriture admirable est donc tour à tour engagée et profonde de sens et vaut le coup d’œil d’une lecture attentive.

PANOPTICON dans sa discographie fourmillante nous avait délivré des albums d’un Black Metal Atmosphérique palpitant entremêlé de riffs aériens, teintés de Folk tels que les bien nommées et non moins fameux "Autumn Eternal", Kentucky" ou bien "Roads Of North" et d’autres sorties moins singulières et plus convenues ; je pense notamment aux albums et EP post "Autumn Eternal" pour faire court. Mais ce "The Rime Of Memory" nous ramène aux albums géniaux de Austin Lunn. Et ce dernier n’est pas allé avec le dos de la cuillère, ce nouvel album concentre ni plus ni moins que la bagatelle de 75 minutes de musique en six petits morceaux, dont une intro. Les pièces musicales, puisqu’il est de bon ton de les présenter ainsi, sont dotées de montées vertigineuses que des riffs souverains et saisissants portent. À l’instar de l’incroyable "Enduring The Snow Draught" qui nous transporte sous l’écorce des arbres, diffracte la lumière et sature nos canaux émotionnels. Par l’intermédiaire de riffs envahissants, habités de mélodies prodigieuses qui saisissent le cœur et empoignent l’esprit à vagabonder, aux incursions majestueuses d’un violon, PANOPTICON nous emboite le pas pour nous accompagner à marcher jusqu’à perdre haleine dans une nature tout à la fois accueillante et dévorante.

Nul écueil dans cet album, les titres sont certes d’une belle longueur, comptez plutôt au-delà des dix minutes, mais ils nous enjoignent à nous laisser aller aux emportements mélodiques et à perdre le fil du temps. C’est ainsi que je détermine si un album est promptement digne d’intérêt et s’il est suffisant. Ainsi si je perds le fil et que j’en oublie même la rigueur d’une écoute, je comprends que ce qui me perd intrinsèquement justement n’est rien d’autre qu’un accordage déraisonné de la musique avec mon âme. "Winter’s Ghost" n’a jamais aussi bien porté son nom, son début Folk où un banjo, un violon et une guitare acoustique s’entrelacent et font jaillir des spectres dansants. Sur ce lac gelé où les corneilles croassent et où les bouleaux se disputent leur place aux côtés des épineux, voilà que se ressent enfin un soleil d’hiver. Observer la Nature en ayant ce morceau dans les oreilles est une expérience en soi. Le Black Metal Atmosphérique de PANOPTICON nous fait reconsidérer notre vulnérabilité d’être. Je pourrais vous parler brièvement aussi de ce final magistral qu’est "The Blue Against The White". Incroyablement épique et poignant, après une longue introduction éthérée d’un chant clair produit par Johan Nilsson, le titre s’agrippe autour d’envolées Black Metal du plus bel effet. À mon sens, cette track est absolument enivrante et coiffe au poteau d’une courte tête "Enduring The Snow Draught".

Notons le nombre conséquent de musiciens de session qui ont œuvré sur ce disque, tant au niveau instrumental que choral. Austin Lunn s’acoquine donc de multiples talents (nombre de chanteurs/chanteuses ont posé leurs voix ou ont porté des chœurs sur certains titres, le violon, le piano sont aussi assurés par d’autres musiciens). PANOPTICON signe son grand retour selon moi, la production autrefois un peu brouillonne, sans doute voulue, mais que j’affectionnais moyennement, sur cet album est davantage claire et puissante. Un très bon point donc. Ce "The Rime Of Memory" est copieux, dense mais tombe à point nommé pour occuper quelques-unes de vos soirées hivernales, quelques-unes peut-être de vos randonnées perdues aux confins de notre belle Nature. Perdez-vous mais revenez tout de même. Un album fort en émotions !

"The messages screaming to those who will never hear this... " (*).

(*) Paroles tirées du titre "The Blue Against The White".