Deux ans semblent être une durée assez normale entre deux disques pour un groupe. Il s’agit de le défendre sur scène, de faire en sorte qu’il vive, avant de lui donner un successeur. Bien entendu, plus on est « gros », plus l’écart en années est conséquent, si l’on se penche par exemple sur METALLICA, dont les tournées sont de véritables défis physiques à l’âge que les musiciens ont. Pour CRYPTA, la durée semble la bonne et cela coïncide en plus avec la sortie du nouveau NERVOSA, afin de pouvoir prendre le meilleur sur son ex employeuse et à présent concurrente, ou pas. Car oui, pour rappel, CRYPTA s’est formé autour de la section rythmique de NERVOSA, qui était en total désaccord avec Prika Amaral.

Mais tout n’est pas un long fleuve tranquille également du côté de CRYPTA puisque Sonia Anubis est déjà partie, remplacée par Jessica Di Falchi, qui avait joué au sein de BURN INCORPORATED alors qu’elle n’avait que 14 ans. Elle en a aujourd’hui 23. Et la transition se fait plutôt en douceur, le groupe n’a pas changé du tout au tout, il continue à pratiquer un Death Metal bien old school, aux marqueurs bien définis, allant de la pochette avec le logo bien taillé à la serpe, l’illustration un peu étrange, ni vraiment effrayante mais pas rassurante non plus, qui semble toucher la religion ou quelle autre organisation secrète qui ne vous veut pas forcément du bien, aux trames musicales validées par des décennies de pratiques aux quatre coins du globe (comme dirait un platiste repenti).

Et là, au menu, on nous accueille avec treize plats, dont trois sont des instrumentaux. D’ailleurs "The Aftermath" qui ouvre le bal nous fait nous demander pendant quelques secondes s’il s’agit bien d’un disque de Death Metal avec ce grand piano qui livre une mélodie bien tristounette. Bon, "Dark Clouds" vient vite nous rappeler que oui, mais cette introduction fonctionne très bien, elle éveille la curiosité. Après cela, nous sommes partis pour une bonne cinquantaine de minutes de dégustations de baffes dans la tronche. Dans le genre, ça peut rapidement paraître long, 50 minutes. Demandez à Glen Benton ce qu’il en pense. Mais heureusement, même s’il y a des choses qui se ressemblent çà et là, il y a des petites trouvailles accrocheuses qui nous permettent d’être toujours à l’affût.

Ici, les filles ne se dispersent pas trop. Elles évoluent principalement dans des mid tempos qui se complaisent dans des ralentissements aux allures de reptation. Il y a bien quelques pointes de vitesse de temps en temps, mais c’est avant tout initiée par la batterie qui s’emballe d’un coup, derrière le riffing ne donne pas l’impression de suivre la même progression. Cela nous offre un album lourd, pesant, mais pas indigeste pour autant. On se laisse facilement surprendre par quelques breaks incongrus, comme cette guitare classique qui vient s’illustrer sur "Dark Clouds" avant que le groupe nous mette sa branlée bien comme il faut.

Mais ce qui est appréciable, c’est le travail effectué sur certains morceaux pour leur apporter plus de corps, souvent à grands renforts de mélodies bien amenées comme sur "Lullaby For The Forsaken", certainement l’un des points pivot de ce disque. Cela commence doucement, la montée en puissance est brève mais efficace et la formation tient bien la cadence jusqu’au refrain qui possède une espèce de doublage en voix typées Black. Cela fonctionne très bien et il ne s’agit pas que d’un moment isolé. On appréciera dans le même ordre d’idée un "Stronghold" ou encore un "Lord Of Ruins" pas dénué d’intérêt.

Fernanda Lira sait apparemment ce qu’elle veut pour son groupe et elle s’en sort très bien. Son jeu de basse n’est pas des plus spectaculaires, il apporte le ronronnement bestial dont le genre à besoin mais sans briller pour autant, mais son chant fonctionne très bien. Elle a un growl assez simple, caverneux juste ce qu’il faut ; on arrive assez facilement à deviner un timbre de voix féminine (d’autant plus simple quand on sait ce que l’on écoute ; en blind test, peut-être que cela interloquerait un peu plus). Mais surtout, elle a su faire évoluer sa musique. Elle ne reste pas statique, à reproduire ce qu’elle avait très bien fait sur "Echoes Of The Soul", elle tente de nouvelles choses. Pas tout le temps, mais par petites touches bien visibles malgré tout.

Ce qui fait que ce "Shades Of Sorrow" ressemble plus ou moins à un album charnière, le cul coincé entre deux chaises, entre des morceaux qui pourraient être des chutes de studio du premier opus tant nous sommes proches dans le style et vers ces morceaux plus ambitieux, souvent plus longs, qui marquent d’avantage les esprits et que l’on aurait aimé au final en plus grand nombre. Nous restons dans du haut niveau dans un genre où tout semble pourtant avoir été dit depuis un long moment et où la même formule semble être reprise encore et encore.

En tout cas, les Brésiliennes continuent de marquer des points. Certains diront qu’un groupe de femmes dans le Death rend plus indulgent à leur égard, surtout à notre époque, mais il convient de reconnaître qu’il y a un talent d’écriture et d’interprétation au sein de CRYPTA et qu’elles pourraient très bien devenir un nom important du renouveau du Death Metal à l’ancienne, le genre ayant toujours de nombreux adeptes, souvent nostalgiques. Je suis prêt à prendre les paris pour elles. Nous en reparlons dans deux ans ?

Note réelle : 3,5/5.