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Frank CARTER & THE RATTLESNAKES - End Of Suffering (2019)
Par KOL le 8 Décembre 2022          Consultée 1568 fois

Suivre l’évolution musicale de Frank CARTER & THE RATTLESNAKES, c’est finalement aussi banal que l’histoire de la vie d’un homme. Dans son cheminement, avec ses hauts et ses bas, le rouquin tatoué n’est finalement pas plus singulier que chaque être qui peuple cette planète vacillante. Des débuts tout feu tout flamme, hors de contrôle, avec son frangin Steph au sein de GALLOWS, en mode Hardcore 100% certified, jusqu’au quarantenaire qu’il est sur le point de devenir. Les épreuves de l’existence nous affectent tous différemment, mais elles ont sans doute une incidence plus forte sur certaines personnalités, et plus particulièrement sur celles qui versent aisément dans l’excessivité outrancière.

En quittant son groupe d’ado énervés et ses excès inhérents, Frank rencontre Sarah, artiste comme lui et ont ensemble une petite fille. En parallèle, il lance avec son acolyte Deano Richardson un projet bien à lui, accompagné donc d’une bande de serpents à sonnettes. Bien évidemment, la musique du combo s’aligne progressivement avec le temps qui passe, perdant de son mordant et de son agressivité au fur et à mesure des sorties, sans nécessairement baisser en qualité. Mais en 2018, patatras ! Tout son joli petit monde ainsi que sa nouvelle vie de cadre centriste s’écroulent : le couple divorce brutalement et l’homme s’effondre, frappé par la dépression. C’est dans ce contexte que le groupe sort en 2019 "End Of Suffering", son troisième essai.

Pourquoi toute cette longue introduction ? Tout simplement parce que l’opus est habité par les épreuves traversées par son leader. "Why A Butterfly Can’t Love A Spider", la première chanson, donne le ton d’emblée. Lente, processive, lourde, l’état mental du frontman est exposé, mis en musique d’une manière plus sombre que jamais. Frank ne va pas bien. Et ce qui aurait pu s’exprimer par un retour vers ses racines Punk/Hardcore s’en éloigne on ne peut plus loin. Frank CARTER se dévoile totalement tout au long de ces 46 minutes, à poil, sans fausse pudeur, accompagné par une musique qui trouverait difficilement par elle-même une place sur NIME. Amateurs d’extrême exclusivement, vous pouvez quitter cette chronique dès à présent.

Pour les autres, et notamment les anglophones, je ne saurais que vous conseiller de prendre le temps de découvrir un disque merveilleux, gorgé d’émotions et de sincérité. Il est rare qu’un artiste étale autant ses faiblesses, un peu comme STROMAE a pu le faire il y a peu. La dépression est une maladie mentale et en l’exposant de la sorte, Frank s’évite peut-être une fin à la Chris Cornell (SOUNDGARDEN) ou à la Chester Bennington (LINKIN PARK), pour ne citer qu’eux.

Bien sûr quelques petites traces d’énergie, voire de colère, resurgissent parfois de ci de là, comme sur "Crowbar", systématiquement portées par une basse qui retrouve un groove donnant envie d’aller coller des coups de tatane dans les portes ("It's a trap, there's no comfort fitting in, a fake safety that no one believes in, and if it goes against who you think you are, it's the death of happiness, go and get the crowbar"). Va chercher le pied de biche, mec, et colle leur dans la tronche ! Ces passages font du bien, tant dans la dynamique de l’enchainement de l’album que pour illustrer qu’il subsiste une petite chance que CARTER ne se fasse pas sauter le caisson, comme malheureusement d’autres avant lui.

Mais ce qui prédomine, c’est clairement la tristesse, la mélancolie, comme sur "Love Games" ("Love is a losing game, so why do we play it again and again and again") ou "Anxiety", sans doute le plus beau titre de la galette. Les émotions procurées sont assez indescriptibles, mais il y a une positivité qui émerge des abîmes qui touchera particulièrement tous ceux qui auront eu à traverser de telles épreuves. Conscient de son état, il pousse chacun à se battre, à parler aux autres, à se soigner. Je n’ai pas de mot suffisamment fort pour décrire le sentiment qui me traverse à chaque écoute du morceau. "Angel Wings", autre highlight, fait directement replonger l’ambiance dans les affres de l’existence, de ses rechutes et chimères addictives, hanté par une basse distordue et lourde, sur laquelle viennent se poser les mots ("And fall back down, on angel wings, on feathers made of diamond rings, and dragons made of oxygen and Prochlorperazine, 20 milligrams is all I need").

La prestation de Carter est saisissante de bout en bout, modulant sa voix en accord absolu avec ses textes. Sa progression depuis GALLOWS est tout simplement incroyable. Portée par une production qui fait évidemment part belle au chanteur, mais également aux ambiances, les guitares sont clairement en retrait, le plus souvent à blanc, au mieux crunchy.

"End Of Suffering" n’est pas parfait, loin de là, mais en réalité, personne ne l’est. Certaines pistes sont légèrement moins inspirées que d’autres, Tom Morello vient poser un solo chelou dont il a le secret sur "Tyrant Lizard King" (certains aimeront, d’autres -comme moi- trouveront cela déplacé), mais au final on s’en fout un peu, ce n’est pas le propos ici. Cette mise à nu de la dépression n’est pas plombante, elle est touchante. Le groove permanent des musiciens, sous-jacent mais constant, propose un contraste étonnant mais bienvenu, qui rend l’écoute de la galette hautement recommandable.

Trois ans après sa sortie, "EOS" continue de me retourner et de me botter le cul comme peu d’albums l’ont fait ces dernières années. Alors certes, ce n’est plus du Hardcore, ni du Punk, encore moins du Metal, mais c’est juste un putain de disque, une bande-son 100% honnête de moments où l’on se laisse submerger par la vie et ses difficultés. Et pour lesquels on ne trouve pas d’issue.

Take care, Frank.

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- Frank Carter (chant)
- Dean Richardson (guitare)
- Gareth Grover (batterie)
- Tom 'tank' Barclay (basse)


1. Why A Butterfly Can't Love A Spider
2. Tyrant Lizard King' (featuring Tom Morello)
3. Heartbreaker
4. Crowbar
5. Love Games
6. Anxiety
7. Angel Wings
8. Supervillain
9. Latex Dreams
10. Kitty Sucker
11. Little Devil
12. End Of Suffering
13. Bleed



             



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