SPHERIC UNIVERSE EXPERIENCE, ça vous dit quelque chose ? Non, on ne parle pas du prochain galactico-blockbuster dans lequel New York est la scène d’une énième invasion d’aliens ronds comme des ballons de gymnastique ni du dernier jeu à la mode massivement online de conquêtes stratégico-spatiales généreusement sponsorisé par nos plateformes de gaming préférées !

Car derrière cette appellation arrondie empruntée à la langue de Shakespeare, se dissimule un combo de Metal Prog’ 100 % hexagonal originaire de Nice et ayant fait très justement parler de lui (en bien !) depuis sa création autour de 2002-2003. D’ailleurs, les adjectifs élogieux se bousculent même pour décrire un brillant début de carrière pour ces talentueux sudistes parvenant à concilier une indiscutable virtuosité instrumentale de haut niveau avec des mélodies délicieusement accrocheuses sans oublier une énergie primale dont certaines séquences pourraient faire passer les grands mentors de DREAM THEATER pour un sympathique groupe de Funk. Bref, des musicos doués et inspirés qui affichent une belle envie d’en découdre !

Oui, mais voilà môssieur, on est en France, et même quand on est bon, on aime râler, pinailler et trouver des trucs à redire : SPHERIC UNIVERSE EXPERIENCE ne fera pas exception. De fait, qu’il s’agisse de la belle surprise du premier-né ("Mental Torments" en 2005), de l’heureuse confirmation ayant suivi ("Anima" en 2007) ou du plus agressif "Unreal" (2009) et surtout du dernier opus en date "The New Eve" (2012), ce qu’il convient de désigner comme une jolie pépite nationale de Metal Prog’ s’est trop souvent vu affubler d’une belle mais lourde étiquette de "DT-like" et n’est malheureusement jamais parvenu à bénéficier d’une couverture médiatique nationale digne de ce nom (ben voui, parler des hémorroïdes d’un Mike Portnoy, ça fait plus cliquer sur les bannières coco !)… Ce qui n’a jamais empêché le trio des fondateurs (Vince Benaim -guitare-, Fred Colombo -claviers- et John Drai à la basse) de se constituer une belle base de fans à la fois conquis par ce mélange technico-mélodico-rythmé tout auréolé de ses flammes tant abrasives que hargneuses.

Ces mêmes fans sans doute quelque peu désappointés par le virage stylistique enclenché en 2012 par un "The New Eve" aux compositions globalement plus linéaires par lesquelles SPHERIC UNIVERSE EXPERIENCE en pleine mutation rangeait au placard sa sophistication et ses arabesques instrumentales congénitales au profit d’une efficacité simplificatrice, le rapprochant ainsi dangereusement de la zone du commun des (groupes) mortels… et au risque de perdre du monde au passage. Un changement de cap suivi de dix longues années de silence créatif (si l’on ne tient pas compte du court "Live In London 2016" paru en 2017) mais aboutissant enfin sur le très attendu "Back Home" dont l’atterrissage s’est effectué le 20 mai 2022 sur notre planète métallique… Quelle est donc la créature émergeant du vaisseau spatial SUE5-2469 ? Alien musclé et vitrificateur ou Gozillo-monstre en combinaison latex mal taillée ?

Avis aux populations terriennes incrédules : avec ce cru 2022, SPHERIC UNIVERSE EXPERIENCE frappe fort, tant dans la forme que dans le fond !

- une forme d’abord matérialisée par une bien belle pochette reprenant les éléments-clé constituant l’odyssée spatiale de naufragés cherchant la planète des origines et servant de toile fond à près de 70 minutes de musique répartie sur les treize titres armant "Back Home"… Les Niçois, dont le line-up a été partiellement renouvelé, mettent ainsi les petits plats dans les grands pour combler ce lustre de silence… Même si ce retour officialise le départ du bassiste historique Mister John Drai, talentueusement remplacé, il faut le souligner, par un Julien Negro (ANTHROPIA) en excellente forme.
Toujours au niveau des détails qui font la différence, ce cinquième opus studio des sudistes offre un mix de qualité, élément ô combien déterminant pour le courant métallique qui nous intéresse ici, avec un bel équilibre entre les instruments (j’applaudis à l’écoute de ces jolies lignes de basse !) et porté par un grain très dynamique servant la belle énergie mise en œuvre tout au long de l’opus… Forme soignée et ambitieuse donc.

- sur le fond, SPHERIC UNIVERSE EXPERIENCE aligne sa musique en symbiose totale avec le titre de cet album : Oublié le détour stylistique opéré au travers d’un "The New Eve" interrogatif et décrié, le combo retourne très clairement à ses racines musicales en revenant sans détour au style qui a caractérisé ses débuts et fait son succès : un Metal Progressif technique et hargneux, aux sonorités épiques trépidantes, posé sur une virtuosité riffée dont l’aisance trompeuse laisse toute sa place à une grande musicalité couplée à une énergie indiscutable ! L’ami Franck Garcia vient ainsi poser sa voix claire et aiguisée sur des lignes rythmiques ciselées au tempo globalement endiablé, s’appropriant des mélodies volontaires et accrocheuses, le tout servi par une mise en place collective remarquable. Investissant clairement dans la rapidité d’exécution comme dans la puissance qui se dégage de chaque morceau, SPHERIC UNIVERSE EXPERIENCE ne néglige pas pour autant les variations et autres ruptures stylistiques par lesquelles sa musique respire et gagne ainsi en variété : piano seul venant conclure un bridge instrumental acrobatique, harmoniques et slap basse, chœurs féminins aux relents orientaux, plages claviers progressives et fédératrices, orchestrations louchant méchamment vers le Metal Sympho… Nos petits surdoués du Prog’ hexagonal sont avides d’expériences et les intègrent très harmonieusement à une musique déjà survitaminée par nature…

Essoufflé par les multiples péripéties vécues par ces survivants interstellaires dans leur voyage pour retrouver Gaia (la Terre !), sans oublier les quatre instrumentaux venant agréablement aérer cet ensemble somme toute assez massif, l’auditeur se laisse immanquablement prendre au jeu de cette musique que sa puissance structurée et ses mélodies catchy rendent captivante. Ce fut mon cas !
Dans ce courant de vent solaire, j’ai plus particulièrement apprécié la constellation formée par le rapide et décapsulant "Final Fate" où le chant clairement offensif d’un Franck Garcia en grande forme vient se frotter aux différentes lignes rythmiques qui se succèdent et sont boostées par un refrain diablement entraînant, par le riche et varié "Transcending Real Life" aux chœurs orientalisant ouvrant sur un bridge brillant et ultra-accrocheur comme on aimerait en entendre plus souvent ou encore le magnifique (long) titre de clôture "Dreams Will Survive" dont l’intelligence de composition ajoutée à l’adresse des jeux respectifs fait qu’il frôle selon moi la perfection… et dont le refrain n’est pas sans rappeler la mélodie du titre d’ouverture. La boucle est bouclée, même si la fin de l’histoire n’était pas celle à laquelle on pouvait s’attendre !
Petite mention spéciale également pour ces titres qui s’enchaînent "The Absolution pt.1" et pt.2, le premier sous forme d’intro symphonique projetant sur une seconde partie aux arrangements joliment épiques où les variations du bridge comme le solo guitare diablement acrobatiques laissent rêveurs…

Bref, même si avec ce "Back Home" profilé comme une torpille SPHERIC UNIVERSE EXPERIENCE ne réinvente pas le genre, les Niçois indiquent ici clairement qu’ils sont de nouveau méchamment présents sur la scène nationale et qu’il prennent le mors aux dents ! avis à ceux qui les avaient peut-être enterrés un peu vite ! Seule et unique petite réserve qu’en tant que Maître Pinailleur de première classe je me permettrai d’exprimer sur ce retour en fanfare : Un curseur globalement réglé un chouïa trop haut en matière d’intensité, de vitesse et d’énergie déversée simultanément dans les oreilles d’un vieux progueux fatigué après dix années de silence spatial… Mais quand même foutrement content de vous réécouter enfin les gars !

Seul aux commandes du SUE5-2469, je m’apprête à faire entrer le vaisseau dans la haute atmosphère terrestre. Tant d’années ont passé ! Le frottement de l’air provoque un vacarme de tous les diables accompagné d’une chaleur brûlante que la coque seule n’arrive pas à absorber… Dans la courte prière que j’adresse aux Dieux du Metal Prog’, je n’omets pas de citer le 4/5 très mérité que j’attribue à "Back Home" pour cette belle musique et ce beau voyage… Bienvenue à la maison les SPHERIC UNIVERSE EXPERIENCE !

- pour l’ouverture jouissivement tapageuse après une longue absence : "Final Fate",
- pour de si beaux arrangements et le bridge en or: "Transcending Real Life",
- pour tout ce qu’on aime dans le Prog’ : "Dreams Will Survive".