"La Trilogie des Vents" est terminée. "L'Esprit des Vents", qui la conclut, a tout balayé sur son passage : les craintes, les doutes, les attentes, fortes après le superbe "La Cité des Vents", pour s'imposer comme le meilleur album d'AORLHAC et l'une des plus belles, l'une des plus puissantes, l'une des plus solides œuvres de Black Metal enfantées ces dernières années par la scène française. Et le diable sait combien celle-ci est féconde et florissante en la matière. Après une telle tempête, les terres sur lesquelles le groupe cantalou a bâti sa légende pouvaient difficilement voir pousser arbre plus majestueux. Aussi, AORLHAC est-il revenu à la base. Aux racines. Au sous-sol noir et riche de son Auvergne natale.

"Pierres Brûlées", son quatrième longue-durée, est une sorte de retour aux fondamentaux. C'est le chant de la terre qu'AORLHAC pousse sur cet album. De sa terre. Il n'y a d'ailleurs que cela sur ce disque, ou presque. Seuls "Les Vésanies d'Aymerigot Marchès", éminemment Black Metal, et "La Guerre Des Esclops" sont là pour rappeler combien le quartette du Cantal est un as de la chronique historique locale, capable de sublimer la trajectoire de personnages régionaux méconnus ou d'événements tragiques. Peut-être pas aussi évocateurs que ne le furent "Mornac, L'Enfant Perdu" ou "La Révolte Des Tuchins" sur "L'Esprit Des Vents", ces deux titres parviennent pourtant à immerger l'auditeur dans le torrent de l'Histoire populaire auvergnate.

Ailleurs, AORLHAC glorifie Chaîne des Puys et Monts du Cantal. Plaine de Limagne et murailles de Saint-Flour. Hameaux montagnards épars et flancs de Peyre-Arse. Son terroir, en somme. Et à l'exception du très Folk et acoustique "Averses Sur Peyre-Arse", il le fait en s'appuyant sur le terroir Metal qui nourrit son Black depuis toujours. Avec même plus de vigueur qu'autrefois. Le mid-tempo sur lequel sont bâtis "Nos Hameaux Désespérés" est propice à l'expression d'un accrocheur riff Heavy, voire Rock, qui pourrait seoir à pas mal de de formations beaucoup moins extrêmes. Un Heavy que l'on retrouve influençant le solo final de "Pierres Brûlées", ainsi qu'une bonne partie de "Nos Âmes Aux Mornes Idées", assez épique dans son exécution.

Les racines Metal old school d'AORLHAC se font également entendre de façon différente, plus violente, sur "La Guerre Des Esclops", qui recèle en son cœur des élans proto-Black qui doivent beaucoup au CELTIC FROST des débuts et à l'éternelle influence de BATHORY, bien qu'ils s'effacent rapidement derrière un ressac Black Metal assez violent, apaisé par un final alangui très Heavy, où affleure une ligne de basse étonnamment câline. Cette furia proto-Black s'exprime également à travers la puissance guerrière de "Vingt Sièges, Cent Assauts". Toutefois, l'ensemble de ces influences se fondent parfaitement dans le style AORLHAC, toujours empreint de mélodies aux couleurs folkloriques, auxquelles contribue désormais Wÿnter Ärvn à la deuxième guitare.

L'on aurait toutefois pu attendre du second gratteux, pourtant expert dans la Dark Folk acoustique aux forts relents Black sous son projet éponyme, qu'il tempère quelque peu le feu de la musique d'AORLHAC. Mais à part le nostalgique "Averses sur Peyre-Arse", il n'en est rien : le combo auvergnat reste extrêmement abrasif, même lorsqu'il délaisse le vent et retourne à la terre. Ce retour aux racines, renforcé par les mesures de confinement de l'année 2020 qui a vu naître son contenu, fait cependant de "Pierres Brûlées" un disque moins poli et plus inégal que ne l'était "L'Esprit Des Vents". Il est plus brut. Ce qui n'est pas un mal en soi et peut aussi davantage convaincre une partie des amateurs de Black Metal et du groupe.

Ce qui me convainc moins, en revanche, est le déséquilibre entre les deux premiers tiers de l'album et le troisième, après la respiration "Averses sur Peyre-Arse". Certes, "Les Vésanies d'Aymerigot Marchès" et "La Guerre Des Esclops" sont de bons morceaux, avec une sauvagerie marquée par rapport aux tout premiers morceaux du disque. Leurs riffs impriment moins la mémoire et c'est plus pour leur virulence – en particulier celle des vocaux croisés de Spellbound et Wÿnter Ärvn sur "Les Vésanies d'Aymerigot Marchès" – qu'on les retient. L'éponyme "Pierres Brûlées", qui clôt l'ouvrage, est incontestablement le titre le plus faible du disque et sonne comme un écho à "La Colère du Volcan". Simple, vif et direct comme celui-ci, il n'en est pas moins inférieur et laisse l'auditeur moins époustouflé que ne le laissait "L'Esprit Des Vents". À l'image de l'album dans son ensemble.