En préambule à cette chronique, il me semble essentiel de vous préciser, chers lecteurs, une certaine forme de méconnaissance de l’exhaustivité de l'œuvre de PARADISE LOST, du fait d’une incompréhension quant aux chemin parcourus par le combo d’Halifax. J’ai pour tout vous dire eu des aventures épisodiques, en fonction des albums et des époques, ainsi que des étapes de ma vie. Je leur voue un sincère respect, clairement, mais j’ai été bien incapable de les accompagner sur la durée, leurs évolutions ne correspondant pas systématiquement à mes envies ou à mes attentes du moment. Il faut dire que les bougres sont durs à suivre, ayant exploré au cours de leur riche et longue carrière des styles aussi variés que le Death, le Doom, la Pop, le Gothique, ou encore des sons plus synthétiques. Si la triplette "Icon", "Draconian Times", "One Second", tous parus en seulement 4 ans (1993-1997) constitue pour la plupart leur apogée, je leur reconnais volontiers un regain de forme récent sur "Medusa" ou "Obsidian", mais il y a réellement beaucoup de choses intéressantes lorsque l’on plonge dans leur discographie.

Alors, vous pourriez vous demander le pourquoi du comment de cette bien longue introduction à leur sujet, mais je vous sais perspicaces au possible, chers lecteurs. Les plus malins d’entre vous aurez noté que le groupe dont il est ici question, porte le même nom que le septième LP de PARADISE LOST. Coïncidence, je ne crois pas, puisqu’HOST n’est rien d’autre que le side-project de Greg Mackintosh et Nick Holmes, principales forces créatrices des légendes anglaises. Et la décision de nommer leur nouveau projet en hommage à cet opus est tout sauf un hasard. Car "Host" a été une œuvre unique et controversée dans l’histoire d’Ol’ Nick et sa bande. Imaginez, après les trois pièces maîtresses citées plus haut, PARADISE LOST ose partir dans une direction puisée dans la new wave des années 1980. Conspués à l’époque par l’intelligentsia metalleuse ("two words combined that can’t make sense", comme dirait l’ami Mustaine ?), les Anglais étaient revenus à des sons plus convenus assez rapidement.

Mais le ver était dans le fruit, et Holmes et Mackintosh n’ont jamais totalement oublié cette période et sans doute une forme de frustration qui a découlé de cette réception plus que fraîche reçue par leur bébé, une prise de risque maximale perçue en son temps comme de la haute trahison. Près de 25 ans plus tard, ils remettent donc le couvert, et ne le font pas à moitié, ayant simplement choisi de le faire sous une identité nouvelle plutôt que de réutiliser le patronyme PARADISE LOST, qui retrouve ces derniers temps une partie de la lumière qui l’avait fui pendant une bonne décennie.

"IX" reprend peu ou prou les choses où "Host" les avait laissées, distillant un Electro-Rock (j’ose à peine utiliser le mot Metal en l’occurrence), croisant les sons de DEPECHE MODE ou de JOY DIVISION avec l’univers de PARADISE LOST, sans pour autant verser dans la synthwave comme ce qu’ULVER a pu réaliser (avec réussite également) sur ses deux derniers essais en date. Il est même plus sobre que le disque de 1999, qui expérimentait plus. Cette cuvée 2023 en concentre l’essence, mais ne s’éparpille pas, l’un des défauts que l’on pouvait trouver à son prédécesseur.

Alors en effet, il ne faut pas chercher des gros riffs, des growls ou des blast beats. Pour profiter d’Holmes dans cette configuration, mieux vaut se coller un bon vieux BLOODBATH. La batterie et les guitares sont toutefois présentes, mais elles passent généralement en second plan, bien derrière les arrangements électroniques, se mêlant le plus souvent tellement aux claviers qu’il en devient difficile d’identifier l’un de l’autre. La priorité du duo est clairement de magnifier les atmosphères et les mélodies du chant, créant un tout absolument envoutant pour qui se laissera porter au-delà de ses éventuels préjugés. Le travail sur les harmonies est superbe, et la mélancolie qui se dégage de la voix de Nick Holmes va droit au cœur.

Les influences fortement Cold Wave, qui pourront paraître ringardes chez certains, constituent indubitablement la source principale de cette expérimentation musicale qui y intègre donc la quintessence de l’identité gothique de PARADISE LOST, pour livrer neuf pistes d’une classe folle, garantie sans temps faible ni faute de goût. L’écriture est sublime, et l’approche n’est pas sans m’évoquer le duo formé par Trent Reznor et Atticus Ross (NINE INCH NAILS), même si le résultat n’a rien à voir. Alors oui, ce n’est pas intrinsèquement du Metal, mais ce n’est pas pour autant que son esprit est absent de "IX", véritable révélation de ce début d’année en ce qui me concerne, même si j’imagine qu’il divisera sans doute une partie de nos fidèles NIMiens. Si ça, ce n’est pas la meilleure raison pour tenter l’aventure, je ne m’y connais pas.

Pour reprendre Satyr (SATYRICON) qui commentait "Satyricon & Munch" en expliquant que le Black Metal était plus une âme ou un esprit que des codes musicaux et que son disque classique qui accompagnait l’exposition dédiée au peintre Edvard Munch à Oslo relevait bien du Black, "IX" est totalement habité par les aspects les plus sombres et moroses de PARADISE LOST. Il est tout à fait impossible de le nier, et s’il vous faut une preuve, jetez donc une oreille à "Tomorrow’s Sky", l'un des joyaux d'un album qui risque fort de me suivre pendant quelques années.

Note réelle : 4,5/5.