Il était une fois un être noir-charbon créé par erreur dans un laboratoire top secret, accompagné de ses apôtres, les Shadows. Peuplant les bas-fonds de la cité ruche, un Gotham City bis, ils luttent contre les forces du pouvoir en place, The Great Eyes, aux mains de milices paramilitaires. Leur but : faire exploser la planète en organisant une énorme rave dans un monde postapocalyptique. Voilà le pitch de base de l’univers issu du cerveau torturé d’Étienne Bianchi, aka le SHAÂRGHOT. Conçu comme une histoire en plusieurs volets, le projet anarcho-futuriste sort ici son second album, "The Advent Of Shadows", narrant la remontée progressive vers la surface de forces trop longtemps enfouies.

Qui dit Cyber Punk dit souvent Indus, ou Electro Metal, et c’est évidemment ici le cas ici. Ce qui est assez fascinant avec SHAÂRGHOT, c’est la cohérence entre le concept, les aspects visuels hyper travaillés, et la musique proposée. En ce qui concerne l’imagerie, il suffit de jeter un œil aux clips pour saisir, malgré l’absence de moyens, à quel point la tête pensante de la formation pousse le vice. On a vraiment l’impression de regarder une série B décadente, un peu à la façon du sous-coté "Dobermann" de Jan Kounen. Les clips de "Z // B", initialement sorti sur Pornhub en version non censurée pour cause de présence de Mère Dragon, et de "Break Your Body" sont aboutis et servent l’histoire que nous content Bianchi et ses comparses, Clem-X, Brun’o et Olivier. Ces éléments sont loin d’être un artifice anecdotique et participent à l’unicité de l’univers, que le groupe sait parfaitement retranscrire en live, dans un décor rouillé, intégrant des personnages supplémentaires, comme une sorte de Gimp en latex tout droit sortie de "Pulp Fiction", ou de succubes montées sur échasses et portant fièrement la faux.

Musicalement, SHAÂRGHOT propose une musique industrielle assez marquée électro, proche des premiers tubes de RAMMSTEIN, "Feuer Frei!" particulièrement, ou des Français de PUNISH YOURSELF, sans le fluo. La voix est évidemment passée au travers de moultes filtres sonores, offrant un rendu correct, proche de ce bon vieux Rob ZOMBIE, même s’il ne s’agit pas de l’intérêt principal se dégageant de ce "The Advent Of Shadows". Les guitares sont suffisamment saignantes pour émerger du mix, ce qui permet d’équilibrer l’ensemble, très porté par les sons synthétiques. Contrairement aux visuels qui peuvent parfois donner sembler cheap du fait d’un budget restreint, la production est plus que solide et sert parfaitement l’atmosphère de fin du monde souhaitée par le créateur, que l’on retrouve tout au long du disque. Du très bon boulot, donc, pour une galette auto-produite.

En ce qui concerne les titres, on saura gré à SHAÂRGHOT de nous offrir suffisamment de titres rapides et fédérateurs, et même un tube assez imparable, "Break Your Body" qui emporte tout sur son passage et fait remuer le popotin. Mention spéciale également à "Black Wave" et son rythme tribal, qui ouvre le bal après une courte introduction, et nous met véritablement dans l’ambiance de cette bamboche de l’âge des ténèbres. "Z // B" figure également parmi les highlights de l’album sans aucun doute, apportant un groove plus lancinant et quasi-hypnotique. L’outro "Shadows" ponctue parfaitement cet opus, qui à défaut de se montrer original, sait être efficace.

On reprochera en revanche une durée excessive de près d’une heure, compte-tenu de titres parfaitement dispensables. Un petit tri dans les quatorze morceaux proposés ("Into The Deep", "Kill Your God" et "Regrets", on parle notamment de vous !) aurait sans aucun doute permis d’élaguer ce LP sans affaiblir sa portée. Le combo aurait ainsi gagné en substance afin d’éviter un effet de lassitude qui commence à gagner l’auditeur aux 2/3 de l’écoute. Trop généreux ou pas assez sélectif, c’est dommage, mais c’est une erreur (trop) souvent commise.

Reste que de voir cette ambition un brin mégalo se matérialiser, que ce soit au travers des vidéos, des prestations scéniques ou de la musique, est particulièrement impressionnant pour un petit groupe français, et mérite le respect qui lui est dû. Rien que pour cela, chapeau (melon) !