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2021 Frontal
 

- Style : Myrath, Psycrence, Need, Shattered Skies
- Style + Membre : Ostura

TURBULENCE - Frontal (2021)
Par HAPLO le 24 Août 2022          Consultée 1390 fois

Sans être un fana assumé du principe du voyage dans le temps ou d’une impression de déjà vu cinématiquement popularisée par les passages d’un chat noir matriciel, ma première écoute sérieuse du "Frontal" pondu en mars 2021 par les illustres inconnus composant TURBULENCE, tout en me replongeant dans les affres d’un remord piquant d’avoir sûrement loupé une jolie sélection, m’a également (ré)asséné une gifle tant magistrale que bruyante!

Cette scène de référence s’était alors déroulée une grosse année précédente pour un autre combo tout aussi talentueux (*) mais dont les symptômes comme les effets furent identiques : un sombre album d’un groupe qu’on ne connaît absolument pas, qu’on écoute quelques minutes d’une oreille plus que distraite, qu’on trouve potable, qu’on range consciencieusement dans sa to-do list avant de se remettre à besogner sa dernière Kro en cours de rédaction… Bref, la folle vie d’un chroniqueur faisant tout pour conserver son rythme effréné de parution et éviter ainsi les flagellations abrasives du Grand Maître du Metal, notre grand Boss à tous chez NIME...

Oui mais voilà ! Quand on déterre ce machin près d’un an après en ayant tout oublié ou presque des qualités entraperçues, et alors qu’on est encore dans sa tête sur sa dernière Kro pour laquelle on a gracieusement accordé un 2/5 royal pour une musique tristement laborieuse et difficilement digeste, on coiffe le casque audio, on lance le bouzin sans prendre garde aux roulettes de sa chaise de bureau : et bim ! Un Metal absolu, audacieux, immersif, tutoyant le virtuose tant dans ses lignes mélodiques que dans l’intelligence de ses enchaînements, qui te met un bel attawashi retourné-fouetté et envoie ta jolie caboche de métalleux obtus rebondir sur les étagères de la bibliothèque qui sont pourtant loin derrière l’ordinateur mais que tu atteins en un temps record (et voui, grâce aux roulettes !).

- Stop. On lance le replay : qui sont ces martiens et comment en suis-je arrivé là ? -

TURBULENCE, c’est d’abord le rêve éveillé de deux musiciens libanais, le guitariste Alain Ibrahim et son confrère claviériste Mood Yassin, qui depuis 2013 ambitionnent de monter une formation de Metal Prog’ mélodico-technique digne de ce noms au Pays du Cèdre, terre qui compte par ailleurs de nombreuses qualités, mais n’est cependant pas réputée pour être le berceau de moult groupes mythiques dans ce courant. Après avoir rendu un vibrant hommage à leur principale source d’inspiration au travers de plusieurs sessions "Dream Theater Night" les ayant fait connaître auprès du public libanais, nos loustics s’accoquinent avec la voix basse mais puissante d’un Omar El Hajj avec lequel ils se lancent dans l’aventure d’un premier album : "Disequilibrium" paraît ainsi en 2015 et recueille des critiques globalement favorables même si l’origine géographique quelque peu exotique de cette belle pièce de Prog’ fait qu’elle passe malheureusement sous de trop nombreux écrans radars !

Loin de se décourager, le trio se renforce avec l’arrivée d’un socle basse-batterie définitif et se lance dans la compo-rédaction de l’opus qui consacrera ce line-up enfin complet… La "rédaction" de quoi donc mon cher Haplo ? Ben c’est que dans la plus pure tradition de l’œuvre Prog’ conceptuelle, nos amis de TURBULENCE ne vont pas se contenter de jouer de la (bonne) musique mais vont également imaginer et dessiner une toile de fond narrative que celle-ci vient sublimer. Une histoire troublante, tordue à loisir, qui nous fait rentrer au sens propre comme au figuré dans le crâne du sieur Phineas Gage, humble employé des chemins de fers US du 19ème siècle dont la vie va basculer lors d’un accident au cours duquel une barre d’acier d’un diamètre de 4 cm (!) va venir perforer son lob frontal gauche. Ayant miraculeusement survécu à ce traumatisme sans aucune autre incapacité que la perte de son œil correspondant, l’intéressé va néanmoins changer radicalement de personnalité, devenant par la même un cas d’école pour tout neurologue qui se respecte. TURBULENCE se propose ainsi d’explorer l’émergence de cette nouvelle persona et de ce qu’elle implique pour Gage comme pour ses proches… Quel papillon sortira de cette nouvelle chrysalide ? C’est ce que nous conte "Frontal"...

Cette mue est en outre illustrée par une musique riche, aux ambiances épaisses à ravir, où des lignes rythmiques perforantes et diablement travaillées se succèdent à une fréquence ensorcelante. Ces variations multiples sont littéralement tractées par une base guitare-basse-batterie soudée et ultra véloce qui, quand elle n’enchaîne pas les ruptures et autres transitions cascadantes, flirte avec talent dans les bras d’un Djent puissant et surtout décomplexé à en faire pâlir les leaders du genre (TESSERACT, SHATTERED SKIES...) !

Irréprochables tant sur leur maîtrise instrumentale individuelle que sur leur capacité à se synchroniser collectivement sur des séquences de haute voltige, les musiciens de TURBULENCE y intègrent également un désir avéré de la recherche mélodique couplé à un art consommé du sens de la nuance. Loin de constituer un gros pavé massif balancé sans prévenir à la tête de l’auditeur, les huit torpilles armant "Frontal" se veulent chacune une pièce unique du puzzle, et alternent intelligemment des riffs ciselés en béton armé, des mélodies accrocheuses devenant obsessionnelles, des passages reluquant clairement vers l’Atmo ou encore des enchaînements zigzago-délirants digne d’un KANSAS des grandes heures. TURBULENCE brûle, vit, bouillonne, progresse… et nous invite à cet effrayant voyage intérieur !

Des huit (longs et beaux) chapitres qui narrent cette histoire douce-amère, je retiendrais principalement le sublime et très nerveux "Madness Unforeseen" dont la ligne rythmique principale ultra-tabassante et 'Djentique' à souhait n’exclut pas pour autant un solo guitare glissant sur une séquence calme et planante ; mais également le long et délicieux crescendo constitué par l’audacieux "Crowbar Case" qui, du haut de ses dix minutes filant si vite, propulse l’auditeur sur un bridge puissant où la voix délicieusement éraillée d’un Omar El Hajj habité porte une mélodie à fendiller des murs pour aboutir sur un solo guitare tant rapide qu’acrobatique, sans parler de cette fin orchestrée en apothéose… ou encore le riche et très compact "Ignite" dont les breaks successifs n’arrivent pas à faire oublier la ligne mélodique résolument accrocheuse d’un refrain embelli par ses chœurs. Même la sempiternelle balade "Faceless Man" ne parvient pas a être tartouille ou ennuyeuse ; son ambiance profonde et poignante la rendant terriblement attachante… TURBULENCE imprime ici son rythme et mène la danse.

Qu’ajouter d’autre après ces quelques lignes dithyrambiques issues d’une rencontre brutale avec l’une des étagères de ma bibliothèque ? Peut-être un hommage discret mais indispensable au guitariste-fondateur Alain Ibrahim pour son art consommé à décocher des soli dont la qualité, les mélodies, la hargne accrocheuse ainsi que la technique pourraient en inspirer plus d’un en plus de coller parfaitement avec le passage du titre dans lequel ils s’intègrent… Du grand art me semble-t-il, car plus basé sur le feeling et la musicalité que sur la seule technicité ou rapidité d’exécution.

Avec ce "Frontal" résolument ambitieux mais surtout très convaincant, TURBULENCE réalise selon moi un très insolent pied de nez à tous les poids lourds du circuit (parfois un chouia plan plan !) qui peuvent être tentés de jouer de la musique comme on valide son titre de transport pour aller au taff le matin. Album inspiré, talentueux et classieux pondu par un combo complètement inconnu venu d’une région improbable, "Frontal" surprend avec sa musique vivante, rendue passionnante par sa variété aiguisée et ses ambiances envoûtantes. Hautement recommandable donc.

M’étant nuitamment introduit dans le musée national de la psychiatrie et des neurosciences au sein duquel j’ai rapidement repéré l’une des rares photographies d’époque du sieur Phineas Gage posant à côté de sa maudite barre de fer longue d’un mètre et pesant près de six kilos, j’y inscris un 5/5 amplement mérité pour l’art déployé par TURBULENCE sur "Frontal" afin de nous faire partager si talentueusement ce destin de miraculé pourtant si tragique.

- pour finir KO en bavant sur le canapé : "Madness Unforeseen",
- pour l’art du crescendo clouté : "Crowbar Case",
- pour continuer à se faire plaisir : le reste de l’album !

(*) MANDROID ECHOSTAR "Citadels" (2013).

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   HAPLO

 
  N/A



- Omar El Hajj (voix)
- Alain Ibrahim (guitare, voix additionnelles)
- Mood Yassin (claviers)
- Anthony Atwe (basse, chant additionnel)
- Chris Barber (batterie)


1. Inside The Gage
2. Madness Unforeseen
3. Dreamless
4. Ignite
5. A Place I Go To Hide
6. Crowbar Case
7. Faceless Man
8. Perpetuity



             



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