CYHRA c’est un peu comme pour certaines de nos plus emblématiques équipes de Foutch’bôl au niveau national : On associe de forte personnalités aux talents éprouvés et aux parcours glorieux, on injecte des sommes indécentes dans les salaires, les productions de shows démesurés grand angle, les maillots profilés qui brillent la nuit sans oublier la Com’ et les chouettes lunettes super-classes des sponsors… en espérant que cette jolie réunion fasse des bulles ! Et c’est vrai que sur le papier, ça claque méchamment. Mais comme le découvrent régulièrement certains managers du ballon rond, il en faut souvent plus pour que la mayonnaise ne prenne : un esprit collectif, des galères, des douleurs communes et surtout des réparations… bref la vie des vrais gens qu’ont pas le melon quoi !

Sans pour autant faire de raccourcis trop réducteurs, c’est vrai qu’elle fait rêver la team de chez CYHRA ! Un micro fermement tenu par la voix délicieusement éraillée et très flexible d’un Jake E s’étant exfiltré d’AMARANTHE, une (ex-)guitare jouissivement aiguisée associée à un sens de la compo indéniable projetés par l’incontournable Jesper Strömblad déboulant quant à lui d’une petite formation insignifiante comme IN FLAMES, sans oublier les baguettes ainsi que la double grosse caisse virevoltantes du tentaculaire Alex Landenburg à peine sortit d’un Luca Turilli's RHAPSODY et en phase de recrutement chez les grands frères de KAMELOT… Ajoutons à cela une petite pincée de Euge Valovirta (SHINING) pour la guitare ainsi que la basse et du nouvellement titularisé Marcus Sunesson (The CROWN) à la seconde guitare et l’on obtient une belle brochette d’étoiles, ce qui laisse entrevoir le meilleur ! Les Suédois forment ainsi une équipe métallique aux talents éprouvés… Quels moyens mettent-ils en œuvre pour parvenir à leurs fins ?

Ben là, c’est pareil mon Bon Seigneur ! Chez CYHRA, on ne roule pas à l’économie ni à l’audio-responsable : gros son, grosse prod, mur de guitares et batterie ultra-dynamique montée sur tourelle rotative… c’est d’ailleurs le Magicien métallique nordique Jacob Hansen qui concocte pour les Suédois un de ses fameux mastering powero-boosté dont il a le secret… côté puissance et arrangement aux petits oignons, c’est clair qu’on en a pour son argent !

Autre particularité de ce super groupe qui ne s’affiche d’ailleurs plus aujourd’hui comme tel (que voulez-vous, le temps passe et fixe les choses ma bonne dame !) : un Metal richement cuivré, téléguidé pour atteindre l’efficacité et dont les riffs tapageurs comme les mélodies clairement consensuelles ne dissimulent rien des ambitions musico-populistes affichées par CYHRA. Pour la faire courte, et sans pour autant sombrer dans le Pop Rock barbe-à-papa, les Suédois souhaitent ratisser très large en matière d’auditoire et ne s’en sont nullement cachés, ceci dès les débuts. Avec sa pelleté de titres profilés comme des torpilles, "Letters To Myself", le premier-né de ce drôle de combo, paraissait en 2017 et assénait ses tubes en puissance à un public qui ne (re)demandait que ça. CYHRA remet les couverts deux ans plus tard avec un "No Halos In Hell" plus ambivalent mais également plus travaillé, permettant d’associer un Metal toujours catchy à de sympathiques arabesques instrumentales produites par des musiciens chevronnés à qui on lâche (enfin) la bride ! Le gang mené par le couple Jake E / Strömblad confirme ainsi ne pas être la formation d’un jour et s’installe tranquillement dans le paysage Prog’ mélodique grand public du nord de l’Europe.

Il nous faut donc attendre ce bel été 2023 pour que CYHRA repointe le bout de son nez avec ce chapitre 3 ambitieusement titré "The Vertigo Trigger" (le déclencheur de vertige !)… Alors, voyons-voir, si les Suédois, dont le line-up a été un tantinet remanié (l’ami Jesper lâchant sa guitare mais restant associé à la composition) afin de savoir s'ils me filent des chatouilles aux tripes !

Côté gros son en mode turbo-power vitaminé garantissant un emmerdement maximum du voisinage en mode libéré, le cahier des charges CYHRAnéen est scrupuleusement respecté : l’oreille droite collée sur les amplis guitares alors que la gauche se promène entre les fûts d’un Alex Landenburg au meilleur de sa forme, on peut tranquillement se laisser agripper par la voix piquante de Jake E ponctuellement bordée par des chœurs virils de bon aloi (on est sur un webzine dédié au Metal tout de même !).
"The Vertigo Trigger" se veut, à l’image de ses prédécesseurs, taillé pour la compétition et offre à ce titre une véritable surenchère de lignes rythmiques comme de mélodies visant clairement le consensus et l’efficacité : gimmicks tueurs, variations adroites, sens avéré de la nuance, refrains accrocheurs et soli guitares mordants… On est ici baigné par un Metal à la rage savamment dosée, ou sagement bourrin c’est selon, qui ne mettra pas en transe les furieux du headbanging transpirant mais qui ne se privera pas de déflorer les gentils moussaillons qui migrent du Pop Rock propret.

CYHRA joue d’ailleurs sur cette ambivalence pour s’aventurer sur des mélanges audacieux entre quelques effets électro-popisants et de grosses rythmiques bien velues qui viennent ponctuellement secouer fortement un titre… sans doute pour tenir ce grand écart naturel au vu des publics ciblés. On appréciera… ou pas !

Dès l’ouverture de "The Vertigo Trigger" le gang suédois lance la grosse artillerie avec un "Ready To Rumble" bien rentre-dedans et dont le côté téléguidé n’empêche en rien de taper du pied ; entrée en matière immédiatement suivie du simple mais néanmoins efficace "Let’s Have My Story Told" au refrain tant rapide que pêchu.
Et même si l’on ne retrouve pas sur cet opus de véritables hymnes métalliques (à l’image d’un "Here To Save You", brûlot scénique en puissance pondu sur le chapitre 1), CYHRA distribue quand même quelques belles gifles qui remettent les pendules à l’heure quant au savoir-faire de ses musiciens ! Qu’il s’agisse du soutenu et puissant "If I" dont le solo guitare tourbillonnant illumine le morceau, de l’enjôleur "Ashlight" aux mélodies obsédantes comme à la rythmique ébouriffante (sans parler des pointes que l’ami Jake E nous sert dans les aigus !) ou encore du très aiguisé "Life Is A Hurricane" sur lequel il faut de nouveau rendre hommage à la dextérité d’un Euge Valovirta qui nous lâche un solo technique et vrombissant.

Sûr de ses acquis, le combo déroule et enchaîne ses salves de missiles qui s’égrainent ainsi en mode automatique sur des formats globalement courts (entre 3’11 et 4’43)… On n’est pas là pour lire de la poésie j’vous dis ! C’est d’ailleurs dans cette succession raffalante de pistes quelques peu modélisées que réside selon moi la principale faiblesse d’un "The Vertigo Trigger" qui, même s'il remplit consciencieusement son cahier des charges de bolide consensuel semble manquer un chouïa de profondeur et d’inspiration en termes de composition. À l’image de titres comme le surprenant "Live A Little" où le refrain légèrement tartignole côtoie des effets Électro-Pop et qui finit par voir débouler une rythmique à décrocher le luminaire ou du très minimaliste "1.000.000 Fahrenheit" sans oublier la petite baladounette "The Voice You Need To Hear" restant sagement calée sur des rails désespérément classiques, CYHRA semble ici fournir le minimum syndical afin de tenir la distance sur un album de quarante minutes pour onze pistes… et je ne parlerai pas de l’insipide "Too Old For Fairy Tales" qui clôture péniblement ce cru 2023 au bord de l’essoufflement… Aïe ! J’en ai parlé !

"The Vertigo Trigger", même sous des aspects séduisants et armé d’une indéniable bonne volonté traduite par une musique soignée, ne s’inscrira pas selon moi dans les annales du Temple du Metal. Les Suédois poursuivent néanmoins leur bonhomme de chemin sur un modèle qui semble avoir atteint ses propres limites : faut-il continuer ainsi sans tomber dans sa propre caricature ? Réponse (possible) au prochain épisode !

Prisonnier de ce rêve étrange dans lequel j’habite le corps d’un indien Mohawk "monteur d’acier" dont la légende assure qu’ils ignorent le vertige, je me tiens en équilibre précaire sur une des poutrelles du bâtiment en construction et qui frôle les nuages… J’inscris un bienveillant 3/5 sur le parpaing poreux pour ce "The Vertigo Trigger" certes très écoutable mais qui ne m’a pas fait ressentir les chatouillis tant espérés.

- pour la pêche endiablée :"If I",
- pour les belles mélodies :"Ashlight",
- c’est pas grave si t’en parles pas à tes petits-enfants la veille de Noël :"Too Old For Fairy Tales".