Cataclysme écologique en vue, pangolins en rut, monde masqué, réserves de PQ pillées par des meutes de sous-mongoliens en fin de race, médias giclant de concert dans leur petit monde abscons, élites politiques corrompues et avilies par la fièvre du Capital, masse abrutie par le consumérisme et farce démocratique aux relents de nivellement par le bas : rien ne suffit, l'humanité reste clouée là comme un cancéreux qui refuse de dépasser le stade terminal. Il faut pourtant veiller, comme le dirait Evola, le long de cette longue nuit, et attendre l'aurore. Dans ce magma pestilentiel de fin des temps, l'Occident poursuit sa ruine. Le travail de la déconstruction, Derrida gangréné par le puritanisme des Yankees, est en marche. Il ne restera bientôt plus rien pour nous rattacher à un semblant de fierté, de panache, de nez, dirait Cyrano ! Dans cette attente pénible qui voit se succéder les archétypes de carnaval, le Black Metal saisit à nouveau la fièvre de l'époque. Mouvement partagé entre révolution et contre-révolution, il aspire à la Tradition autant qu'à la Déconstruction. En ce sens, le dernier PLEBEIAN GRANDSTAND est un représentant hallucinant de cette dernière idole. Serait-ce à dire que le nihilisme ne pouvait qu'enfanter le déconstructivisme ? PLEBEIAN GRANDSTAND a toujours pratiqué un Black Metal intransigeant, en quête de la noirceur la plus totale, de l'implacable blast sur des guitares rugissantes, surfant sur une abîme aussi profonde que la déchéance du XXIème siècle. Il était dès lors prédisposé à pousser l'exploration du vice, et "Rien Ne Suffit" est son infernal rapport en direct live de la cellule de Michel Foucault dans les ténèbres.

Il vous faut tout d'abord faire le deuil relatif de la structure. Adieu les morceaux pris à part, "Rien Ne Suffit" s'explore comme une longue piste horrifiante, plongée sans retour dans un cauchemar d'enfance, exploration brutale du HLM d'Alexis Corbière et Raquel Garrido. Oui, c'est violent. Oui, c'est sombre. Pastichons Mélenchon: Le Black Metal, c'est eux! Un Black Metal qui danse à corps perdus avec l'Indus, au milieu des ruines d'une humanité à la dérive. Soyons clairs: la moitié de "Rien Ne Suffit" est une expérimentation Indus extrême, tendue entre la fièvre apocalyptique de GODFLESH et la virulence sans lendemain de DEATH GRIPS. En résulte un essai fondamentalement audacieux, empli de moments géniaux, comme "Nous en sommes là", Spoken Word antimoderne sur fond de machines électroniques abrutissantes. Et c'est bien cet adjectif qui pourrait décrire ce nouveau PLEBEIAN GRANDSTAND. Cela n'empêche en rien "terrifiant" et "infernal" de venir squatter le podium, bien au contraire, mais l'abrutissement correspond à un album dont le discours semble bien n'être qu'un crachat pesteux au visage d'une époque elle-même abrutie. Dans un élan purement meta, PLEBEIAN GRANDSTAND utilise les artifices du temps contre lui. La machine avilissante de son Indus dystopique est à l'image de nos machines, auxquelles nous avons tous prêté allégeance. C'est là finalement le principal reproche qui pourrait être fait à "Rien Ne Suffit", autant que son attrait : étouffant, nous laissant vides, il demande une écoute assidue, trop peut-être, car la violence de son propos et la puissance de son parti-pris sont aussi radicaux qu'hermétiques.

Malgré la déconstruction structurelle et le parti-pris Indus, les Toulousains délivrent toujours un Black Metal racé, impeccable, inspiré par les maîtres DEATHSPELL OMEGA. Trop classique pourrions-nous dire, car PLEBEIAN GRANDSTAND se retrouve engoncé dans des gimmicks. Les blasts intransigeants, étouffants et les guitares-blizzards sont toujours aussi efficaces et monstrueuses, mais elles ont fait leur temps (ainsi le début de "À Droite Du Démiurge, À Gauche Du Néant" est-il bon, sans être transcendant). Pourtant, il serait criminel de négliger le caractère proprement surnaturel du jeu d'Ivo, qui brille dans un album à sa gloire. Comme Jamie d'ULCERATE, la batterie est le cœur d'un édifice tentaculaire, l'aboutissement d'un monument labyrinthique aux couloirs échappant à toute géométrie connue ("Jouis, Camarade"). Au rayon des mentions particulières, difficile également de ne pas mentionner Adrien qui réalise là sa meilleure performance, et en français ! Un véritable possédé, face auquel le plus fol des exorcistes ne pourrait rien, surplombant de sa rage, la bave aux lèvres, l'incandescente fureur des musiciens au service de sa harangue. Enfin, saluons Amaury Sauvé, le fameux producteur, devenu membre à part entière du groupe, et qui livre sur "Rien Ne Suffit" une prestation hallucinante, soit celle des machines. L'Indus de cet album, c'est lui, l'enfer de "Tropisme", c'est lui. Autrement dit la véritable originalité du disque, qui le sauve de la potentielle saturation que l'on pourrait avoir après tant d'essais suffocants de Black Metal. Ainsi, les moments brillants de cet album sont ceux durant lesquels Black Metal et machines entrent en collision, comme Hanouna avec Saint-Louis ou Taubira avec Senghor : le choc est vif, l'impact retentissant, mais le résultat surprenant. "À Droite Du Démiurge, À Gauche Du Néant" et son break central hallucinant de torture, en est un bon exemple. On croirait voir Adrien se débattre dans les méandres tentaculaires de chroniqueurs d'On n'est pas couché, essayant de donner de la voix face à un Yann Moix rouge comme le t-shirt préféré de Fabien Roussel, et une Léa Salamé aussi fine d'analyse qu'Hidalgo découvrant le taxi parisien. Au loin, une meute assoiffée des théories de Sandrine Rousseau, qui se passe des petits papiers avec un pronom spécial à utiliser et joue avec les nerfs de ses interlocuteurs.

Bientôt c'est le cœur de l'album qui arrive, "Angle Mort" chef d'oeuvre incroyable de maîtrise. Adrien chante attaché sur un tabouret, entouré de la fine fleur des humoristes de France. Valérie Pécresse tout en cils suppliants, lui parle du sapin de Noël comme valeur suprême française. Adrien éructe, il se tortille comme le blast échappe à toute saisie de l'auditeur. Face à lui s'enchainent d'autres joyeux drilles. Schiappa vient lui présenter son dernier bouquin, une histoire d'amour entre le fondateur non-binaire d'une start-up et une jeune macroniste qui lutte contre le retour du fascisme et la promotion du niqab comme outil de libération des femmes. À la vue de ce cauchemar lumineux, PLEBEIAN GRANDSTAND accentue la marche de la fin des temps, "Espoir Nuit Naufrage" nous chante-t-il, dans une fausse lumière mid-tempo contemplative. Tout le monde vers le précipice ! Les femmes et les enfants d'abord, patriarcat oblige ! C'est bientôt Aymeric Caron qui mène la marche, il est grand temps d'en finir avec cette bande de salopards tueurs de moustiques ! Il leur jette des bouts de steak Angus AAA à la gueule en les traitant d'hitlériens ! Le long de la file mortifère, il a dressé un vidéo-projecteur géant avec la photo du pauvre enfant Aylan mort sur une plage. Ceux qui ne chialent pas sont vite assaillis de carcasses de poulets. Le monde baisse les yeux, demande pardon, la repentance suprême, ta mère à genoux devant Caron, ton père à quatre pattes qui imite le cochon à l'abattoir. Rien ne suffit, la ligne avance, tous en route pour la fin de l'espèce, et qu'on en finisse !