Est-il besoin de le rappeler ici, Ô frère lecteur, les voies NIMiEnnes sont décidément impénétrables ! À peine déniaisé par les Augustes Figures de Proue de l’équipe éditoriale, on m’indiquait alors dans un dernier râle qu’en tant que Kroniqueur titulaire je pouvais dès lors péter et roter à table sans aucune retenue et surtout être libre de mes avis comme de mes choix : l’unique ligne rouge au franchissement de laquelle je finirai crucifié la tête en bas à une porte de grange étant d’aller braconner dans les Saintes Discographies déjà tenues par les Nobles Anciens… Le pêcher ultime en quelque sorte !

Je m’élançais donc le plus loin possible des Divines Chasses Gardées en lançant moult grappins sur des combos complètement inconnus de Dieu et des hommes, vérifiant méticuleusement pour chacun d’entre eux si je ne risquais pas d’encourir la Géhenne NIMiEnne pour oser avoir montré ma face boutonneuse et baveuse devant le pur soleil métallique des Aînés Primordiaux !
C’est lors de cette quête frénétique aux formations anonymes, mais potentiellement populaires, que je tombais sur les Suédois de TRAIL OF MURDER et leur rejeton de 2012 pour lequel l’IA maison chargée des recoupements de résa me donnait son feu vert jovial et libérateur. J’enfouissais alors cet album au plus profond du tronc creux chargé de dissimuler toutes mes précieuses noisettes… puis repartais en chasse… Pour ne le ressortir que cinq longues années plus tard tout en m’exclamant benoîtement "Mais qu’est-ce que peut bien être ce truc ?" Et en ayant tout oublié de ce qui avait alors justifié mon choix… Putain, c’est moche de vieillir !

Ce "truc" n’est autre que le projet solo du (très) talentueux vocaliste suédois Urban Breed, accompagné pour l’occasion du non moins aiguisé guitariste Daniel Olsson sans oublier le troisième pied du tabouret sans lequel tu te croûtes sans gloire, à savoir le percutant Pelle Åkerlind derrière les fûts. En outre, je découvrais avec ma naïve incrédulité que ces trois quidams couvraient à eux seuls une bonne partie de la scène Power Métallique suédoise des années 2005-2010 : En rupture de ban d’avec TAD MOROSE/BLOODBOUND et pas encore recruté par SERIOUS BLACK pour le premier, également TAD MOROSE pour le second puis MORGANA LEFAY pour le troisième couteau… ces combos étant déjà respectivement marqués au fer rouge par les commentaires NIMiEns éclairés, voire passionnés, d’un Fredouille, d’un Jeff Kanji ou encore d’un Gegers… La porte de grange se rapprochait dangereusement !

Fort de mon bon droit, je m’empressais de consulter les archives de captures de frappes que me transmettent mes petits mouchards discrètement installés sur les ordis des Kroniqueurs concernés : Rien, nada, que dalle sur cette formation ni sur ce "Shades Of Art" paru en octobre 2012… Vas-y, fonce haplo, car c’est un bien joli cadeau que te font les Dieux du Metal avec cet opus !
Car loin d’être un ramassis de manchots inexpérimentés ou des vedettes blasées s’étant fait tordre le poignet par leur label pour jouer ensemble afin de provoquer une dernière rentrée financière, nos trois larrons vont non seulement faire briller leurs talents respectifs mais aussi savoir les emboîter astucieusement au travers de compos intelligentes et surtout d’une redoutable efficacité. La pépite n’est pas très loin…

Au centre du cercle, Urban Breed se positionne logiquement comme la figure de proue emblématique de ce beau galion: Doté d’un organe vocal ultra-performant qu’il manie de manière accomplie, et qui lui permet de passer sans broncher d’une tonalité basse et rocailleuse à un pic lumineux dans les aiguës ("Lady Don't Answer"), le frontman y allie un coffre qui en essoufflerait plus d’un ("Mab") comme d’une capacité expressive sachant invariablement toucher nos émotions. Les couplets sont puissants, les ponts invitent au décollage vers des refrains épiques à la mémorisation immédiate… Breed is the Boss !

Afin d’équilibrer ce festival vocal, Daniel Olsson sort le grand jeu avec des parties guitares ultra-offensives à la fois nerveuses et percutantes. Privilégiant les lignes rythmiques à deux voix ciselées à souhait (une base pure rythmique et une partie lead en mode dentelle), Olson maîtrise parfaitement son sujet en y intercalant avec feeling des riffs démonte-pneu comme des soli de l’espace délicieusement techniques mais sachant rester harmonieux. Sil y a bien une chose à retenir de ce "Shades Of Art" c’est que la voix et les guitares s’y partagent brillamment la tête d’affiche !

Mais du coup, que reste t’il donc à l’ami Pelle Åkerlind après ce déferlement un tantinet tapageur ? Loin de se rétrécir au point qu’on l’oublie, cet instrumentiste expérimenté s’intègre parfaitement dans un socle rythmique particulièrement véloce comme dans les ligne martelantes d’Olson, allant jusqu’à agrémenter son jeu par des variations et des jeux de toms colorés ("Your Silence").
Rajoutons à cela une production et des arrangements aux petits oignons (Jonas Kjellgren s’il vous plaît !), des compos clairement destinées à faire de chaque titre un hymne en puissance, des mélodies et des gimmicks résolument accrocheurs… et on ne sera pas loin du sans-fautes !

Je t’invite ainsi, Ô lecteur exigeant, à courir te délecter au puissant et torsadé "Your Silence" où les prestations inspirées de nos trois loustics nordiques ne sont pas sans me replonger dans une perfection ainsi qu’une esthétique dignes d’un QUEENSRŸCHE de la grande époque ! La matière et l’art de la mettre en musique font de se titre une petite perle de Prog’.
Tu pourras également étancher toute ta soif à l’écoute de l’ambitieux et riche "Mab", sur lequel l’ami Breed tisse une toile vocale proprement magnifique… Et si il te reste encore quelques forces, d’aller t’échouer sur l’accrocheur et puissant "The Song You Never Sang" mené au pas de charge, tant sur son refrain ample porté par des chœurs qu’au travers du solo bien barré décoché par un Daniel Olsson en forme olympique !

Je pourrai d’ailleurs poursuivre cette litanie élogieuse sur le restes des douze pièces que ce "Shades Of Art" si méconnu trimballe en soute, tout amateur de Power Prog’ mélodique pris aux sources des illustres combos cités plus haut devrait y retrouver ses petits !
TRAIL OF MURDER qui, à l’issue de l’enregistrement de cet opus, se verra renforcer par messieurs Hasse Eismar (seconde guitare) et Johan Bergquist (basse) ne subsistera malheureusement pas très longtemps avec cette dream team aux manettes : Attiré par les sirènes d’un SERIOUS BLACK alors en phase de recrutement pour concocter son "As Daylight Breaks" (2015), Urban Breed sera remplacé par la chanteuse Nina Söderquist qui, si elle n’a pas à rougir de ses capacités vocales, n’arrivera jamais à égaler ce frontman aux capacités hors normes sur des titres conçus initialement pour lui. Le combo se produit encore ponctuellement sur scène mais sans qu’aucun chapitre 2 ne soit annoncé à date.

Aussi, si il ne se caractérise pas par son originalité décapante, "Shades Of Art" impressionne tant par son niveau de composition que par sa qualité d’interprétation habilement répartis sur 52mn qui passent toutes seules. À découvrir d’urgence pour les fans de folklore métallique suédois et autres progueux en goguette !

Après trois jours d’interrogatoire musclé (avé la lampe dans les yeux) mené par les membres les plus vicieux de la rédaction (ah… ce T-Ray avec son immonde combinaison en latex !), me voila ligoté à une porte de grange avec vue sur les belles prairies métalliques… Ils ne m’ont pas mis la tête en bas car j’ai fait (re)découvrir cette jolie noisette aux lecteurs de NIME mais par contre le 4/5 est moins bien passé ! Oui, Haplo le pinailleur a encore frappé.

- pour la méchante baffe : "Your Silence",
- pour l’immersion et la voix : "Mab",
- pour continuer à se faire plaisir : Le reste de l’album !